2. Ampleur de la pollution agricole
La pollution peut-être définie comme « une
altération du milieu naturel liée à l'activité
humaine au travers d'effets directs ou indirects » (Ramade, 1993) ou plus
précisément comme « l'introduction directe ou indirecte, par
l'activité humaine de substances [...] dans l'air, l'eau ou le sol,
susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la
qualité de l'environnement, d'entrainer des détériorations
des biens matériels, une détérioration ou une entrave de
l'agrément de l'environnement ou à d'autres utilisations
légitimes de ce dernier » (Directive 96/61 de l'UE, 1996)
Suite à l'amélioration des niveaux de pollution
issus des rejets industriels et urbains, la filière agricole est devenue
la première cause de dégradation des eaux en France. Bien que les
pollutions ponctuelles aient pu être solutionnées par les
investissements européens en termes de mise aux normes des
bâtiments d'exploitation, les efforts entrepris pour la maitrise des
pollutions diffuses d'origine agricole sont restés insuffisants. 50
à 75% des eaux de surface et souterraines seraient fortement
dégradées par la pollution du secteur agricole (MNHN, 2005),
faisant courir au territoire français le risque de ne pas atteindre le
bon état écologique des masses d'eau requis par la Directive
Cadre sur l'Eau 2015. Les pollutions diffuses constituent, par
définition, un problème transversal et épineux pour
différentes raisons. Concernant des espaces importants et
imprécis, elles sont difficiles à identifier et donc à
gérer. Les pratiques agricoles de nombreux acteurs à
l'échelle d'un bassin versant peuvent être impliquées dans
ce type de pollution, rendant laborieuse l'identification des causes.
1. L'azote d'origine agricole
L'azote peut provenir de rejets urbains et industriels, mais
sa présence dans les masses d'eau résulte majoritairement de la
généralisation de son usage pour le maintien des rendements
agricoles, sa présence naturelle étant indispensable à la
croissance des végétaux. Toxique pour les organismes aquatiques
et puissant eutrophisant, sa toxicité pour l'homme reste discutée
à ce jour.
L'azote se trouve sous différentes formes dans le sol
:
- D'origine minérale lorsqu'il est en phase aqueuse ou
adsorbée. C'est une forme soluble donc hautement lessivable qui
représente 2 à 4% de l'azote total du sol. On y trouve les
Nitrates (NO3 -), les nitrites (NO2 -) et l'ion ammonium (NTT4 +)
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Durable 6
Première partie :
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- D'origine organique lorsqu'il est intégré aux
organismes vivants et dans la matière organique du sol. Cette forme qui
migre peu dans le milieu constitue l'essentiel de l'azote contenu dans le
sol.
A noter que des échanges s'opèrent entre ces deux
formes de l'azote :
- L'azote minéral peut être adsorbé puis
intégré aux tissus vivants pour se convertir en azote
organique.
- L'azote organique peut être minéralisé
en azote lessivable lors de la décomposition des tissus
végétaux, ou rejoindre la matière organique à
minéralisation lente, dite « stable ». La forme la plus stable
de l'azote minéral étant le nitrate NO3 -.
- Le nitrate peut toutefois être converti en azote
gazeux dans un milieu réducteur dépourvu d'oxygène (zones
humides, fossés...) selon un processus de dénitrification.
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Figure N°2 : Cycle de l'Azote en milieu agricole
Les techniques agriculturales employées
conditionnent ces échanges. L'exploitant réalise
des apports d'azote sous forme minérale (engrais minéraux) ou
sous forme organique (lisiers et fumiers) afin de compenser les pertes d'azote
minéral liées au lessivage des sols et d'azote organique
exporté par les récoltes. Les pratiques entrainant la
présence d'un reliquat d'azote facilement lessivable augmentent les
risques de pollution. C'est le cas de la surfertilisation ou d'apports
azotés trop importants pour des rendements qui seront finalement
inférieurs aux prédictions. Un drainage excessif des sols
favorise les flux de nitrates vers les masses d'eau et peut constituer un
court-circuit des zones potentielles de dénitrification (zones humides,
eaux stagnantes sur sol peu perméables, forêts rivulaires, bandes
enherbées...). Les conditions climatiques impactent également le
transfert des polluants. La survenue d'une pluie efficace entre
l'épandage et l'adsorption par les cultures entraine un risque de
lessivage important. Les années humides sont donc des années de
forte pollution azotée. De même, les automnes doux à
pluviométrie moyenne favorisent la minéralisation d'azote
organique en azote minéral lessivable, à une période
où la demande en azote des cultures chute. La pollution nitratée
des masses d'eau y est maximale.
La pollution azotée présente également
une variation spatiale de son ampleur. On observe généralement
des teneurs en nitrates plus fortes en aval qu'en amont du fait de la
réduction de
la capacité auto-épuratoire du cours d'eau vers
l'aval provoquée par la baisse d'oxygénation inhérente au
ralentissement de l'écoulement.
Géographiquement, les secteurs le plus touchés
sont les zones d'élevage intensif surchargées en azote organique
issu des effluents, et les espaces de grandes cultures fortement
fertilisés où les ressources en eau sont majoritairement
superficielles : Bretagne, Poitou-Charentes, Pays de la Loire et Bassin
Parisien.
Première partie :
Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille :
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La carte des zones vulnérables établie dans le
cadre de la Directive Européenne 91/676/CEE, dite « Directive
Nitrates » permet d'évaluer la spatialisation de la pollution
azotée sur le territoire français. Le zonage concerne les eaux
superficielles dont la concentration en nitrates dépasse la norme «
eau potable », soit 50 mg/L, et pour lesquelles un programme d'action est
mis en oeuvre. La France vient à ce titre d'être condamnée
par la Cour de Justice de l'Union Européenne pour manquement à la
mise en oeuvre de cette directive.
Rappelons que le milieu aquatique est considéré
comme dégradé dès que la concentration en nitrates
excède 10 mg/L.
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Durable 7
Figure N°3 : Carte 2007 des zones Figure
N°4 : Carte de l'évolution des
vulnérables « Directive Nitrates » (source
nitrates dans les cours d'eau 1998-2011 MEEDDAT)
Après une augmentation continue des teneurs en nitrates
depuis les années 1970, il semblerait que les politiques
environnementales mises en oeuvre aient permis de stabiliser la situation.
Selon les données de l'IFEN 2004, la concentration moyenne en nitrates
serait passée de 10 mg/L en 1970, à 19 mg/L en 2000 pour
atteindre 17 mg/L en 2004. La situation reste cependant
hétérogène selon les bassins versants comme le confirment
les données du Service de l'Observation et des Statistiques (SOeS). Ce
dernier note une amélioration ou une stagnation des teneurs en nitrates
dans les régions les plus touchées (bassins de l'ouest) et une
dégradation lente dans les bassins jusque-là peu affectés
(sud de la France). Par ailleurs, les coûts de l'eutrophisation due aux
nitrates restent élevés. Selon le rapport 2011 du CGDD, la
dépollution des nappes phréatiques françaises couterait
plus de 522 milliards d'euros, tandis que la gestion des excédents
azotés pour l'eau potable représenterait 54 milliards d'euros,
investissement en grande partie assuré par les ménages.
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