3. Catégorie socio-professionnelle des
immigrés dans le Rhône
Les immigrés en région Rhône-Alpes
occupent plus souvent des emplois dans le secteur tertiaire (54% pour les
hommes et 84% pour les femmes à presque égalité pour les
non-immigrées, 85%), suivent des emplois dans l'industrie
majoritairement occupés par des hommes (24% contre 14% pour les femmes)
autant que le secteur de la construction. Cette configuration est sensiblement
la même pour la population globale rhônalpine.
De manière générale, les immigrés
rhodaniens, pris dans leur ensemble, sont dans leur majorité des
personnes à la retraite (38.256, soit 19,6% sur un effectif total de
194.849 personnes en 2009), puis ouvriers à 18%, employés
à 15%, exercent des professions intermédiaires à 8,3%, des
professions intellectuelles supérieures et cadres à 5,7%,
artisans, commerçants et chefs d'entreprise à 3,4% et sans
activité professionnelle à 29% (56.163 immigrés dont 68 %
des femmes). Tandis que hommes exercent en tant qu'ouvriers, les femmes sont
davantage employés dans les services à la personne,
l'hôtellerie-restauration, commerce, etc. Elles sont peu nombreuses
à être chefs d'entreprise. On les retrouve aussi, à une
échelle moindre, dans les métiers d'ouvriers et les professions
intermédiaires.
4. Quid de la population immigrée subsaharienne du
Grand Lyon?
SI beaucoup, hommes et femmes, sont sans activité
professionnelle dans le Rhône (6.431 individus sur un effectif global de
19.305 personnes en 2009 dans le Rhône), les immigrés subsahariens
sont majoritairement ouvriers (2.690 personnes) puis employés (1.467).
Viennent ensuite les professions intermédiaires (1.070) et les
professions intellectuelles supérieures : 765 personnes contre 611 pour
les immigrés marocains, 311 pour les tunisiens et 938 pour les
algériens). Difficile cependant de savoir combien sont les
immigrés sub-sahariens naturalisés et étrangers à
exercer dans ces professions intellectuelles supérieures. Cette
donnée pouvant permettre de comprendre si la nationalité joue ou
influe sur le niveau d'études et la volonté de mettre à
contribution son expertise au service des actions collectives portées
par les associations de migrants sub-sahariens en regard de
l'intégration nationale des primo-arrivants ou des missions de
solidarité et développement dans les pays d'origine.
En ce qui concerne les métiers d'artisans , de
commerçants et de chefs d'entreprise, sur une population active
masculine d'origine sub-saharienne de 9.427 individus, l'Insee n'en a
recensé que 320 individus, un taux relativement faible en comparaison
par exemple des immigrés d'origine algérienne (967), portugaise
(776), turque (735) et tunisienne (602), plus entreprenants. Peut-on voir dans
à ce niveau-ci de notre étude la fréquence de
créateurs d'entreprises au sein de la communauté
maghrébine du Rhône comme un palliatif aux difficultés
d'accès au marché de l'emploi qui touche davantage cette
catégorie de la population ? Un parallèle peut en effet
être fait81 si l'on s'en tient à la multitude
d'études consacré au sujet au niveau national.
81 Voir Tadjine-Lévy, op.cit.
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La faiblesse de la présence des femmes subsahariennes
du Rhône dans la dynamique de la création d'entreprises ou de
l'auto-emploi ressort également de cette enquête, avec 179
personnes identifiées comme commerçantes, artisans ou chefs
d'entreprise sur un effectif total de 9.878 immigrées. Ces femmes sont
à presque égalité d'effectif sans activité
professionnelle (3.758) et employées (3.821) dans le secteur tertiaire
pour l'essentiel. Elles sont moitié moins nombreuses dans les
professions intermédiaires (779) et les professions intellectuelles
supérieures (359) que les hommes. Un écart important entre les
métiers manuels et intellectuels qui fait apparaitre en filigrane les
niveaux de qualification particulièrement faibles chez les
immigrées sub-sahariennes et qui les assignent fatalement à des
emplois globalement peu qualifiés et mal
rémunérés.
La population des retraités et
pré-retraités sub-sahariens approchent les 700 individus en 2009
dans le département. Les premières données de notre
enquête de terrain ont laissé entrevoir que très peu ou pas
de retraités, aux des responsables associatifs rencontrés, et
notamment ceux ayant exercé des professions intellectuelles
supérieures ou intermédiaires, ne donnaient de leur temps et ne
mettaient leurs expertises et compétences diverses à disposition
des associations de migrants enquêtées. L'échantillon de
notre investigation étant réduite à une vingtaine
d'associations, il est trop tôt pour tirer des conclusions
générales. Il serait toutefois intéressant de voir
à terme quelle est la proportion des retraités sub-sahariens du
Rhône qui s'impliquent dans la vie associative de la communauté
africaine du Grand Lyon, leurs pratiques associatives de manière
générale en regard de celle des non-migrants, ainsi que les
formes et leur niveau d'implication. Une étude d'autant plus importante
à mener que de nombreuses enquêtes ont démontré que
le bénévolat associatif, même s'il fait appel autant aux
personnes actives qu'aux demandeurs d'emploi et étudiants (et surtout
les 18-25 ans), il repose pour l'essentiel sur les retraités nationaux
de bonne volonté82.
Au total, la situation de l'emploi dans le Grand Lyon est
globalement peu favorable aux immigrés. Et cela entraine un certain
nombre d'incidences sur le plan social : baisse de revenus, accès
précaire au logement, conditions de vie peu enviables. Dans ce contexte,
l'intégration devient problématique83. Or,
l'intégration des migrants est un long processus qui nécessite la
conjonction de 3 conditions :
- Les conditions socio-économiques d'insertion ( travail,
logement, famille, scolarisation)
- Une identité culturelle affirmée sur laquelle les
migrants s'appuient pour faire face aux adaptations
nécessaires à leur vie quotidienne en France
- Des relations satisfaisantes avec des personnes
extérieures au groupe d'origine et qui favorisent l'ancrage sur le
lieu d'habitation et le développement d'une nouvelle identité
Ainsi donc, l'intégration au niveau individuel suppose
que le sujet atteint un état, un équilibre psychologique
lorsqu'il élimine les tensions dues aux différences entre son
groupe et l'environnement étranger tout en restant de façon
variable dans ses anciennes références.
Quelles réponses les pouvoirs publics donnent-ils
à la question de l'insertion sociale, professionnelle, économique
et culturelle des migrants de manière à réduire les
écarts importants existants entre immigrés étrangers
immigrés naturalisés et français de naissance? Quelle
politique d'intégration pour favoriser l'accès des migrants aux
dispositifs du droit commun de façon à faciliter une
intégration accomplie et assurer ainsi la cohésion sociale dans
une société française caractérisée par une
diversité ethnoculturelle et sociale importante?
82 Voir sur le portail de l'association Recherches
& solidarités, une étude de Cécile Bazin
et Jacques Malet intitulée : « Le bénévolat selon
les générations, baromètre d'opinion des
bénévoles », Cahier N°9, Juillet 2010. Voir aussi
« le Panorama de la vie association dans le Rhône »,
publiée pour la direction des mêmes auteurs et de Marie Duros et
Henitsoa Raharimanana en février 2012. Avec le concours de la
Délégation départementale de la cohésion sociale du
Rhône.
83 Voir le rapport du Haut-Conseil à l'Intégration
: « la France sait-elle encore intégrer ses immigrés ?
Bilan de la politique d'intégration en France depuis vingt ans et
perspectives », Avril 2011.
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