o ALPADEF --Sénégal et
International: L'Alliance Panafricaine pour le
Développement de l'Entrepreneuriat Féminin , association
réunissant des femmes majoritairement d'origine immigrée, y
compris sa Présidente122, a développé une
expertise en matière de formations-action et d'accompagnement des femmes
sénégalaises souvent sans emploi et sans qualifications
particulières puis plus globalement d'Afrique de l'Ouest dans le montage
et la prise en main de leurs projets de création d'activités
génératrices de revenus. L'association, investie depuis 3 ans
dans le double espace culturel Afrique-France, a mobilisé pour cela un
parterre de compétences de haute facture où se recrutent chefs
d'entreprises, professeurs, journalistes, informaticiens, experts en
ingénierie du développement local, étudiants
d'écoles de commerce et de communication.
o ALPADEF-France, son versant français, porte
les mêmes objectifs que ceux précédemment cités mais
en direction cette fois des femmes immigrées avec ou sans emplois.
Née au Sénégal en 2008, l'association est
partie du constat, en discutant avec les femmes, que:
- les femmes avaient besoin de formation au montage et la
gestion d'activités génératrice de revenus afin
de sortir de la logique de micro-crédit qui, de l'avis de
la présidente de l'association:
«& Ne va pas trop loin et de plus, crée
une sorte de marginalisation des femmes et renforce un préjugé
selon lequel, en Afrique, la Finance c'est pour les hommes et la microfinance
pour les femmes...) au Sénégal par exemple, les chambres de
commerce sont plus souvent fréquentées par les hommes que par les
femmes. Parce que derrière, il y a un relai qui est celui des banques et
dont l'accès est particulièrement difficile pour les femmes. Ce
d'autant qu'en certains endroits du continent africain, les femmes ne peuvent
ouvrir par exemple un compte bancaire sans l'accord du mari, de l'oncle, etc.
Une situation socio-économique qui est en train de changer heureusement
».
- ce constat s'est accompagné d'une lecture
socio-anthropologique sur la condition et l'attitude de certaines
femmes migrantes en France, moins entreprenantes au
demeurant. La présidente d'ALPADEF s'en explique en ces termes:
« La femme en Afrique est active, actrice. Et
malgré la vision occidentale de la femme battue, soumise et autre, moi
je vois que là-bas ce sont elles qui gèrent tout. Avec des formes
culturelles différentes. Ici en France, en revanche, les femmes
deviennent invisibles. Elles perdent totalement cette force. Quand elles
viennent ici, très souvent c'est pour accompagner ou rejoindre leurs
maris. Et quand elles sont ici, elles n'ont plus la force ou l'autonomie et je
pense aussi à leur identité féminine africaine. Il y a une
sorte de déperdition ici. Elles restent à l'ombre des hommes, en
exerçant de petits activités de commerce ...il y a à mon
avis une sorte d'appauvrissement du potentiel de la femme africaine dès
qu'elle arrive ici; je pense qu'elle souffre
122 Universitaire en école de commerce et gestion,
universités lyonnaises et corrélativement consultante
internationale pour les entreprises sur la diversité et le
développement durable.
92
encore plus du déracinement que l'homme. Ici, si la
femme n'est pas 'éduquée'', n'est pas cultivée, ne parle
pas bien le français, alors qu'est ce qui lui reste à faire ?
Vendre des boubous à la maison ! »
Il s'est donc agi pour l'association de créer des
formations-actions dans les secteurs d'activités identifiés par
les femmes: restauration, textile, services, agriculture (transformation des
produits agricoles), d'organiser des conférences sur le thème des
femmes migrantes et la création d'entreprise, où d'assister aux
rencontres des réseaux professionnels des femmes, toutes origines
confondues.
Néanmoins, au-delà du traditionnel
problème de l'accès aux subventions, l'association se heurte
aussi aux réticences des personnes cibles, ce qui pose un
problème de mise en place et d'animation des dispositifs prévus
pour l'accompagnement de celles-ci. La direction d'ALPADEF apporte à ce
sujet quelques éclairages:
« Le problème du coup c'est qu'il faut faire
du porte-à-porte. Pour arriver à dénicher les femmes et
les faire venir à nos formations, il fallait faire du
porte-à-porte, parce que les femmes spontanément elles ne
viennent pas. Mais vu qu'il faut des financements pour faire ça, nous
nous sommes limitées à l'objectif d'accompagner 6 à 7
femmes porteuses de projet de création d'entreprise par an. Mais il y en
a une qui a déjà laissé tomber, c'est donc vous dire&
»123
Cela étant, ALPADEF, particulièrement sensible
à la construction des consortiums s'appuie stratégiquement sur un
large réseau d'associations professionnelles et de promotion
économique des femmes dans le Grand Lyon et au niveau national, parmi
lesquelles : Résolink, Action'elles, Supplément
dames, les Marianne de la République, etc. L'association
est membre du conseil d'administration de l'ONG de développement
Passerelle NGAM incluse dans notre
échantillon, et membre cotisant des collectifs AFRICA 50
et SOPE (Solidarité pour exister, collectif des
associations sénégalaises de Rhône-Alpes).
Une pratique des alliances stratégiques qui permet ainsi
à l'association d'être identifiée et d'avoir ses
entrées dans des cercles professionnels et décisionnels
fermés. Une pratique à promouvoir à l'échelle des
associations de migrants dont la majorité souffre d'un déficit de
ressources relationnelles ou capital social ? Nous y reviendrons dans le
chapitre consacré aux réseaux des acteurs associatifs
subsahariens du Grand Lyon.
Ce tableau des pratiques d'insertion effectué, notons
que figurent dans le répertoire des associations du Rhône d'autres
associations composées entièrement ou majoritairement de migrants
et pratiquant l'insertion de manière formelle ou alors sous des formes
alternatives tournées vers les pratiques d'entraide
intracommunautaire.