Chapitre 2 : LE CADRE D'INTEGRATION DES MIGRANTS
SUBSAHARIENS
1. Un bref historique de la politique
d'intégration en France
Les immigrés considérés dans la
présente étude sont pour leur quasi-totalité
arrivés après la seconde guerre mondiale. L'impératif de
la reconstruction puis de la reconstitution de la démographie
française mise à mal par deux guerres amène les pouvoirs
publics à encourager l'immigration. C'est ainsi qu'entre 1945 et 1974,
la croissance économique va provoquer un appel d'air aux flux
migratoires en provenance d'Europe du Sud et du Maghreb. Mais si l'immigration
des travailleurs est encouragée, elle doit aussi être
contrôlée, organisée. C'est dans cette optique que sont
mises en place les premières politiques d'intégration au travers
de structures ad hoc créées en vue de l'accueil des travailleurs
immigrés, de leurs familles mais aussi afin d'encadrer les
réfugiés qui commencent affluer vers la France vers les
années 1950. C'est le cas en 1945 de l'Office national de
l'Immigration(ONI) et en 1952 pour l'Office Français de Protection des
Réfugiés et Apatrides (OFPRA).Toutefois, en dépit de la
naissance de ces structures, cette politique n'est pas appliquée dans
l'optique d'admettre les étrangers non-européens en vue d'une
installation définitive. Les étrangers ont reçu
l'autorisation d'entrer dans le pays lorsque les ressortissants nationaux ne
suffisaient pas à pourvoir à certains emplois vacants. Or, si
l'admission à titre permanent peut requérir d'emblée une
politique d'intégration, la question de l'intégration ne se pose
pas s'agissant de l'admission de travailleurs étrangers destinés
à combler certaines lacunes sur le marché local e l'emploi,
puisque la présence de migrants est appelée à rester
temporaire.84 En clair, avant les années 1970,
l'intégration n'a pas été un problème pertinent en
France au sens où pour bien les travailleurs migrants, «
l'emploi était un phénomène à caractère
temporaire(&) D'une certaine manière, les travailleurs migrants
étaient en fait fort bien intégrés du point de vue du
marché du travail ».
À compter des années 50, la population
immigrée s'accroit et se diversifie. Et tandis que l'immigration
européenne fléchit quelque peu, la part des ressortissants
maghrébins s'accroit considérablement, tandis qu'une
première vague de travailleurs migrants africains sub-sahariens et turcs
commence à s'installer en France. Aussi, la politique d'accueil
va-t-elle se concentrer sur l'aide sociale et l'accès au logement des
travailleurs, notamment algériens. C'est dans cette mouvance que nait en
1958 le Fonds d'action sociale pour les travailleurs musulmans
d'Algérie en métropole et pour leurs familles (FAS).
Avec les dynamiques de décolonisation qui agitent le
continent africain, un afflux important d'immigrés du continent noir
s'installent en France. Face à cette diversification qui tend à
s'accentuer plus que jamais, les pouvoirs publics français
décident d'étendre la politique d'intégration à
l'ensemble des immigrés en définissant de nouveaux axes
opérationnels d'intégration : accès à la formation,
formation linguistique, action culturelle plus large.
Le premier choc pétrolier et ses répercussions
sur la machine productive française inspireront aux pouvoirs publics des
mesures de restriction à partir de 1974, et notamment la suspension de
l'immigration de travail permanente. Le flux d'immigration ralenti, s'en est
suivi une diminution de la part des étrangers dans la population active
qui décroit alors de 7,3% en 1975 à 6,4% en 1990 et à 6%
en 200085. Se développe alors l'immigration familiale qui
s'accélère dans les années 80 et entraine à la fois
une féminisation croissante des mouvements migratoires mais aussi des
problèmes plus aigus d'insertion sociale et professionnelle des nouveaux
arrivants d'une part, et d'autre part des migrants travailleurs
déjà présents sur le territoire français qui ,
désintégrés du marché du
84 D'après R.W. Böhning dans un article
intitulé l'Intégration des travailleurs migrants : «
Dans le cas de l'Europe de l'Ouest et du Nord, bon nombre [de travailleurs
migrants] n'ont jamais eu l'intention de se fixer à l'étranger de
manière permanente ».
85 Voir sur le portail de la documentation française :
« exode des compétences du Tiers-Monde vers les pays
développés. Le cas des Africains francophones de la France
», 2002.
54
travail suite à la crise économique et la
fermeture des frontières, décident pour une bonne part d'entre
eux en tout cas de s'installer de façon permanente dans l'Hexagone,
rejoints par leurs conjointes et autres membres de la famille. La crise
économique a en effet considérablement réduit des
débouchés professionnels
La politique d'intégration va poursuivre son
renforcement par l'octroi de droits supplémentaires aux étrangers
mais sans plus connaitre de changement significatif jusqu'à
l'orée de la décennie 1990.
Le tournant des années 1990 va en effet voir
émerger une orientation nouvelle de la politique d'accueil et
d'intégration nationale des étrangers avec un renforcement des
dispositifs de formation linguistique face à la difficulté
d'insertion professionnelle en raison d'une faible maitrise de la langue
française par nombre de nouveaux arrivants; une accentuation de la
formation civique des étrangers récemment arrivés suite
aux dérives «communautaires » dénoncées par les
pouvoirs publics et certaines mouvances politiques nationales.
Le point d'orgue de l'évolution de la politique
d'intégration c'est l'introduction en amont dans le processus
d'accompagnement à l'intégration d'un Contrat dit d'Accueil et
d'Intégration (CAI) dont l'expérimentation a débuté
en 2003 et entré officiellement en vigueur et obligatoire à
partir du 1er janvier 2007.
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