III. Pourquoi briser la solitude du chercheur
d'informations ?
L'échange entre pairs est, dans le processus
d'acquisition de l'information, étudié sous le nom de
conflit-cognitif ou conflit sociocognitif. Un conflit sociocognitif est
défini par Tania Zittoun comme « conflit de points de vue
socialement expérimenté et cognitivement résolu »
[Zittoum-1997].
En partant des travaux de Piaget dans le domaine de la
psychologie cognitive, Vygotsky a mené des études sur les
interactions sociales (dans « Psychologie et pédagogie
», Piaget analyse comment les groupes d'enfants sont capables de
résoudre collectivement des problèmes et, ce faisant, de
progresser cognitivement [Piaget-1969]). Vygotsky a fortement
contribué à l'élaboration du courant socioconstructiviste.
En conférant une dimension sociale essentielle aux processus cognitifs
régissant l'apprentissage, Vygotsky a ouvert une nouvelle voie. Pour
lui, « la vraie direction du développement ne va pas de
l'individuel au social, mais du social à l'individuel »
[Vygotsky-1932].
Aujourd'hui les modes d'apprentissage recourant aux
échanges entre pairs sont fréquents. Ces échanges dans un
but pédagogique sont vus par Christophe Gaignon comme de la
réciprocité transformatrice ou transformation réciproque:
« Les identités aidant/aidé dialoguent entre elles et
l'aide est reçue tantôt par l'un, tantôt par l'autre : la
transformation sera réciproque grâce au mouvement circulaire de
donner-recevoir. En effet, il n'y a pas d'aidant qui donne et un aidé
qui reçoit, parfois nous recevons et parfois nous donnons. »
[Gaignon-2006].
Philipe Meirieu est, quant à lui, très sceptique
sur le fait que le travail de groupe puisse permettre une avancée
individuelle. Il considère par exemple que « les pratiques
(pédagogiques) de groupe n'apparaissent pas vraiment comme une
méthode capable de promouvoir des apprentissages repérables dans
le domaine cognitif. ». Ce que Meirieu veut signifier, c'est que dans
un travail de groupe où l'objectif est commun, chacun va travailler dans
son champ d'expertise. Il n'y a pas, dans ce cas, de nouveaux apprentissages
individuels. Il y a même le risque que celui qui ne sait rien faire, ne
fasse rien. Son jugement est différent s'il s'agit de groupes
d'apprentissage tels que lui-même les définit. Pour lui, le groupe
d'apprentissage a « sa raison d'être qu'en tant qu'il est
l'occasion pour chaque participant, d'atteindre un objectif nommé.
». Il déclare que dans les groupes d'apprentissage «... le
sujet [y] acquiert la capacité de mettre en correspondance son point de
vue ou son apport avec les effets qu'ils entraînent et de conserver, de
modifier ou d'abandonner ses propositions à l'issue de l'échange.
La confrontation extérieure joue le rôle de régulateur et
permet les ajustements que la réflexion solitaire du sujet n'aurait pas
toujours autorisés. » [Meirieu-1996].
Effectivement, si chacun possède un but qui lui est
propre, l'échange sera bénéfique pour tous. Les
communautés d'internautes que nous nous proposons de créer,
communautés « d'identités aidant/aidé »,
correspondraient alors à la définition du groupe de travail
donnée
IV. Comment briser la solitude du chercheur d'informations ?
18
Avant-propos
par Meirieu. En effet, dans une rencontre où chaque
participant a déjà entamé une recherche préalable
de manière indépendante sur un sujet proche voire commun, chaque
participant, aurait bien pour but individuel « d'atteindre un objectif
nommé ».
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