Le développement de l'employabilité à partir d'une réflexion sur la responsabilité sociale de l'entreprise( Télécharger le fichier original )par Nathalie Marcopoli Conservatoire national des arts et métiers Paris - Mémoire de DESS développement des systèmes d'organisation 2005 |
2.1.3 La problématique de la légitimité du concept de RSE2.1.3.1 Développement de l'aspect théorie des organisations 6(*)L'étude des théories des organisations relatives à la RSE conduit à se poser la question du référentiel 7(*) sur lequel reposera la conception de la RSE. Chacune de ces théories constitue un référentiel spécifique qui doit orienter la définition du champ des responsabilités et qui doit servir de base à l'entité évaluatrice. Concernant la RSE, le référentiel touche les différentes façons de positionner l'entreprise dans son environnement, la rendant ainsi plus ou moins responsable au regard de la société. Autre question posée à travers l'étude de la RSE sous l'angle des théories des organisations : celle d'un fonctionnement conjoint de la RSE et de la performance globale possible sur le long terme et tout à fait normalisé. Deux grandes conceptions s'opposent : les théories économiques néo-classiques pour lesquelles la seule finalité que doit poursuivre l'entreprise est le profit, et les théories du courant moraliste éthique pour lesquelles l'entreprise a une responsabilité morale et se doit d'agir de manière socialement responsable. Entre ces deux visions extrêmes existent divers courants qui intègrent à différents niveaux l'entreprise dans son environnement social et admettent dés lors une convergence plus ou moins grande entre l'intérêt général et l'intérêt de l'entreprise. Il est possible de les regrouper en trois tendances : - un courant classique, économique et libéral, - un courant qui situe l'entreprise dans un réseau de parties prenantes ; la responsabilité de l'entreprise est basée sur la notion de contrats, - un courant qui place l'entreprise au sein d'un environnement social dans lequel l'entreprise cherchera à développer des stratégies en cohérence avec les valeurs de la société. Premier courant : le courant classique Théorie néo-classique défendant la responsabilité sociétale au profit des actionnaires : cette approche est représentée par Milton Friedman et l'école de Chicago. La poursuite d'objectifs sociaux et environnementaux ne se justifie que dans la mesure où elle assure de bons résultats financiers, donc si elle sert les intérêts de l'actionnaire. Cette logique n'ayant jamais été démontrée dans les faits, il est évoqué la notion de « profit à long terme » pour justifier l'intégration d'une stratégie sociétale à la stratégie globale de l'entreprise. L'essentiel de cette stratégie porte concrètement sur le contrôle des dirigeants en vue de protéger les actionnaires (gouvernement des entreprises). Théorie de la dépendance à l'égard des ressources : l'entreprise est soumise aux demandes des acteurs sociaux qui lui fournissent les ressources indispensables à la poursuite de son activité (ressources financières, humaines, naturelles, etc. ). La nécessité de répondre à ses attentes amène l'entreprise à poursuivre des objectifs sociétaux. Il s'agit donc d'un engagement sous contrainte. Cette théorie constitue un premier pallier de la théorie des parties prenantes. Deuxième courant : théories intégrant la notion de parties prenantes Théorie des parties prenantes : les parties prenantes d'une entreprise sont des acteurs intéressés par les activités et les décisions de l'entreprise (on trouvera également les notions de « parties intéressées » ou de « porteurs d'enjeux »). Les différentes définitions de ce concept engendrent la prise en compte d'un périmètre plus ou moins large d'acteurs (acteurs influencés, acteurs supportant un risque). La construction de typologies de parties prenantes permet de distinguer les parties prenantes primaires, bénéficiant d'un contrat explicite avec l'entreprise (partenaires de l'entreprise) et les parties prenantes secondaires, liées à l'entreprise par un contrat implicite ou moral (l'entreprise dans la société). Pour gérer les parties prenantes, l'entreprise les sélectionne en utilisant les critères de pouvoir, de légitimité et d'urgence. Les limites de cette théorie sont : l'idée qu'une résolution des conflits d'intérêts est possible en maximisant les intérêts de chacun ; la construction d'une vision réductrice de la responsabilité sociétale de l'entreprise qui ne prend pas en compte les parties prenantes muettes ou absentes 8(*). Cette vision segmentée sert de base à l'essentiel des travaux consacrés à la responsabilité sociale de l'entreprise. Théorie des biens communs mondiaux : la théorie des parties prenantes est insuffisante pour traiter la problématique du développement durable au niveau mondial. Dune part, la diversité des intérêts particuliers est telle que la politique du consensus ne peut être menée ; la définition de l'intérêt collectif doit alors être donnée par un organe décisionnaire public. D'autre part, son mode de fonctionnement n'intègre pas l'existence de parties prenantes muettes ou absentes, ce qui est incohérent avec la notion de responsabilité de l'entreprise dans le cadre d'un développement durable, telle qu'elle a été définie par les Nations unies depuis le sommet de Rio en 1992. Le développement de la notion de « biens communs mondiaux » indispensables à la survie des sociétés humaines permet une meilleure approche du développement durable à l'échelle planétaire. Le travail autour de la responsabilité sociétale consiste alors en une préservation et un développement de ces biens communs de l'humanité. La théorie des biens communs mondiaux est une théorie intéressante car il est possible de mettre en oeuvre certains principes à l'échelle de la planète, ce qui est bien moins envisageable avec la théorie des parties prenantes. Dans le cadre de la théorie des parties prenantes, plus nous raisonnons au niveau global, plus nous devons opérer une sélection des parties prenantes afin de ne pas être submergé par leur nombre, d'où la vision segmentée de la responsabilité sociale à laquelle fait référence l'auteur. La théorie des biens communs mondiaux permet au contraire de faire agir l'ensemble des hommes en vue de la sauvegarde d'un bien donné, sans passer par l'étape d'identification et éventuellement de sélection des parties prenantes. Cette théorie facilite l'action collective de grande envergure. Au lieu de rechercher les spécificités des attentes de chacun pour les satisfaire au mieux au sein d'un consensus, la théorie des biens communs mondiaux conduit à identifier les attentes communes (concrétisées par la notion de biens communs) et à mettre en oeuvre (sans nécessité de compromis ou consensus) la réalisation de ces attentes. Nous noterons que cette théorie peut s'appliquer de la même façon à n'importe quel périmètre plus restreint que la planète, ce qui constitue un autre de ses avantages. Théories de la responsabilité sociétale des entreprises : 3 théories sont identifiables. La théorie « Business and Society » : l'absence de frontière entre entreprise et société et la multiplicité de leurs interactions que l'on peut traduire par l'existence d'un contrat moral justifient l'exercice d'un contrôle social par la société. La théorie du « Social Issue Management » fournit des outils de gestion pour intégrer la dimension sociale à la stratégie de l'entreprise. La théorie « Business Ethics » prête à l'entreprise un statut d'agent moral qui lui donne une responsabilité morale. Les premier et deuxième courants sont basés sur l'idée que le consensus entre entreprise et parties prenantes est possible par l'établissement de contrats justes. Troisième courant : le courant sociologique Dans l'approche sociologique néo-institutionnelle, l'entreprise est intégrée à la société et elle recherche en permanence une légitimité au sein de cette dernière. Cette légitimité est institutionnalisée dans la mesure où la société a établi des exigences, des normes sociales et culturelles que l'entreprise doit respecter si elle veut acquérir cette légitimité. Ce comportement est omniprésent et non mesurable. Avec l'habitude, il peut n'être qu'apparence et ne pas correspondre à la réalité des activités de l'entreprise. Trois types de comportement sont possibles pour l'entreprise : la conformité totale et partielle (contrôlée par les contraintes légales, les contraintes normatives ou les contraintes mimétiques) ; l'évitement (par la construction d'une image de conformité) ; la manipulation (par l'exercice d'une influence sur les pressions institutionnelles et les évaluations). Globalement, nous retiendrons qu'il existe deux paradigmes relatifs aux liens entre entreprises et sociétés : - une approche par les contrats - une approche par l'encastrement de l'entreprise dans un réseau social Tableau de synthèse de la RSE sous l'angle des théories
* 6 Les éléments de ce paragraphe ont été développés à partir de l'ouvrage de M.Capron, F.Quairel-Lanoizelée, op.cit., 2004, p92 * 7 Voir paragraphe 2.1.1.1 concernant cette notion * 8 Y. Biefnot, Y. Pesqueux, L'éthique des affaires, Editions d'Organisation, Paris, 2002 |
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