2. Evolution des relations entre acteurs
L'interrelation entre acteurs est un aspect primordial de
l'efficacité d'un programme agri-environnemental et de la dynamique
territoriale dans lequel il s'insère. A ce titre, trois structures
principales sont à même d'établir des liens entre les
politiques publiques et les agriculteurs dans un rôle d'impulsion et de
dynamisation : les Chambres d'agriculture, les Agences de l'eau et les
Collectivités.
Par ses atouts de communication et sa proximité avec
les agriculteurs, la Chambre d'agriculture départementale constitue une
interface de choix à même d'assurer la promotion des PAE, comme en
témoigne le programme Agri-Mieux qui connait un fort dynamisme sur le
bassin versant de la Seille grâce à l'effort de ses gestionnaires.
Aucune structure ne pourrait substituer ce type d'interface.
Les collectivités et les Agences de l'eau doivent
également coordonner et articuler leurs actions afin de faire gagner en
efficacité aux dispositifs.
Le cas du programme de renaturation de la Seille illustre
à quel point il peut être laborieux d'établir un consensus
autour d'un projet pourtant essentiel. Trois syndicats se partagent la Seille :
le Syndicat Intercommunal d'Aménagement Hydraulique de la Seille en
aval, le Syndicat Interdépartemental d'Assainissement et de Curage de la
Seille en secteur médian et le Syndicat Intercommunal du Bassin Versant
Amont de la Seille. La sensibilisation autour de la nécessité
d'un programme de renaturation, initiée il y'a plus de 10 ans par
l'Agence de l'Eau Rhin-Meuse, a eu un impact hétérogène
sur les différents syndicats. Suite à l'absence de soutien des
élus, des représentants des différents syndicats, de la
DDAF et des riverains de longue date des communes concernées, ce sont
finalement les agriculteurs qui ont contribué à débloquer
le projet. Sensibilisés par le chantier de démonstration mis en
place par l'AERM et définitivement convaincus par les effondrements de
berges en bordure des parcelles par l'érosion de la rivière, les
exploitants sont parvenus à faire entendre raison au syndicat de
curage.
Tout projet territorial à finalité
environnementale voit son efficacité conditionnée par la
présence non seulement utile, mais obligatoire de chacune des parties
concernée.
3. Vers la coordination et l'adaptation territoriale
La coordination des mesures agri-environnementales
Les dispositifs agri-environnementaux permettant la lutte
contre la pollution azotée d'origine agricole sont nombreux et
présentent leurs avantages et leurs inconvénients respectifs.
Néanmoins, seules leur coordination et leur généralisation
à l'échelle du territoire mènent à une gestion
pérenne et efficace de la qualité de l'eau.
A titre d'exemple, le succès du dispositif CTE «
Collectif du Saulnois » sur le bassin versant de la Seille est imputable
à l'action collective qui a été menée. Sur bien
d'autres territoires, le CTE fait l'objet d'un bilan mitigé
résultant d'un manque de moyens et d'efforts pour la maitrise
financière du dispositif et la coordination de sa mise en place. En
résulte une implantation fondée sur des démarches
individuelles et privilégiant l'aspect quantitatif à l'aspect
qualitatif.
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 71
Quatrième partie :
Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Les périmètres Natura 2000, notamment sur la
vallée de la Seille, témoignent dans ce sens. Les
résultats obtenus en termes de réduction de la pollution
azotée d'origine agricole montrent l'intérêt d'une bonne
articulation des dispositifs agricoles. Ils constituent un exemple de gestion
agri-environnementale concertée.
En dépit du zonage de la Directive nitrate qui induit
déjà des restrictions en termes de pratiques agricoles à
l'échelle de bassins versants, l'absence de généralisation
des mesures au sein d'un programme d'action cohérent est à
déplorer sur la majorité des territoires concernés. A ce
titre, la réalisation d'un SAGE permet de prendre en compte un ensemble
d'actions telles que la restauration de cours d'eau et les opérations
d'assainissement. Il peut constituer un outil efficace pour
l'amélioration de la qualité de l'eau. La possibilité pour
les collectivités locales de s'associer en Etablissements Publics
Territoriaux de Bassin permet également d'homogénéiser les
pratiques en surmontant le morcellement administratif et des
compétences. De manière plus générale, la mise en
place des Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE) pour la
conditionnalité des aides de la PAC dès 2013 devrait apporter une
certaine généralisation des pratiques favorables à la
qualité de l'eau et resituer l'objectif de bon état des eaux
prévu par la DCE au premier plan.
A l'échelle des parcelles, la forme des contrats
agri-environnementaux rend leur articulation complexe, notamment en ce qui
concerne les MAEt. Ces mesures territorialisées, pourtant efficaces, ne
peuvent être cumulées avec les autres engagements
agri-environnementaux « de base » que sont la PHAE, le CTE, le CAD ou
les MAE de type rotationnelles. De même, la forme des contrats de type
CTE et CAD n'est pas directement négociée à
l'échelon locale mais avec les représentants du secteur agricole
à l'échelon national. Dans ce contexte, comment adapter les
programmes agri-environnementaux aux spécificités territoriales
tout en permettant leur coordination ?
L'adaptation des politiques agri-environnementales aux enjeux
territoriaux
La territorialisation des programmes agri-environnementaux est
une des clés de la gestion de la qualité de l'eau. Elle permet de
répondre au mieux aux enjeux locaux en conciliant politiques publiques
agricoles et politiques de préservation de la ressource en eau.
La mise en place des MAEt est une première étape
dans la volonté de renforcer les échelons régionaux et
locaux avec la mise en place de zonages prioritaires où
l'adéquation entre les mesures proposées et les enjeux
territoriaux de préservation est censée être optimal. Dans
ce cas, comment élaborer un programme agri-environnemental d'ensemble
sachant que chaque zonage possède ses particularités ? Autrement
dit, les zonages proposés par les MAEt sont-ils cohérents avec la
généralisation des mesures recommandée à
l'échelle du bassin versant ? Si non, quel compromis trouver entre des
zonages très spécialisés où sont appliqués
des MAEt à l'échelle de la parcelle, et un programme
agri-environnemental à l'échelle du bassin versant ne pouvant pas
prendre en compte toutes les spécificités territoriales ?
La localisation des MAEt dans des zones éligibles aux
critères de délimitation variables dans le temps et l'espace est
un inconvénient souvent évoqué dans le bilan mitigé
du dispositif. Ces mesures font pourtant parties des dispositifs les plus
efficaces dans les périmètres où elles sont
appliquées en complément d'autres mesures et soutenues par une
gouvernance locale (périmètres Natura 2000 + suivi Agri-mieux par
exemple). Les MAEt ne sont cependant pas
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 72
Quatrième partie :
Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
transposables telles quelles à l'ensemble du bassin
versant en raison de leur spécialisation à l'échelle de la
parcelle et de la difficulté qui en résulterait pour leur
coordination.
Ainsi, sur un bassin versant de grande taille relativement
hétérogène, il parait favorable, dans un premier temps,
d'assurer une coordination globale des dispositifs agri-environnementaux, tout
en ciblant des zones spécifiques aux enjeux primordiaux pour lesquelles
sont conçues des mesures adaptées. Ce fonctionnement avec zonages
permet de résoudre les problèmes liés à la
fertilisation azotée dans les secteurs les plus soumis à la
pression agricole, sans suffire à améliorer durablement la
qualité de l'eau de manière significative sur l'ensemble du
bassin versant. En ce sens, ce système peut éventuellement
constituer une première étape, mais ne peut pas être une
finalité en soi vis-à-vis des objectifs de la DCE.
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