IV. Comment briser la solitude du chercheur
d'informations ?
Devant les difficultés et la solitude du chercheur
d'informations, la tentation pour un informaticien à proposer des outils
technologiques est grande [Belbeze&al-2007-1]
[Belbeze&al-2007-2]. Cependant la nature même de ces outils
technologiques en fait des éléments supplémentaires
à appréhender et à intégrer. Ils sont alors autant
de nouvelles sources potentielles de difficultés pour les
internautes.
Pour combattre cette solitude et atténuer cette tension
qui peut aller jusqu'à l'angoisse et donc au renoncement, la solution la
plus naturelle est la recherche d'un échange avec un pair. Cet usage
permet à la fois d'exprimer son besoin ou sa difficulté, de mieux
le ou la définir. L'échange est aussi propice à la
réflexion et bien sûr à l'acquisition de nouveaux
éléments.
À ce jour, il n'existe pas à notre connaissance,
d'outil générique permettant de rencontrer et converser
immédiatement avec des internautes concernés par une même
thématique. Les outils de messagerie instantanée, voix sur IP et
vidéoconférence ne permettent la connexion qu'avec des personnes
déjà connues. Les réponses aux recherches d'aide
principalement effectuées dans des forums sont données dans un
temps décalé qui ne règle en rien cette « solitude
» de l'instant. De plus, la durée de vie d'un thème de
recherche peut être très courte. C'est le cas, par exemple, pour
des thèmes liés à l'actualité ou à un
problème professionnel ponctuel.
L'échange par le biais de nos réseaux sociaux
actuels, le plus souvent en temps décalé, par mail ou forum,
présente l'avantage d'un contenant forçant le plus souvent une
forme de qualité (on réfléchit et on relit son message
avant de le poster). Richard Faebert déclare : «
Indéniablement, la place que laissent ces outils de communication
(Forum, listes de distribution) à une phase réflexive tire la
teneur vers le haut. » [Faebert-2002].
Certes, mais en « tirant vers le haut » le contenu ne va-t-on
justement pas rendre l'utilisation de ces outils encore plus exigeante,
notamment pour ceux qui ont des difficultés avec l'écrit ? Il
manque aussi à ce type de messagerie, la force de l'échange dans
le temps de la discussion orale. De plus, ils ont la forme d'une bouteille
jetée à la mer. On n'a jamais la certitude d'avoir une
réponse ni même d'être lu. Les « conflits cognitifs
» sont donc moins nombreux et moins forts puisque tempérés
par la relecture et le temps différé voire souvent éteints
par une non réponse.
Dans le même article que celui cité plus haut
Richard Faebert déclare à propos de la messagerie
instantanée : « Le temps de les taper (les mots) au clavier,
vos interlocuteurs ont
IV. Comment briser la solitude du chercheur d'informations ?
19
Avant-propos
déjà dérivé sur un autre
sujet. ». Le problème est que bien souvent, il n'y a en fait
pas de sujet. Si l'on se retrouve autour de la messagerie instantanée
comme autour d'un verre dans une conversation phatique, sans réel
désir de partager une thématique commune, il n'est pas surprenant
que les sujets glissent de l'un à l'autre. C'est alors l'absence de
volonté de débattre ou de partager une thématique et non
le média qui est à remettre en cause.
Il n'est pas question ici de juger de l'efficacité d'un
type de communication par rapport à un autre. Remarquons cependant que
si Internet propose de l'information immédiatement disponible, la
rencontre et l'échange entre internautes autour de cette même
information (sur des forums), ne possèdent pas, elles, cette «
immédiateté » qui serait pourtant parfois souhaitable.
Ainsi, la spontanéité du promeneur qui, se sentant perdu,
interroge un passant pour retrouver son chemin, ou celle du voisin qui nous
interpelle pour échanger un sentiment sur une actualité locale,
ou encore celle qui conduit des étudiants à partager leurs
interrogations à propos d'un travail scolaire, sont des attitudes
impossibles sur le réseau Internet sans connaitre l'interlocuteur.
De plus, les outils de messagerie instantanée sont eux
aussi en perpétuelle évolution : intégrant la vidéo
et la voix sur IP ils permettent aujourd'hui des échanges en groupe de
plus en plus simples.
Nous recherchons donc une solution permettant de trouver des
pairs et de créer des espaces d'échange le plus rapidement
possible. Cette solution permettra la création de ce que nous nommerons
des « Communautés Dynamiques ».
B
Lou en ligne
A
D I
E
U
C
Agrégat n°1
F
G
Internaute Anonyme en ligne
ID: 2-16.25.45.5
z
Marie en ligne
Agrégat n°2
Annie: hors-ligne
annie@mysissi.com
Figure AVP. 2 : Attachement des internautes à un
agrégat en fonction de leurs recherches.
y
Les rencontres entre utilisateurs se feront sur la base d'un
attachement à une thématique commune. Le repérage et la
construction des thèmes seront automatisés pour permettre la
création de communautés d'utilisateurs de type «
génération spontanée » ou communautés
dynamiques.
IV. Comment briser la solitude du chercheur d'informations ?
20
Avant-propos
Les communautés dynamiques donneront aux internautes la
capacité de communiquer entre eux de manière instantanée
ou différée. Les utilisateurs emploieront comme outil de
recherche de lien social le même moteur de recherche que celui servant
à la recherche d'information. Ils n'auront pas d'opération
supplémentaire ou nouvelle à apprendre.
Nous pouvons définir une Communauté
Dynamique comme constituée de deux types
d'éléments :
? Premièrement, un objet contenant un certain nombre de
mots, l'agrégat. Celui-ci est construit à partir
des usages conjoints de mots effectués par les utilisateurs dans une
requête. Le principe de la construction d'un agrégat doit
permettre de s'assurer d'une cohérence sémantique.
L'évaluation de cette cohérence sémantique est un
élément majeur.
? Deuxièmement, des internautes qui
sont rattachés à un agrégat (les internautes auront
utilisé suffisamment de mots de l'agrégat pour se voir
rattachés à celui-ci).
La création de communautés dynamiques
d'utilisateurs pourrait donc être exploitée afin de permettre
à un utilisateur de coopérer avec d'autres sans avoir ni à
s'authentifier, ni à se décrire, ni même à
s'inscrire dans ces espaces. Il n'en reste pas moins que la signature ou un
élément de communication permanent, comme une adresse de
messagerie électronique, permettront un fonctionnement asynchrone du
système.
1
Lou tape la requête
Marie, pouvons-nous
passer en mode Audio/
vidéo si tu as un micro
et une caméra ?
Lou en ligne
3
Attachement de Lou avec
L'agrégat 1
2
Envoi de la requête
4
Retour des résultats
5
Communication entre Marie et Lou
D
A B
Moteur de recherche et de
création de communautés
dynamiques
C
1
E
F G
I
2
4
Retour des résultats
2
Envoi de la requête
3
Attachement de
Marie avec les agrégats 1 et
2
suis passée en mode
Audio/Vidéo.
- Connais tu A B E ?
1
Marie tape la requête
Marie en ligne
Bonjour Lou c'est
- Bonjour Marie, je
Figure AVP.3 : Exemple d'utilisation des nouveaux
services de communication au sein de la communauté dynamique avec des
utilisateurs en ligne.
IV. Comment briser la solitude du chercheur d'informations ?
21
Avant-propos
Annie en ligne
Annie hors-ligne
3 Création
de l'agrégat 2 et attachement d'Annie
avec l'agrégat 2
6
Annie se déconnecte
2
Envoi de la requête
Annie laisse un message
4
Retour des résultats
création de
communautés
dynamiques
Moteur de recherche et de
10
Marie répond à
Annie
A
C
2
F
I
8
Enrichissement de l'agrégat 2 et
attachement
de Marie à l' agrégats
2
9
Le système avertit Marie du message
d'Annie
7
Marie tape la requête
Marie en ligne
Figure AVP.4 : Exemple d'utilisation des nouveaux
services de communication au sein de la communauté dynamique avec des
utilisateurs hors-ligne.
5
Dans l'exemple présenté dans les figures AVP.2,
AVP.3 et AVP.4, Marie recherche des sites web en utilisant les mots-clés
I, F et G. Elle est donc connectée comme ayant des recherches sur les
thématiques de l'agrégat 1 et 2. Lou est elle aussi
connectée sur l'agrégat 1. Marie et Lou peuvent se voir proposer
une connexion de façon dynamique telle que celle décrite dans la
figure AVP.3.
Marie peut aussi se voir proposer d'échanger avec
d'autres utilisateurs ayant des centres d'intérêts proches des
siens. Elle peut aussi ouvrir un salon de discussion où seront
invités automatiquement les internautes concernés par les
mots-clés de l'agrégat N°1 ou N°2. Elle peut
démarrer une conversation en messagerie instantanée avec
l'utilisateur « Anonyme » en utilisant un identifiant temporaire
(adresse IP + numéro de session). Les agrégats peuvent être
créés et recalculés par un processus planifié.
Ceux-ci pourront ensuite être mis à jour ponctuellement par de
nouvelles recherches d'internautes s'il y a lieu.
Marie a aussi la possibilité de répondre au
message d'Annie comme dans la figure AVP.4, le système ayant en quelque
sorte créé un forum dynamique dont Annie et Marie sont les
premiers membres.
V. Dernière justification... 22
Avant-propos
L'affiliation d'un utilisateur à une communauté
dynamique peut aussi être vue comme un typage temps réel de
l'utilisateur du système. En effet, le profil de l'utilisateur est
immédiatement modifié en fonction des actions de recherche.
L'objectif des travaux que nous présentons est de
définir une méthode de création de ces agrégats de
mots-clés auxquels un utilisateur pourra être rattaché. De
fait, le regroupement ou la création d'agrégats a pour objectif,
dans un ensemble de mots donné, de rassembler les éléments
les plus proches possibles selon un ou plusieurs critères. Il a
également pour but de créer des agrégats les plus
éloignés possibles, sur ce ou ces critères. Le
critère prédominant utilisé dans notre cas sera
l'homogénéité sémantique.
Une fois l'appartenance de l'utilisateur à une
communauté celui-ci peut se voir proposer un grand nombre de services.
Des mots-clés supplémentaires dans une recherche ou la
définition de contextes de recherche sont autant de services
susceptibles d'aider les utilisateurs à accéder à toute
information utile, voire à optimiser l'accès à cette
information par un partage implicite de compétences.
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