3. Vers le développement d'une MAEt «
Systèmes de culture économes en intrants » ?
Comme de nombreuses politiques publiques, les MAEt sont
élaborées selon un schéma « top-down ». Leur
cahier des charges est construit à partir d'engagements unitaires
élémentaires par concertation au niveau national et doit ensuite
être adapté localement pour répondre de manière
optimale aux enjeux locaux. Cependant, comme évoqué
précédemment, la transition de l'échelon national à
local comporte des risques : stratégies d'appropriation, adaptation
sommaire aux enjeux locaux, non-adhésion des exploitants par manque de
confiance envers leurs interlocuteurs... La mise en place de la gouvernance
locale est rarement sans obstacle. Plus rarement dans les politiques
agri-environnementales, les mesures naissent d'une démarche «
bottom-up ». Une succession d'initiatives locales réussies par les
exploitants est portée jusqu'au niveau national. Dans ce cas,
l'instrumentalisation des mesures ou la réticence des agriculteurs pour
la contractualisation est limitée.
Récemment, un tel procédé a montré
des caractéristiques intéressantes pour près de 1500
agriculteurs de l'ouest de la France : la MAE « Systèmes fourragers
économes en intrants » (SFEI). Construite par les agriculteurs
selon un ensemble cohérent d'engagements, la SFEI s'applique à
l'ensemble de l'exploitation (de l'assolement à l'alimentation du
troupeau en passant par la fertilisation) contrairement aux MAEt qui concernent
le plus souvent les parcelles. L'intérêt d'une telle approche est
de pouvoir reconcevoir le fonctionnement d'une exploitation sans les blocages
occasionnés par les démarches partielles et
monothématiques. Dès lors, l'idée d'élaborer une
seconde MAE généralisable à plusieurs types
d'exploitations a fait son chemin en respectant la même démarche
ascendante. La MAE « Systèmes de culture économes en
intrants » (SCEI), applicable aux exploitations à dominante grandes
cultures (aux céréaliers comme aux éleveurs de
monogastriques), a été testée de 2008 à 2012 dans
56 exploitations volontaires aux conditions pédoclimatiques, aux
orientations technico-économiques et au mode de gestion (intensif
à agriculture biologique) différents. Le cahier des charges
initial, difficile à mettre en oeuvre pour la plupart des exploitants
par son exigence, a été amendé et simplifié en 2012
afin de le rendre performant au niveau environnemental et réalisable sur
le plan technico-économique (Cf. Annexe). L'avantage
Quatrième partie :
Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
second de cette MAE est l'utilisation de leviers agronomiques
qui ont une certaine portée pédagogique et modifient
progressivement et « en cascade » les pratiques sources d'azote. A
titre d'exemple : l'interdiction de l'usage d'un raccourcisseur de tiges
implique la réduction de la fertilisation azotée ; l'obligation
de diversification des cultures induit la mise en place de cultures de
printemps ... La réussite d'une telle mesure implique la mise en action
simultanée de tous les leviers. L'accompagnement de l'exploitant, sans
toutefois lui imposer une solution « clés en main », est
indispensable à ce type d'opération.
Les études en cours témoignent toutefois des
difficultés de mise en place de telles mesures à grande
échelle : modifications profondes de l'organisation du travail,
augmentation des déplacements entre parcelles plus petites et
diversifiées ou encore investissements en matériel qui «
devraient » être compensées économiquement par la
réduction des charges liées à l'achat d'intrants. Les SCEI
possèdent le deuxième inconvénient d'être
spécialisées aux régions du grand Ouest dont les
systèmes de production bénéficient d'un atelier
d'élevage. Leur transposition aux exploitations
spécialisées en grandes cultures pourrait poser un
problème de débouché pour les cultures de diversification
(fourrages, légumineuses) pour lesquels il n'existe pas toujours de
filière ou d'atelier d'élevage pour valoriser la production. Ce
type de MAE pourrait cependant convenir aux exploitations présentes sur
le bassin versant de la Seille. La SCEI nécessite également une
adhésion de long terme qui doit être rendue possible par les
politiques nationales.
Comme pour toute politique publique susceptible d'être
implantée à grande échelle, il conviendrait
d'évaluer les conséquences économiques de la
généralisation des SCEI, non seulement sur les agriculteurs, mais
également sur les acteurs économiques en amont et en aval des
exploitations.
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Type de MAE
Entrée de gamme
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Ciblage
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Echelle d'application
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Niveau d'exigence
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Type d'impact attendu
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PHAE
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Pratiques ayant des effets
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A la parcelle, plus
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Moyen et identique pour
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Amélioration individuelle d'ampleur
modérée mais
concernant un grand nombre d'exploitations. Permet
la
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MAE rotationnelle
Territorialisée
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simultanés sur plusieurs
enjeux
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rarement à l'ensemble
de l'exploitation
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tout l'hexagone
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consolidation de pratiques simples et
respectueuses
dans une majorité de contextes
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Un enjeu prioritaire
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Parcelles comprises
dans un territoire cible
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Elevé et adapté au territoire
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Résolution d'un problème
agri-environnemental
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MAEt
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unique et bien identifié
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défini en fonction de
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visé
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(eau ou biodiversité)
l'enjeu
prioritaire et spécifique d'un territoire
Ensemble intégré d'enjeux
et de pratiques à l'échelle
de l'exploitation
A l'exploitation, dans
une région donnée ou
un bassin de production
Moyen à élevé s'il implique
un changement de système
Accompagnement intégré de la transition de
certains
systèmes de production communs vers une
agriculture
durable en utilisant des leviers simultanés
Tableau X : Récapitulatif des logiques d'action des
différentes MAE
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 73
Quatrième partie :
Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
La démarche « bottom-up » apparait comme une
démarche originale et plutôt pertinente pour l'élaboration
de systèmes agricoles économes en fertilisation azotée. La
réussite bretonne des SFEI et des SCEI ne garantit toutefois pas leur
transposabilité à tous les systèmes de culture. En ce
sens, une solution envisageable pourrait être de s'inspirer à la
fois des MAEt et des SFEI. La définition des unités d'engagement
dans les MAEt pourrait se doter d'un processus d'amélioration efficace
et fondé sur les retours d'expérience inspirés de la
démarche « bottom-up » à l'origine des SFEI.
Inversement, la formation et l'animation inhérentes au dispositif MAEt
devrait favoriser la diffusion des SFEI.
Il conviendrait donc, pour les gestionnaires, d'utiliser les
MAE comme une « boite à outils » et non comme une solution
« clé en main », figée. Il s'agit de ne pas
privilégier une approche (biodiversité, eau...) sur une autre
mais de réussir à les équilibrer et à
considérer leur interaction avec les MAE voisines pour apporter de la
cohérence au dispositif agri-environnemental (Par exemple, coordonner
tous les volets « Eau » des MAEt d'un territoire) Dans ce contexte,
la caractéristique principale d'une politique publique
agri-environnementale efficace en termes de réduction de la pollution
azotée devrait être sa possibilité d'allier une
démarche « top-down » qui assurerait la transposition d'un
cadre commun au niveau local, et une démarche « bottom-up »
qui laisserait la possibilité aux exploitants et aux acteurs locaux de
définir eux-mêmes la forme des MAEt les plus à même
de constituer des outils pour répondre aux spécificités de
leur territoire.
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 74
Conclusion La Seille : Gestion de la ressource en eau
et pollution agricole
Master 2 Politiques Territoriales de
Développement Durable 75
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