2. Causes du chômage des immigrés
étrangers et immigrés naturalisés
2.1. Le niveau de diplôme
2.1.1. Les difficultés d'accès au
marché d travail tiennent pour beau coup au manque de
qualifications.
Alors qu'en France le diplôme est un atout
particulièrement déterminant dans l'accès à
l'emploi, les immigrés sont en moyenne moins qualifiés que les
personnes nées en France. Selon les statistiques du ministère du
travail français, 48 % des immigrés de 15 ans et plus disposent
au maximum du certificat d'études primaire ou aucun diplôme,
contre 30 % pour l'ensemble de la population vivant en France. Chez les 20
à 24 ans, 31,5 % sont dans ce cas, contre 15,6 % pour la moyenne du
pays. Et même à niveau de diplôme équivalent, le taux
de chômage des immigrés demeure supérieur. Ainsi, pour les
titulaires d'un bac par exemple, le taux de chômage est de 9 % pour les
Français nés de parents français, contre 22,3 % pour les
immigrés non-européens. Pour les titulaires d'une licence et
plus, les chiffres sont respectivement de 4,6 % et 16,3 % pour les
immigrés étrangers ( 13% pour les immigrés
naturalisés). Le taux de chômage va décroissant avec le
niveau de diplôme64, certes, mais celui des immigrés
des pays tiers est toujours supérieur d'au moins 10 points à
celui des Français de parents nés Français,
64 Un immigré actif sur quatre est diplômé du
supérieur en France. Proportion identique à celle des
non-immigrés. Quant aux immigrés étrangers sans
diplôme, leur taux de chômage s'élève à 27,1 %
(Dont 31,9% pour les femmes) contre 23,5% pour les immigrés
naturalisés. Signe que la nationalité française des
immigrés a un impact réel sur le taux de chômage.
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quel que soit le niveau de diplôme. Ce qui fait dire aux
chercheurs que les diplômes protègent peu les immigrés du
chômage, de même que leurs descendants65.
Tableau 9 : Taux de chômage de la population
active selon le niveau de diplôme
Source: Insee, Infos Migrations, L'insertion professionnelle des
immigrés et de leurs descendants en 2010.
2.1.2. Les diplômes obtenus sont peut-être de
niveau identique, mais pas similaires ou ne se valent pas
Pour un même niveau de diplôme, l'on observe un
écart significatif entre immigrés et natifs, notamment pour les
diplômés de l'enseignement supérieur, les 1ers étant
plus exposés au chômage. Une des explications réside dans
le fait que les immigrés et leurs enfants dans leur grande
majorité, particulièrement les filles, sont souvent
orientées vers des filières qui ne conduisent pas aisément
à trouver un emploi en France. En termes d'intégration
professionnelle, un diplôme d'ingénieur dans le contexte tendu du
marché du travail aura sans doute plus de poids qu'une licence en
lettres modernes, précise l'étude.
Ajouté à cela le problème de la
non-reconnaissance des diplômes66 et des
qualifications67 acquises dans les pays d'origine ou le manque
d'initiatives en la matière par les immigrés
eux-mêmes. Des démarches, auprès d'un rectorat
d'académie par exemple, peuvent permettre d'obtenir une reconnaissance
formelle des études menées à l'étranger ou du
diplôme acquis. Or en 2008, selon l'Insee, «seul un
immigré sur dix a fait ce type de demande. La principale raison
invoquée de l'absence de cette démarche est le manque
d'utilité. Les immigrés diplômés du supérieur
sont beaucoup plus nombreux à bénéficier d'une
reconnaissance formelle de leurs qualifications. Ceci traduit le fait qu'ils
ont plus souvent terminé leurs études en France et que
l'utilité de faire reconnaitre leurs diplômes apparait plus grande
»68. Ainsi, autant les diplômes et les
expériences professionnelles acquises en dehors de la France constituent
les principaux « passeports » pour les nouveaux migrants mieux
formés, autant ces mêmes passeports sont vite
périmés faute d'être reconnus facilement , rapidement et
équitablement une fois la
65 Pour ce qui est des enfants d'immigrés en France, si
à l'école ils améliorent leurs résultats, selon les
chercheurs de l'Insee, ils sont trois fois plus au chômage que les
descendants de Français de naissance.
66 En effet, seuls 13% des immigrés arrivés
après 18 ans en France pour y effectuer des études ont obtenu
leur plus haut diplôme
67 La reconnaissance des titres de compétences est un
processus qui consiste à vérifier si les connaissances, les
compétences, la formation, le niveau d'études et
l'expérience de travail acquis dans une autre pays respectent les normes
établies pour les travailleurs en France et pour y exercer une
profession ou un métier.
68 Voir Olivier Monso et François Gleizes, «
Langue, Diplômes: des enjeux pour l'accès des immigrés
au marché du travail», division emploi, Insee, 2010.
47
personne installée en France. Il en découle de
cette non-reconnaissance des acquis et des compétences de
fâcheuses conséquences pour des personnes qui croyaient pouvoir
intégrer le marché du travail : une augmentation du taux de
chômage, une surreprésentation des migrants parmi les prestations
des aides sociales, plus de migrants occupant des postes pour lesquels ils sont
surqualifiés et les salaires perçus étant de beaucoup
inférieurs à ce qu'ils pourraient recevoir: le
phénomène du déclassement ou la
déqualification69 qui concerne de nombreux migrants
diplômés qui ne trouvent pas d'opportunités correspondant
à leur niveau de qualification et doivent par conséquent se
« reconvertir » dans une autre activité, moins bien
rémunérée. C'est le phénomène du
sous-emploi. Plus de personnes se voient, comme au Canada par exemple,
obligés de recommencer des programmes d'études qu'ils ont
déjà effectués dans leur pays d'origine. Ces formations
coûtent cher autant à l'État qu'au migrant lui-même
qui se sent dévalorisé et frustré par ces contraintes et
abandonnent son programme d'étude. Les migrants concernés,
semi-qualifiés ou très qualifiés en viennent à
perdre ces qualifications par défaut d'exercice ou de pratique, ce qui
va jusqu'à hypothéquer les capacités au
développement des sub-sahariens de la diaspora par exemple, «
qui se trouvent en difficulté par rapport aux opportunités
d'investissement dans les pays d'origine, lesquelles exigent un niveau de
compétences que ces migrants ont perdues faite
d'expériences(...)la déqualification est une perte pour le pays
d'accueil(...) et pour les pays d'origine. Il y a donc une communauté
d'intérêt à favoriser le renforcement des qualifications et
à considérer les diasporas qui en sont porteuses comme une
ressource » (Babacar Sall, 2003). En gros, des
bénéfices de l'immigration qui sont de beaucoup inférieurs
à ce qu'ils pourraient être ici et là-bas au final.
S'il est avéré que les sub-sahariens
récemment arrivés en France ont plus souvent suivi des
formations, les immigrés originaires d'Afrique et de plus ancienne
installation recourent très peu aux dispositifs de la formation
professionnelle continue ou de remise à niveau, nous entendons
par là des formations post-scolaires, sous statut de chômeur ou
formations suivies à titre individuel: « Les immigrés
accèdent deux fois moins à la formation professionnelle continue
que les Français d'origine. En revanche, les bénéficiaires
qui sont dans ce cas suivent des actions plutôt plus longues et plus
qualifiantes que la moyenne des stagiaires. Les personnes nées de
parents immigrés, quant à elles, accèdent dans des
proportions proches de celles des non-immigrés aux dispositifs de
formation. Seules celles dont les deux parents sont originaires du Maghreb
apparaissent défavorisées »70.
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