Les associations de notre échantillon et celles
figurant sur le répertoire des associations du Rhône pratiquant
l'insertion privilégient 3 approches fondamentales :
ü l'insertion par les valeurs:
prévention et lutte contre les discriminations dans l'espace public
(école, administration, services publics) et privé (entreprises),
promotion de l'interculturalité/transculturalité et soutien
à la parentalité. Les descendants d'immigrés sont ici
particulièrement concernés.
ü L'insertion par l'économique:
soutien à la création d'activités
génératrices de revenus au vu de l'autonomisation
économique des migrants et migrantes, formation à la gestion et
au suivi. Les femmes en sont le public prioritaire.
ü L'insertion par la pratique de l'art et
l'artisanat : arts plastiques, artisanat, sculpture, poterie,
broderie&très orientée vers les femmes également
Autrement dit, les associations de migrants sont peu
présentes dans les champs de l'accompagnement à la recherche de
logement et amélioration du cadre de vie des personnes précaires,
l'accompagnement à l'insertion professionnelle et les questions de
santé et la formation linguistique par exemple à visée
professionnelle pour ceux des migrants ayant des difficultés
particulières de langue. Avant d'en arriver aux causes, analysons dans e
détails les activités des organisations sus-citées.
Elles sont au nombre de deux dans notre échantillon de
départ:
o A2P Nord -- Sud-Sud : Actions
Perspectives-Prospectives Nord-Sud-Sud est l'association par excellence qui
porte la question de l'intégration par la culture et notamment
l'interculturalité et la transculturalité au
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coeur des réflexions progressivement agissantes au sein
de la communauté africaine du Grand Lyon. Avec à sa tête un
président arrivé et installé depuis 1972, cette
association est membre de collectifs associatifs tels Africa 50 au sein
desquels elle anime des ateliers et porte des débats sur cette
problématique. Elle se positionne comme un passeur ou médiateur
de cultures et mène en ce sens des activités de promotion de
l'interculturel, du l'Universel mais aussi des vertus des particularités
ethniques. De l'aveu de son président, cette démarche est:
(< La voie d'une meilleure connaissance de sa propre
culture, de son histoire, de ses cultures, l'histoire des relations
Afrique-Europe aussi. Pour dire que si nous sommes ici, c'est aussi à
cause de l 'histoire, de cette histoire-là. Si nous sommes là
c'est nous sommes acteurs aussi de ce territoire français et que nous
faisons partie de la communauté nationale et que l'identité
française est riche des identités multiples et l'identité
africaine entre autres. L'objectif c'est que nous soyons pleinement fiers de ce
que nous sommes. Et pas seulement fiers d'une partie de nous-mêmes.
Être fiers, nous reconnaître tels que nous sommes, la
complexité de ce que nous sommes aujourd'hui. Nous sommes africains,
mais nous sommes africains européens. Et c'est là que
j'apprécie de nouveaux concepts tels que l'a forgé
Léonora Miano, nous sommes des « Afropéens
», pour dire qu'il est important que nous sachions nous poser pleinement
dans toute notre complexité; Et c'est important aussi que nous sachions
résister à des assignations à résidence, à
des simplifications, à des réductions de la part d'autres, selon
les moments, selon ce qui les arrange, nous disant que nous sommes «
irréductiblement africains », ou à d'autres moments :''nous
avons cessé d'être Africains, nous nous sommes complètement
assimilés ~'. Non ! Nous sommes tous là et nous n'avons pas
à nier une part de nous. Il y a là aussi toute une dimension du
savoir-être, du savoir-vivre(&) les cultures africaines, l'histoire
africaine ont des choses à nous dire ».
Cette dialectique interculturelle implique la connaissance de
soi, de ses propres culture, personnalité et société, y
compris dans la relation des Européens au monde africain dans le cadre
des actions de solidarité internationale ou de développement; et
surtout dans la relation entre Africains eux-mêmes. Et de ce point de
vue, nombre de griefs ont été exprimés vis-à-vis de
la communauté africaine du Grand Lyon dont la quasi-totalité des
associations de notre échantillon qui sont en lien direct avec les
migrants subsahariens.
A2P fait donc aussi de la lutte contre les
préjugés et stéréotypes qui font le lit des
discriminations, du racisme, de la xénophobie, du repli identitaire, de
la fermeture de soi à l'autre un de ses chevaux de bataille:
(< Les préjugés, les
stéréotypes, ce n'est pas seulement celui qui vient de loin,
entre hommes et femmes, entre voisins, entre nous. Nous parlions d'histoire. Il
y a un véritable impact de l'histoire de la colonisation sur nous qui
fait qu'il y a des personnes qui ont tendance à ne pas reconnaitre
à leur juste valeur les africains qui ont fait les mêmes
études. Cela tient des a priori que nous entretenons tous. L'un
des domaines d'intervention d'A2P c'est de travailler précisément
sur les représentations, les stéréotypes, en
commençant par faire émerger à la conscience ces
stéréotypes et puis après de travailler à les
déconstruire et à s'engager dans un processus de connaissances;
Car ce qui explique ces préjugés c'est l'ignorance en fait. Et
lorsqu'on consent à s'engager dans une relation à l'autre tel
qu'il est et non pas tel qu'on voudrait qu'il soit, à ce
moment-là, on peut gagner le combat de l'enrichissement des imaginaires
et donc de la transculturalité, parce qu'on est capable d'aller
au-delà des préjugés que l'on a vis-à-vis des
autres.»
Et C'est fort de cette conviction et s'appuyant sur ce
paradigme de la rencontre nécessaire de '' l'un et de l'autre'' en terre
de France et en terre africaine qu'A2P anime des ateliers, des
conférences, des formations sur cette problématique au sein des
structures de volontariat international dans le Rhône (notamment au
Service de Coopération et de Développement où a longtemps
officié son président), par exemple, afin de préparer les
volontaires à la rencontre avec cette altérité
africaine.
L'organisation s'est associée à deux ONG
allemande et italienne afin de conduire, dans son versant français et
lyonnais, un projet intitulé « Cross Community »
(auquel participe également l'a structure qui nous accueille en stage,
le Centre A.C.F.), consistant à recueillir les opinions des
élèves, étudiants et enseignants afin d'évaluer
l'ampleur du phénomène des discriminations en milieu scolaire,
les modalités des actions de prévention, puis à faire en
ce sens des recommandations spécifiques.
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A2P porte ce projet au sein d'AFRICA 50 sous la houlette de
laquelle elle mène ces activités, lequel projet
bénéficie du label du collectif121. Ce qui nous permet
de dire qu'au travers d'A2P, c'est AFRICA 50 qui porte ce projet, en tant que
faire-valoir du projet, au niveau local du moins.
o MIFERVAL : le Mouvement
International des Femmes pour la Réhabilitation des Valeurs est un
groupe de femmes issues de cultures différentes, mues par des objectifs
communs qui se déclinent comme suit:
- la réhabilitation des valeurs humaines et le
développement des échanges interculturels.
- La lutte pour le maintien de la place des parents dans
la cellule familiale, leur responsabilité dans l'éducation des
enfants ; le soutien à la parentalité dans une
société égalitariste où le droit d'aînesse
peut être mis à mal du fait de l'affirmation des droits de
l'enfant, l'ouverture de l'école aux parents (un des axes du PRIPI
d'ailleurs) afin de les aider à gérer au mieux la
scolarité de leurs enfants, rempart contre l'échec scolaire qui
frappe majoritairement les enfants d'immigrés au niveau de
l'enseignement primaire et secondaire.
- La sensibilisation des jeunes face aux violences et
facteurs de déviance.
- L'encouragement des jeunes à la (re)
découverte de la richesse des cultures d'origine et la culture
d'accueil, tout en développant la solidarité entre les peuples
sans distinction de race, ni de religion.
En gros, MIFERVAL, née en 2008 et
présidée par une femme ancien fonctionnaire international
d'origine mauritanienne, porte un discours quelque peu semblable à celui
d'A2P et milite pour la rencontre des cultures, l'éducation à la
diversité, la réhabilitation des valeurs culturelles des groupes
d'origine et leurs transmissions aux jeunes descendants d'immigrés
souvent en déshérence culturelle.
Ces démarches participent d'une stratégie
identitaire d'insertion, mais qui se pose en s'opposant à la tentation
du communautarisme, puisqu'elle promeut l'ouverture à l'autre et la
connaissance approfondie par les migrants, jeunes et adultes, femmes, enfants,
primo-arrivants, de la société d'accueil tout en
développant la solidarité entre les peuples sans distinction de
race, ni de religion.