Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance( Télécharger le fichier original )par Grégoire TCHOMGUI KOUAM Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000 |
CONCLUSION GENERALEAu terme de cette étude dont il était question pour nous d'examiner le régime juridique du traitement des défaillances bancaires des EMF, le constat est que ce traitement souffre des carences de plusieurs ordres qui effritent son efficacité et fragilisent le secteur de la microfinance en Afrique Centrale. Le législateur CEMAC, conscient des conséquences désastreuses des faillites bancaires au vu des expériences du passé, conscient aussi du rôle primordial des EMF dans le financement de l'économie et grâce aux services spécifiques qu'ils offrent et la particularité qui anime ce secteur, a adopté le Règlement n°01/02/CEMAC/UMAC/COBAC relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de microfinance dans la CEMAC485(*). Ce texte qui encadre entre autre l'accès à la profession, organise et fixe les règles déontologiques de l'exercice de l'activité de microfinance, laisse échapper l'intention du législateur CEMAC de déterminer une base juridique solide pour les EMF. Mais cette solidité est relativisée par l'imprécision de certaines dispositions de ce texte ainsi que son silence coupable sur certains aspects plus que déterminants de l'activité notamment la fiscalité et la gouvernance des EMF. Le souci de prudence affiché dans la réglementation de la COBAC sur les EMF atteste suffisamment la nécessité du traitement préventif des difficultés des EMF. Cette réglementation préventive à l'analyse, est plus ou moins efficace. La barricade dressée à l'entrée dans la profession ainsi qu'à la création des EMF par la technique d'agrément limite l'accès de tout aventurier à la profession et assure un bon départ aux EMF, car leur constitution est savamment contrôlée. Les ratios prudentiels et comptables assurent la pérennité des EMF, mais un grand fossé existe entre les prévisions théoriques et leur mise en oeuvre ; ce qui annihile les efforts de prévention et précarise la santé des EMF. Le respect des règles de liquidité et de stabilité financière édictées par la COBAC s'avère donc être une nécessité pour la prévention des défaillances bancaires des EMF. Le modus opérandi des EMF qui est en lui-même un facteur de risque mérite d'être révisé. La pratique doit exiger des garanties fiables et rédiger minutieusement les contrats de prêt. Il ne sera pas question d'appliquer ces mesures de façon aveugle, mais une application au cas par cas sera nécessaire pour que les EMF ne perdent pas de leur essence. Une pratique régulière et systématique des microassurances est souhaitée pour juguler les risques de non remboursement des crédits. Le mutisme des textes sur la centralisation des risques oblige les praticiens à prendre leur destin en main en choisissant une technique appropriée pour fédérer une centrale des risques. Cet organisme est très important pour résoudre l'épineux problème du surendettement des clients, source indéniable de défaillances. Les contrôles sur pièces et sur place exercés par la COBAC en vue d'assurer le respect de la réglementation prudentielle est un gage du succès de la politique préventive du traitement des défaillances bancaires des EMF. Mais l'ineffectivité ou l'absence de régularité du contrôle sur place qui est par ailleurs le plus probant, précarise davantage les EMF et les met à la merci des défaillances, puisqu'en matière de prévention, la détection précoce doit être de mise. Face à une telle situation, il est plus que nécessaire de privilégier le contrôle interne et de définir une politique efficace y afférente. A notre sens, le contrôle interne bien mené permet de détecter précocement les risques de défaillance et de les traiter efficacement. Le succès de la politique interne de contrôle dépend donc des capacités de ses acteurs, d'où la plus grande nécessité d'outiller par des actions de formation, non seulement les acteurs du contrôle interne, mais tous les agents de la microfinance afin qu'ils puissent servir au mieux pour la sauvegarde des intérêts de l'établissement. Dans cette optique de formation, il est nécessaire de vulgariser le mécanisme de la microfinance, surtout aux clients les plus indigents, afin de limiter toute confusion entre crédits octroyés et les subventions gouvernementales. Une politique d'accompagnement des clients dans leurs activités n'est pas moins importante pour la prévention des difficultés. Mais la prévention ne signifie pas que les difficultés sont définitivement évitées486(*). Tout le problème reste alors celui de la manière par laquelle les difficultés sont traitées. Une réadaptation du régime de l'administration provisoire et de la liquidation est donc nécessaire car l'administration provisoire présente un bilan mitigé. Elle n'est donc ni la meilleure, ni la seule technique de traitement permettant la continuation de l'exploitation de l'établissement. Il convient de déplorer le fait que le législateur communautaire n'a pas aménagé les opérations de restructuration. Le plan de redressement interne, à bien des égards pourrait se montrer plus efficace pour le sauvetage de l'EMF en difficulté. Malheureusement en pratique, il ne bénéficie d'aucun soutien, ce qui est également à déplorer. L'administration provisoire, pour être efficace doit être réaménagée. Le recours à certaines opérations pourra être envisagé selon le régime de droit commun. Une fusion-absorption ou une cession pourrait permettre de limiter les conséquences sociales de la dissolution de l'établissement à travers la sauvegarde des emplois. La liquidation, envisagée comme technique de traitement des défaillances des EMF devrait donner une satisfaction tant aux déposants qu'aux actionnaires ou sociétaires. Malheureusement, tel n'est pas le cas puisque la clôture de la liquidation se fait très souvent pour insuffisance d'actif. Les mesures concernant la liquidation s'avèrent donc inefficaces. La coexistence concurrente de deux liquidateurs ainsi que la dualité de fonctions qui en découle rend inopérant le contrôle des opérations de liquidation. C'est dire que la liquidation aboutira presque toujours à une situation où les déposants ne seront pas désintéressés et où les actionnaires ou sociétaires auront subi d'énormes pertes. Le traitement des défaillances des EMF dans sa phase curative doit donc privilégier la restructuration et des mesures devraient être prises pour que la restructuration ne soit pas convertie en liquidation. On aurait pu penser que la liquidation est une solution conciliatrice des intérêts en présence487(*). Mais on constate que les espoirs qu'elle suscite s'estompent devant l'inefficacité des ses opérations. C'est donc dire qu'en l'état actuel des choses, la question du traitement curatif des défaillances des EMF reste sans solution. La COBAC devrait donc repenser la politique de traitement des difficultés des EMF qui jusqu'ici échappe à son contrôle488(*). * 485 Ce texte ne peut s'appliquer indépendamment de la Convention portant création de la COBAC et celle de 1992 portant harmonisation de la réglementation bancaire dans les Etats de l'Afrique Centrale. * 486 V. préambule du Règlement CEMAC portant création du Fonds de Garantie des Dépôts en Afrique Centrale. * 487 Si toutes les parties venaient à être totalement désintéressées. * 488 V. KALIEU Y., article précité sur le contrôle bancaire, p. 471. |
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