Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance( Télécharger le fichier original )par Grégoire TCHOMGUI KOUAM Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000 |
PARAGRAPHE 2 : LE RESPECT DES NORMES QUANTITATIVES DE SOLVABILITE ET D'EQUILIBRELa solvabilité est « l'aptitude d'un établissement de crédit à faire face en toutes circonstances à ses engagements au moyen de ses ressources propres »72(*). Les normes d'équilibre quant à elles sont une technique de prudence qui consiste pour les EMF à ne pas prendre des engagements trop risqués de nature à déstabiliser la structure et à compromettre son fonctionnement normal. Nous examinerons tour à tour les normes de solvabilité (A) et les normes d'équilibre (B). A. Le respect des normes de solvabilitéDans l'exercice quotidien de ses activités, un EMF est appelé à prendre des engagements envers ses membres ou envers les tiers. Ces engagements doivent respecter une certaine discipline. En effet, les prêts doivent être octroyés sur les capitaux propres de l'établissement et non sur les dépôts des clients, ce qui permet à la structure d'être prête à faire face à tout moment aux besoins des déposants qui sollicitent le retrait de leurs dépôts en compte. Quelques mesures concourent à la consolidation de la solvabilité des EMF tel que le provisionnement qui est une assurance interne permettant de prévenir efficacement les risques de défaillances (1). La couverture des immobilisations participe aussi à la réalisation de ce dessein (2). 1. Le provisionnement des créances en souffrance. Les entreprises de crédit font très souvent recours à la technique de provisionnement pour faire face au risque de non recouvrement, cause principale de leur insolvabilité. Cette technique est règlementée par la COBAC et contenue dans le Règlement 2002/18 du 15 avril 2002 relatif à la comptabilisation et au provisionnement des créances douteuses et permet de prévenir les risques de défaillances pouvant provenir des créances immobilisées et des créances impayées (a) ou même des créances douteuses (b). a. Le provisionnement des créances immobilisées et des créances impayées Les créances immobilisées sont celles échues depuis plus de 45 jours au moins ou 90 jours pour les crédits de campagne, mais dont le recouvrement, sans être compromis, ne peut être effectué immédiatement73(*). Il s'agit des créances potentiellement irrécouvrables du fait de l'absence d'une manifestation de volonté de payer du débiteur ou du fait de l'absence de garantie dont la réalisation permettrait le recouvrement. C'est par exemple le cas d'un compte courant débiteur dont le recouvrement du solde, bien que n'étant pas compromis, ne se trouve pas assuré par les dépôts réguliers de son titulaire. Le provisionnement des créances immobilisées ne peut se faire sans sa comptabilisation. Par le jeu des écritures comptables, la créance immobilisée est enregistrée dans un compte spécial pour lequel une dotation sera affectée à son comblement si la créance est devenue impayée74(*). Mais, il faut noter que l'inscription de la créance au compte ne porte que sur le principal et non sur les intérêts, ce qui est préjudiciable pour les EMF car les bénéfices réalisés par eux à l'issue d'un exercice proviennent en majorité des intérêts de crédit. Néanmoins cette solution est réaliste puisque les intérêts ne courent que pour celui qui peut encore payer. Les créances impayées quant à elles sont les sommes non payées à l'échéance normale. Ce sont aussi les concours frappés de déchéance de terme depuis moins de 45 jours pour tout autre motif que la survenance des impayés75(*). Pour leur comptabilisation, les créances impayées, préalablement enregistrées seront apurées au fur et à mesure de leur paiement. Si le plus ancien des impayés imputé à un même débiteur remonte à plus de 45 jours, ils subiront par contagion le traitement appliqué aux créances douteuses76(*) et seront provisionnés par des techniques appropriées. Les créances immobilisées et les créances impayées sont provisionnées immédiatement dès leur constatation car ne bénéficiant pas des garanties et par conséquent ne pouvant pas faire l'objet d'une procédure judiciaire de recouvrement77(*). Le provisionnement permet donc d'effacer les créances douteuses du bilan de l'établissement et d'assainir ses comptes. Ces différentes créances sortent de leur compte d'origine dès qu'elles sont considérées comme douteuses et sont désormais traitées conséquemment78(*). b. Le provisionnement des créances douteuses Les créances douteuses sont la catégorie la plus variable des créances en souffrance. Elles sont les concours de toute nature, même assortis de garantie, qui présentent un risque probable de non remboursement total ou partiel. Le classement dans cette catégorie d'une fraction impayée de concours portés par une personne entraîne par effet de contagion le transfert de l'intégralité des concours par caisse accordés à cette personne en encours douteux. Ce principe de « créance douteuse-client douteux »79(*) dont l'application laisse voir un souci prudentiel manifeste mérite d'être salué à juste titre, ce d'autant plus que l'existence d'une créance douteuse fait planer par ricochet le doute sur la personne du client80(*). La comptabilisation des créances douteuses suit le même régime que les créances immobilisées et les créances impayées puisque ces dernières, par la technique de déclassement, peuvent être rangées dans la catégorie des créances douteuses. Le provisionnement des créances douteuses répond à un régime dualiste selon que ces créances sont susceptibles de faire l'objet d'une procédure judiciaire ou non. Dans le premier cas, si les créances sont assorties de garanties hypothécaires, elles doivent être provisionnées progressivement durant quatre ans81(*). La doctrine a ainsi pensé que le provisionnement progressif est une contrainte en pratique et que la solution réside dans le « pré-provisionnement ou provisionnement ex-ante ou prévisionnel »82(*). Quoique pertinente, cette solution semble peu réaliste dans la mesure où elle ignore les dissensions qui pourront naître entre l'établissement et le fisc, ce d'autant plus que la réglementation fiscale est favorable au provisionnement progressif. Le provisionnement prévisionnel souhaité par la doctrine serait perçu par le fisc comme une fraude. En l'absence d'une fiscalité spécifique pour les EMF, on pourrait donc, pour améliorer le régime du provisionnement progressif, réduire le nombre d'années d'échelonnement. Si en revanche la créance douteuse est assortie de sûretés réelles, la partie non couverte est provisionnée immédiatement et la partie couverte doit l'être plus tard dans un délai d'un an. Si la totalité de la créance est couverte par une sûreté réelle, la créance doit être intégralement provisionnée en un an si la caution ne propose pas un plan crédible de remboursement ou une source de financement affectée irrévocablement au respect des échéances retenues. Dans le second cas, des créances douteuses qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une procédure judiciaire de recouvrement sont provisionnées immédiatement dès leur constatation. Quoiqu'il en soit, la réglementation sur le provisionnement des créances en souffrance a pour souci de renforcer la prévention des défaillances bancaires des EMF et ce souci est constant et manifeste. La couverture des engagements est l'autre pendant de cette prévention. 2. La couverture des engagements des EMF Elle comprend la couverture des immobilisations et la couverture des crédits par les ressources disponibles83(*). Les immobilisations sont des opérations financières à long terme effectuées par les EMF à l'aide des ressources disponibles en permanence. Les EMF sont tenus de respecter un coefficient minimum de couverture des immobilisations égal à 100%84(*). Ce pourcentage "minimum" renseigne suffisamment sur le souci du législateur de protéger les ressources financières des EMF. Ceux-ci peuvent aller au-delà du pourcentage minimum indiqué, ce qui renforcerait davantage leur solvabilité. Dans le même sillage, obligation est faite aux EMF de ne pas excéder le taux de 50% dans l'affectation des ressources d'emprunt au financement des immobilisations85(*). Le coefficient de couverture des crédits par les ressources disponibles quant à lui est le rapport entre les emplois et engagements et les ressources disponibles86(*). Il est question ici pour les EMF de limiter l'octroi du crédit à leurs fonds propres et non de répondre aux demandes de crédit avec les dépôts des clients. Il s'agit là d'un grand défi pour les EMF qui le plus souvent sont tentés de satisfaire à toutes les demandes de crédit de la clientèle en allant au-delà des limites réglementaires fixées. C'est ainsi que les EMF des première et deuxième catégories organisés de manière indépendante et les organes faitiers des réseaux sont tenus de respecter un coefficient de couverture de 70%. Ce taux est de 65% pour les EMF affiliés à un réseau87(*). On peut se surprendre de constater que le coefficient de couverture des crédits est inférieur aux autres taux alors que le risque de défaillance grevé sur le portefeuille crédit est considérable. Certes, on se serait attendu à ce que ce taux soit fixé à 100% comme dans la majorité des cas. Mais le législateur aurait pris ici en compte le souci de croissance des EMF puisque la vente du crédit permet à la structure de réaliser les gains et, par voie de conséquence, assure sa croissance. Même s'il aurait fallu que le législateur fixe pour ce cas un taux plus bas pour une croissance efficiente, il est à noter que deux intérêts légitimes devraient être conciliés : le souci de croissance et le gage de la solvabilité. Le législateur s'est efforcé de concilier ces deux intérêts et cet effort est aussi perceptible avec la fixation des normes de sauvegarde de l'équilibre des EMF. * 72 V. cours de formation professionnelle ITB, 2è année, cité par KALIEU Y. in Le contrôle bancaire dans la zone de l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale, op. cit., p. 452. * 73 Art. 3 du règlement précité. * 74 V. art. 8 al. 1 du règlement précité . * 75 Art.4 du règlement précité. * 76 Art. 8(2) du règlement précité. Le délai est de plus de 90 jours pour les crédits de campagne. * 77 Art. 9(b) du règlement précité. * 78 Art. 8 al. 3 du règlement précité. * 79 L'expression est de KENMOGNE SIMO A. , op. cit., p.97. * 80 Idem. * 81 L'une des mentions de l'article 9 précise que la provision cumulée doit couvrir au moins 15% du total des risques concernés au terme de la première année, 45% au terme de la deuxième année, 75% au terme de la troisième année et 100% à l'issue de la quatrième année. * 82 V. KENMOGNE SIMO A., op. cit., p.99. L'analyse de cet auteur se rapporte aux établissements bancaires, peut sans regret être rattaché aux EMF. * 83 V. respectivement le règlement COBAC EMF 2002/09 relatif à la couverture des immobilisations par les EMF et le règlement COBAC EMF 2002/12 relatif à la couverture des crédits par les ressources disponibles. * 84 Art. 4 du règlement 2002/09 précité. * 85 Art. 5 du règlement précité. * 86 Art. 1 du règlement 2002/12. * 87 Art. 4 du règlement précité. |
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