Partie 4 : Perspectives d'évolution des
dispositifs
agri-environnementaux : adaptation territoriale et
gestion de la pollution azotée.
L'étude de l'évolution des teneurs en azote
d'origine agricole dans le bassin versant de la Seille a montré
l'insuffisance des dispositifs agri-environnementaux mis en place à ce
jour.. L'analyse des conditions de mise en oeuvre du programme
agri-environnemental, couplée aux retours d'expériences
menées sur d'autres territoires, devrait permettre d'envisager les axes
de satisfaction et de progrès des mesures proposées. A
l'échelle du bassin versant, quels sont les facteurs de réussite
et d'échec de la contractualisation avec les agriculteurs ? Comment
augmenter et garantir techniquement l'efficacité des dispositifs ? Quels
leviers mettre en oeuvre pour l'adaptation d'un programme agri-environnemental
répondant plus précisément aux spécificités
territoriales ?
1. Adhésion des agriculteurs aux dispositifs
agri-
environnementaux
La réponse des agriculteurs et les modalités de
leur insertion dans le processus agri-environnemental proposé
conditionnent de manière prédominante l'efficacité de ce
dernier. L'adaptation des mesures aux enjeux territoriaux dépend
directement de l'appropriation par les agriculteurs de règles
co-construites avec les gestionnaires autour d'une perception partagée
des enjeux.
Les échanges réalisés avec les
gestionnaires et conseillers du monde agricole (Chambre d'agriculture 57 et 54,
Laboratoire de contrôle agricole) permettent d'appréhender les
motifs d'adhésion ou de refus des contrats agri-environnementaux.
1. Facteurs d'échec
La contrainte majeure pour l'exploitant est de pouvoir vivre
de son activité. Les marges étant réduites et l'aspect
financier au coeur de la problématique, les agriculteurs ne montreront
un intérêt qu'envers des mesures déjà
éprouvées et peu risquées pour la production. Aussi, sur
le bassin versant de la Seille où la plupart des agriculteurs montrent
un attachement fort à leur patrimoine, l'adhésion reste toutefois
plus aisée pour des mesures qui en plus de présenter un meilleur
bilan environnemental, allient un maintien voire une progression de la
rentabilité économique et une amélioration des conditions
de travail.
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 66
Quatrième partie :
Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
La perception des dispositifs agri-environnementaux et des
gestionnaires
L'adhésion des exploitants repose sur la confiance
qu'ils portent aux contrats proposés par les acteurs territoriaux. La
perception des agriculteurs et l'image qu'ils se font des processus qui les
entourent est, en ce sens, un aspect primordial de la réussite du
programme agri-environnemental.
Vis-à-vis des gestionnaires, la relation de confiance
reste hétérogène sur le bassin versant comme sur d'autres
territoires. Les professionnels du secteur amont du bassin versant, cibles
d'une gestion prioritaire, font relativement confiance aux techniciens locaux
de la Chambre d'agriculture à force de contacts. Les techniciens
rivière ou les agents des services déconcentrés de l'Etat
(DDT, ONEMA, AERM) ne bénéficient pas majoritairement de cette
relation de confiance. La multiplicité des acteurs, publics ou
privés, à laquelle peut être confronté l'exploitant
peut accroire le sentiment de méfiance au détriment du sentiment
de confort et entrainer un phénomène de repli corporatiste (non
présent sur le bassin versant de la Seille). Plus les agriculteurs sont
regroupés en syndicats puissants, plus il est délicat de faire
évoluer leur pratiques professionnelles.
L'image dont bénéficient les contrats
agri-environnementaux auprès des agriculteurs n'est pas au meilleur
niveau en raison de la lourdeur des aspects administratifs d'une part, et de la
multiplication des dispositifs d'autre part. En effet, le manque d'ergonomie
administrative et la lenteur des démarches sont un critère de
non-adhésion majeur et inhérent au système français
qui multiplie les interlocuteurs au détriment de la clarté du
circuit administratif. Il est ainsi plus facile administrativement parlant de
bénéficier des subventions de la PAC que des aides
environnementales. Auprès des agriculteurs, la saturation des services
administratifs et l'absence de solution contribuent à véhiculer
une image de volonté politique peu marquée et en manque de
moyens.
D'autre part, la succession et la multiplication des contrats
a contribué à discréditer les programmes
agri-environnementaux. Les exploitants, pourtant volontaires, hésitent
à s'investir dans des mesures qui paraissent ponctuelles, garanties sur
un terme trop court ou pour lesquelles la sécurité d'être
financés parait aléatoire. La dispersion des conseils provenant
des acteurs publics, ou des réseaux privés aux techniques plus
commerciales, contribuent à masquer la cohérence des mesures aux
exploitants.
La perception des pratiques agricoles et de
l'environnement
Les campagnes d'information et de sensibilisation ont
fortement réduit la perception erronée de l'environnement par les
agriculteurs. Sur le bassin versant de la Seille, le phénomène
semble relativement minoritaire. Bien souvent, les agriculteurs
réfractaires tendent à minimiser l'impact de leurs pratiques sur
la dégradation de la qualité de l'eau. Sur la Seille, certains
exploitants persistent à nier la pollution nitratée de l'eau
puisqu'elle « ne se voit ni se sent pas ». Le rôle des
effluents d'élevage est parfois remis en cause puisque ces derniers sont
perçus comme des déchets de production au pouvoir fertilisant
moindre qui ne justifie pas d'en faire un apport complémentaire des
engrais minéraux, mais supplémentaire. De même, certains
agriculteurs de la tranche d'âge supérieure privilégient
encore le sens pratique,
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 67
Quatrième partie :
Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
la routine et la connaissance empirique du milieu pour
orienter leurs pratiques professionnelles.
Les difficultés rencontrées par les
gestionnaires dans la mise en oeuvre du programme de renaturation de la Seille
montrent à quel point cette mauvaise perception peut être
délicate à résoudre. La « mauvaise foi » ou le
simple manque d'information sur le fonctionnement du milieu naturel favorise le
scepticisme quant à l'intérêt de la restauration, notamment
sur les affluents plus discrets comme la petite Seille, qualifiée de
« fossé » par quelques agriculteurs. Certains exploitants s'y
opposent, d'autres négocient les aspects de la renaturation en leur
faveur ou réclament une visibilité immédiate et une
garantie d'efficacité dès la fin des travaux. Les droits et
devoirs sont parfois mal connus ou rejetés.
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