3. Dispositifs d'amélioration de la
qualité de l'eau
1. Dispositifs juridiques et économiques
La France a connu une évolution complexe de sa
réglementation nationale vis-à-vis de la pollution agricole des
ressources en eau depuis 1975, essentiellement transcrite depuis la
réglementation européenne. Une trentaine de directives ont
fixé les normes de qualité et les seuils maximum pour chaque
substance en fonction des secteurs d'usage, perfectionnant ainsi le traitement
des eaux. Ces directives ont finalement abouti à une approche globale de
la qualité de l'eau avec la Directive Cadre sur l'Eau d'octobre 2000,
visant la bonne qualité de l'ensemble des eaux dès 2015.
La législation européenne
Les directives européennes en matière de
pollution d'origine agricole sont principalement orientées vers la
maitrise des teneurs en nitrates.
Dès 1975, la Directive 75/440/CEE impose aux
Etats-membres de réduire la teneur en nitrates à 50 mg/L dans un
délai de 10 ans pour la production d'eau alimentaire.
La Directive ERU (Eaux Résiduaires Urbaines) du 21 mai
1991 oblige toute agglomération de l'UE à s'équiper de
systèmes de collecte et de traitement de l'azote et du phosphore des
eaux résiduaires urbaines.
La Directive Nitrate du 12 décembre 1991 est la plus
aboutie en termes de législation de la pollution azotée. Elle
prévoit dans un délai de deux ans la désignation par les
Etats-membres des zones vulnérables où les teneurs en nitrates
sont susceptibles de dépasser 50 mg/L. Le réexamen des zones
vulnérables a lieu tous le quatre ans après des campagnes de
surveillance réglementées de la qualité de l'eau.
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 10
Première partie :
Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Chaque Etat-membre définit les bonnes pratiques
agricoles qui seront mises en oeuvre par les agriculteurs dans les zones
vulnérables. La Directive Nitrate prévoit l'élaboration de
programmes d'action spécifiques dans un délai de deux ans
à compter de la désignation de la zone et mis en oeuvre dans un
délai de quatre ans après leur élaboration.
La Directive Cadre sur l'Eau du 23 octobre 2000 est la
première législation proposant une approche plus globale de la
qualité des masses d'eau. D'importants moyens techniques,
administratifs, économiques et scientifiques sont mis en oeuvre pour que
chaque Etat-membre soit en mesure de respecter « l'obligation de
résultat » en termes de bonne qualité des eaux à
l'échéance 2015.
La législation française
Essentiellement transposée depuis la
réglementation européenne, la législation française
en matière de qualité de l'eau propose toutefois une approche
plus globale du milieu.
La loi sur les Installations Classées Pour
l'Environnement (ICPE) de 1976 définit un régime de
déclaration auprès des préfectures pour les
infrastructures susceptibles de présenter un danger pour
l'environnement. Les bâtiments d'élevage sont les principaux
concernés dans le domaine agricole, en conséquence directe de la
transposition de la Directive Nitrate. La règlementation concernant le
stockage de lisier et les opérations d'épandage est
renforcée. Une quantité maximale d'azote par hectare et par an
est ainsi définie.
La Loi sur l'Eau de 1992 impose la création de
Schémas Directeurs d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE)
pour chaque bassin hydrographique, et de SAGE à l'échelon des
sous-bassins. Cette loi permet d'encadrer les installations agricoles non
classées en ICPE et d'inscrire les zones vulnérables aux nitrates
dans ces schémas d'aménagement.
La Loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006
propose d'encadrer la gouvernance de l'eau pour une gestion plus
intégrée de la pollution de la ressource. Sa tentative de
modernisation de la Directive sur la Prévention et la Réduction
Intégrée de la Pollution aboutit à une
réglementation trop peu contraignante. Le projet de redevance pour
pollution diffuse qui s'avérait prometteur ne concerne au final que les
biocides, et sa portée s'avère très limitée.
La loi Grenelle I adoptée en 2009 prévoit le
développement de l'agriculture biologique, la certification
environnementale des exploitations et la réduction de moitié de
l'usage des pesticides en dix ans. Elle interdit l'utilisation des phosphates
dès 2012 et préconise la recherche et la réorientation du
secteur agricole vers des pratiques économes en intrants. La loi met
l'accent sur quelques pratiques phares : généralisation de la
couverture des sols en hiver, valorisation des effluents organiques
d'élevage, implantation de bandes enherbées et de zones
végétalisées en bordure des masses d'eau.
Rappelons qu'en termes juridiques, le cas des nitrates
relève du principe de précaution, l'impact de la pollution
azoté étant bien connu. A ce titre, suite à la
constitutionnalisation de la charte de l'environnement, une mise en cause de
l'Etat est possible pour mauvaise application des textes, comme ce fut le cas
en mars 2001 et en juin 2002.
Première partie :
Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Les réformes successives de la PAC
Les différentes réorientations de la PAC depuis
les années 1960 conditionnent les choix agriculturaux et les politiques
d'amélioration de la ressource en eau. La première PAC de 1958
soutenait les prix sans aucune limite quantitative dans le but d'augmenter le
revenu du travail. L'agriculture s'est intensifiée jusqu'à la fin
des années 1980 avec près de 1 mg/L d'accroissement de
concentration en nitrates en moyenne chaque année dans les eaux.
Dès 1992, une première réforme, certes timide, de la PAC
vise à introduire les premières mesures agri-environnementales.
Le règlement CEE2078/92 incite à la baisse des productions afin
de mieux prendre en compte le marché agricole, de résorber les
stocks et de maitriser les pollutions nitratées. Les exploitants prenant
le parti d'adopter des méthodes de production moins polluantes et
d'entretenir les zones rurales se voient attribuer une aide du Fonds
Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA) qui compense la
baisse de production. L'impact sur la qualité paysagère rurale et
sur la pollution azotée s'est toutefois révélé
insatisfaisant.
La réforme de 1999 et son règlement CEE
1257/1999 reprend les mêmes principes de durabilité des pratiques
agricoles. Encore trop orientée vers les préoccupations
économiques de la filière, cette nouvelle formule n'a pas eu les
effets escomptés. Jusqu'en 2003, il est réaliste de
considérer que les investissements de la PAC contribuent au
productivisme agricole. En effet, 90 % des dépenses définies en
1999 constituent des aides fonction du nombre d'hectares, de bêtes ou en
soutien des prix. La France a bénéficié de 10 milliards
d'euros au titre de la PAC 2003 à répartir entre 600 000
exploitations, soit en moyenne 17 000 euros par exploitation par an. Sur les 12
milliards d'euros réinvestis par le gouvernement français,
seulement 560 millions sont dédiés aux mesures
agri-environnementales.
A partir de 2003, les principes de découplage et
d'écoconditionnalité des aides sont mis en oeuvre. Les
subventions sont de moins en moins liées à la production et
à son niveau. Les agriculteurs touchent un paiement unique par hectare
d'exploitation calculé sur la moyenne des primes perçues sur
trois années de référence, à condition que ceux-ci
respectent les Bonnes Conditions Agricoles et en Environnementales (BCAE).
La réforme de 2009 préconise un
découplage total des aides, politique qui sera encore renforcée
par la réforme fin 2013 pour la période 2014-2019.
Par abandon progressif des subventions favorisant le
productivisme agricole, la PAC a probablement contribué à la
stabilisation des pollutions nitratées observée ces
dernières années.
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![](Gestion-de-la-pollution-azotee-de-la-ressource-en-eau-en-milieu-agricole-influence-des-dispositifs11.png)
Figure N°6 : Synoptique des principales lois
françaises sur l'eau (source : La France - La ressource en eau,
2009)
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