Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance( Télécharger le fichier original )par Grégoire TCHOMGUI KOUAM Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000 |
D. Les recours contre les décisions de la COBAC.Qu'elles émanent de la COBAC elle-même (1) ou de ses mandataires (2), les décisions de la COBAC en matière d'administration provisoire sont susceptibles de recours. Le législateur communautaire a eu le mérite d'envisager cette possibilité qui permet de réduire les abus préjudiciables aux EMF en difficultés, abus pouvant provenir de la subjectivité des administrateurs provisoires. Mais l'efficacité du recours contre les décisions de la COBAC est discutable au regard de la pratique. 1. Le difficile recours contre les décisions de mise sous administration provisoire d'un EMF défaillant L'article 68 du Règlement n° 01/02/CEMAC/UMAC/COBAC du 13 avril 2002 dispose : « les décisions prises par la Commission Bancaire sont susceptibles de recours devant la Cour de Justice de la CEMAC, seule habilitée à en connaître en dernier ressort. Le recours doit être signifié à la Cour de Justice de la CEMAC dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision ». La possibilité de recours est ainsi offerte notamment à l'établissement en cause. Sans doute la Cour devra être saisie dans ce contexte par les dirigeants évincés372(*) qui, ayant saisi en instance par requête le Président de la COBAC, n'auraient pas obtenu satisfaction. Le recours n'est pas suspensif, sauf en cas de saisine préalable du conseil d'administration d'une demande suspensive d'exécution. Les sanctions ne peuvent être modifiées qu'à la majorité qualifiée prévue à l'article 38 al. 3 des statuts de la BEAC. Dans les faits, la décision de mise sous administration provisoire des EMF fait très souvent l'objet de critiques373(*). Mais curieusement, aucun recours n'a à notre connaissance été intenté contre une pareille décision374(*). Au regard de la grogne des professionnels au sujet de l'administration provisoire, comment ne pas s'étonner de l'absence d'un recours à ce sujet et comment comprendre cette carence ? Est-ce la preuve de l'ignorance du contentieux communautaire, de ses contraintes ou de la phobie du prétoire ? A ce qu'il semble, les causes de la carence doivent malgré tout être recherchées ailleurs. En effet, la décision de mise sous administration provisoire d'un établissement est obligatoirement motivée.375(*) Peut-on pour autant dire que les motivations données par la COBAC pour justifier ses décisions sont toujours irréprochables ? Il est permis d'en douter. Si ces motivations n'ont jamais fait l'objet de contestation, c'est sans doute à cause de l'imprécision des hypothèses de mise sous administration provisoire telles que définies par la réglementation. La désignation d'un administrateur provisoire intervient lorsque « la gestion de l'établissement ne peut plus être assurée dans les conditions normales »376(*). Or l'absence de définition de l'expression « conditions normales » rend difficile, voir impossible toute tentative de donner à cette expression un contenu limitatif377(*), ce qui n'est pas mauvais en soi, mais reste tout de même un danger. Néanmoins, il est possible de cantonner la notion sans forcement l'enfermer dans une définition étroite en déterminant par exemple l'auteur de l'appréciation des « conditions normales »378(*). Quoi qu'il en soit, une intervention du législateur est plus que nécessaire pour caractériser la notion afin que la possibilité de recours contre les décisions de mise sous administration provisoire d'un EMF ne soit plus un leurre. La contestation de l'issue de l'administration provisoire, timidement amorcée, laisse quelques lueurs d'espoir. 2. Le timide recours contre l'issue de l'administration provisoire L'issue de l'administration provisoire peut être contestée chaque fois que la décision ne reflète pas la situation réelle de l'établissement en cause. Il s'agira le plus souvent des décisions qui vont à l'encontre de la continuité de l'exploitation de l'EMF ou même des décisions dont la réalisation est "douloureuse"379(*). En effet, les larges pouvoirs de l'administrateur provisoire lui donnent la possibilité de déclarer la cessation des paiements. Vu la gravité de cette décision, elle doit être justifiée par la situation réelle de l'établissement. Si ce n'est pas le cas, les actionnaires peuvent s'y opposer. Un recours devant le juge communautaire est donc nécessaire en vue de paralyser les effets de la décision injuste. De même, les pouvoirs de l'administrateur lui permettent de céder purement et simplement le patrimoine de l'établissement en cause. Si cette décision est arbitraire, les actionnaires sont en droit de saisir le juge communautaire afin qu'il les réhabilite dans leurs droits380(*). Malheureusement, tout recours intervient après coup. Nous interpellons donc la conscience des administrateurs provisoires sur les conséquences désastreuses de leurs fantaisies. Il ressort de ce qui précède que, tant la décision de mise sous administration provisoire que celle de son issue doivent être pertinentes pour être efficaces. Mais en réalité, s'il est indéniable que le recours à l'administrateur provisoire est une mesure curative de traitement des défaillances des EMF, l'efficacité de cette technique est discutable au regard des imperfections qu'elle regorge, d'où l'impérieuse nécessité de réadapter son régime et le législateur communautaire une fois de plus est interpellé. * 372 C'est ce que les dirigeants d'Amity Bank ont fait dès qu'ils ont été démis de leurs fonctions par la COBAC avec la décision de mise sous administration provisoire de cet établissement de crédit. V. pour plus d'informations NEMEDEU R., « Notes sous : CJ/CEMAC, Arrêt n°003/CJ/CEMAC/CJ/03 du 03 juillet 2003, Affaire TASHA LOWEH Lawrence c/ Décision COBAC D-2000/22 et Amity Bank Cameroon PLC, SANDA Oumarou, ANOMAH NGU Victor », in Juridis Périodique n° 69, Janvier-Février-Mars 2007, p. 58-64. * 373 V. CHENDJOU L., « EMF : la COBAC fragilise les coopératives d'épargne... », op. cit. ; TAHAFO TIHAN RANDHAL , « Affaire CBC, la COBAC sous influence », 19-11-2009, disponible sur le site http://www.leblogderostattane.ivoire-blog.com/ ; KONLAK J. R., « Désaccord entre la COBAC, le Tchad et la Centrafrique au sujet du groupe Fotso : Administration provisoire de la CBC, CBCA, CBT, la RCA et le Tchad réagissent à la décision COBAC », Le Jour, 09/12/2009 ; NTIGA L., « Redressement : un administrateur provisoire à la CBC », Mutations, 9 nov. 2009, disponible sur le site http://www.quotidienmutations.info/index/php . * 374 Seul le gouvernement tchadien s'est récemment opposé à l'installation d'un tchadien comme administrateur provisoire à la CBT. * 375 Art. 63 al. 3 du Règlement du 13 avril 2002. * 376 Art. 63 al. 2 du Règlement précité. * 377 KENMOGNE SIMO A., thèse précitée, p.216. * 378 Idem. * 379 C'est par exemple le cas lorsque l'administrateur provisoire décide de la liquidation de l'établissement alors que l'actif est difficilement réalisable, ou encore lorsque la cessation des paiements est déclarée alors qu'il n'en est rien. * 380 C'est ce que les actionnaires d'AMITY BANK ont fait et la Cour arbitrale de la CEMAC a eu à se prononcer en leur faveur le 16 nov. 2009. V. C J/CEMAC, Arrêt n°010/CJ/CEMAC/CJ/09 du 13 novembre 2009, Affaire SIELIENOU Christophe et autres c/ Décision COBAC n° D-2008/52, Amity Bank Cameroun PLC, Autorité Monétaire du Cameroun. Lire l'article y relatif sur http://www.afriqueavenir.org. Lire aussi KALIEU Y., « Notes sous CJ/CEMAC, Arrêt n°010/CJ/CEMAC/CJ/09 du 13 novembre 2009, Affaire SIELIENOU Christophe et autres c/ Décision COBAC n° D-2008/52, Amity Bank Cameroun PLC, Autorité Monétaire du Cameroun », in Juridis Périodique n° 83, Juillet-Août-Septembre, 2010, pp. 25-42. |
|