De la responsabilité pénale des commissaires aux comptes en droit OHADA( Télécharger le fichier original )par Gradi MOBULA MONGAY Université de Mbandaka RDC - Licence 2013 |
Section 2. L'harmonisation des infractionsEn son article 1er, le Traité pour l'Harmonisation du droit des affaires rappelle qu'il a pour objet «l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies...» ((*)42). C'est sur les règles juridiques applicables que l'OHADA va agir pour harmoniser le droit des affaires dans l'espace qu'elle couvre. Cette technique d'harmonisation (§1) qui ne porte que sur un certain nombre d'infractions dites d'affaires (§2) pose des problèmes de légalité auxquels la jurisprudence et la doctrine tentent encore d'apporter des réponses, sous l'égide de la CCJA, organe juridictionnel de l'harmonisation. §1. La technique d'harmonisation : les Actes uniformesPour procéder à l'harmonisation des législations d'affaires des Etats membres, l'OHADA a préféré utiliser la technique des règles matérielles (et non celle des conflits). En effet, les Actes uniformes réglementent directement les matières concernées par l'harmonisation et s'appliquent directement aux contentieux. L'article 5 du Traité précise que « les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d'incrimination pénale» mais que les sanctions encourues sont déterminées par les Etats, il s'agit d'un partage de compétence entre l'ohada qui énonce les éléments matériels et moraux que les Etats qui s'obligent à déterminer les sanctions pénales. Ceci permet de ménager les susceptibilités souverainistes des Etats en préservent leur domaine résiduel et de fixation de sanction par le biais de leur code et législation en matière pénale. ((*)43)Il s'agit là d'une décomposition de l'élément légal de ses principales composantes. Ainsi, l'incrimination sera fondée sur un texte communautaire, supranational, alors que la sanction, quant à elle, des législations nationales. L'application directe du droit communautaire issu des Actes uniformes de l'OHADA dans le droit pénal national est susceptible de soulever quelques interrogations relatives à leur conformité par rapport à certains principes de cohérence et de fonctionnement du système juridique. En effet, outre la crainte de voir s'effriter la souveraineté nationale, il existe surtout un risque de voir s'imposer un droit supranational ne garantissant pas le respect des principes fondamentaux du droit pénal dont le principe de la légalité. En effet, le processus d'adoption des Actes uniformes repose sur la compétence du Conseil des ministres (A) composé de représentants du pouvoir exécutif. De même, concernant la légalité interne des infractions, l'interprétation (B) et l'application dans le temps et dans l'espace des normes communautaires (C) soulèvent d'importantes questions auxquelles il faudrait s'intéresser. A. L'élaboration des Actes uniformes par le Conseil des ministresLes Actes uniformes sont préparés par le Secrétariat permanent de l'Organisation africaine en concertation avec les gouvernements des Etats parties ((*)44). Ils sont examinés et adoptés par le Conseil des ministres après avis de la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA). Créées dans chacun des Etats parties, les commissions nationales OHADA sont chargées d'examiner les projets d'Actes uniformes. Ces actes sont «directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieur» ((*)45) .Il résulte de ces dispositions de l'article 6 que les Actes uniformes ont un double effet abrogeant et neutralisant pour les dispositions nationales antérieures et postérieures impliquant ainsi des retraits du système pénal national qui se manifestent par la décriminalisation de certaines infractions comme l'abus des pouvoirs et des voix dans la société commerciale, ou d'appel au système pénal par des incriminations nouvelles. 1. Elaboration des Actes Uniformes
La procédure d'élaboration des AU fait intervenir pratiquement tous les organes : Secrétariat permanant, Conseil des Ministres et la Cour Commune de Justice et l'Arbitrage. Lors de son élaboration, on observe à deux phases. La phase initiale qui constitue la préparation des projets d'AU , est du ressort de l'organe administratif le Secrétariat permanent exerce ses fonctions en secondant tous les autre organes de l'OHADA. Il joue ici, sous l'impulsion de son Chef ( le secrétaire permanent ), un rôle normatif en concertation avec les gouvernement des Etats parties. ((*)46) Dans la plupart des organisations internationales, il revient à l'organe administratif, de faire des études et de préparer les décisions des organes intergouvernementaux. L'OHADA ne déroge pas à la règle et impose même à cet organe de recueillir les points de vue des gouvernements, à l'exclusion des parlement nationaux. ((*)47) La seconde phase consiste en la délibération et l'adoption des projets d'AU par le seul conseil des Ministres organe international, dont le pouvoir normatif s'affirme dans l'émission de ces règles. Toutes fois, l'intervention du Conseil des Ministre est subordonné à l'avis préalable de la cour commune de justice et d'arbitrage. Mais en l'absence de toute indication du traité de Port-Louis ou du règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage. Sur les effets de l'Avis, on ne peut que lui prêter un caractère consultatif. Ce premier aspect de la fonction consultative de la cour commune de justice et d'arbitrage reprise à l'article 14 du traité , ne lie ni les Etats, ni la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
2. Adoption et entrée en vigueur des Actes Uniformes. Il convient de souligner que : « l'adoption des actes uniformes par le conseil des Ministre requiert l'unanimité des représentants des Etats présents et votants... ». L'abstention ne fait pas obstacle à l'adoption des actes uniformes. ((*)48) L'autorité conférée aux actes uniformes justifie l'existence de l'unanimité des représentants des Etats parties présents et votant pour leur adoption par le conseil des Ministres. cette condition ne sera valable qu'à condition que les deux tiers au moins des Etat parties soient représentés. Comme de coutume dans certaines organisations internationales , la possibilité d'abstention n'est pas un obstacle à l'adoption , pourvu que le mode de prise de décision soit respecté. ((*)49) S'agissant de l'entrée en vigueur l'article 98 du traité de Port-Louis dispose que « les actes uniformes entrent en vigueur quatre-vingt-dix jours après leur adoption sauf modalités particulières d'entrée en vigueur prévues par l'acte uniforme lui-même. Ils sont opposables trente jours francs après leur publication au journal officiel des Etats parties ou par tout autre moyen approprié ». Comme condition de son inclusion dans le droit positif et de son intégration dans l'ordonnancement juridique , un acte juridique doit au préalable entré en vigueur, en principe, les normes juridiques secrétées par l'organisation internationale ne connaissent au début d'application qu'à partir de la date prévue pour leur entrée en vigueur. Ce principe souffre quelques exception car les modalités particulières d'entrée en vigueur peuvent être prévues par chaque acte uniforme. Ainsi en est -il des actes uniformes sur le droit commercial général, sur les sociétés commerciales et groupement d'intérêt économique et sur les sûretés adoptés le 17 Avril 1997, mais hélas entra en vigueur neuf mois après leur adoption et trois mois après leurs publication au journal officiel de l'OHADA. En tout état de cause, ces actes uniformes ne sont opposables que tente jours après leur publication au journal officiel de l'OHADA. Cette opposabilité implique une fois les conditions de publication et de délai respectées, le droit pour toute partie à un contrat ou à un procès, d'invoquer ces actes uniformes devant les juridictions nationales des Etats parties pour accroitre les possibilité de porter ces actes uniformes à la connaissance des populations des états parties, une exigence complémentaire de publication dans les journaux officiels des états parties ou « par tout autre moyen approprié » a été prévu.
3. De l'Immédiate et la Primauté des Actes Uniformes. L'article 10 du traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique est claire en la matière tout en disposant que « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure ». L'article tranche clairement en faveur de la primauté et de l'effet direct (immédiateté) des actes uniformes. Il convient de rappelé que selon la jurisprudence , la primauté bénéficie à toute les normes communautaires primaires comme dérivées, immédiatement applicable ou non et s'exerce à l'encontre de toutes les normes nationales, administratives, législatives, juridictionnelles ou même constitutionnelles , par ce que l'ordre juridique communautaire l'emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux ... ainsi le juge national , en présence d'une contrariété entre le droit communautaire et une règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier sur la seconde, en appliquant l'un et en écartant l'autre ((*)50) De même ; « serait incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit communautaire toute disposition d'un ordre juridique national ou toute pratique législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l'efficacité du droit communautaire... ». ((*)51) Pour sa part la Cour Commune de Justice et d'arbitrage a eu l'occasion de préciser la portée de l'article 10 dans avis du 30 Avril 2001 sur la demande de la République du Côte d'Ivoire concernant l'effet abrogatoire des actes uniformes sur le droit interne , elle a admis que « l'art. 10 contient une règle de supranationalité parce qu'il prévoit l'application directe et obligatoire dans les Etats parties des actes uniformes et institue par ailleurs , leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieur et postérieur. En vertu du principe de la supranationalité qu'il consacre l'article 10 du traité prévoit l'application directe et obligatoire des actes uniformes dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne , antérieur ou postérieur , contient une règle relative à l'abrogation du droit interne par les actes uniformes. L'article 10 apparait alors comme la seule disposition susceptible de consacrer la supranationalité des actes uniformes, confirmée par les articles spécifiques de chaque acte uniforme ((*)52) Les actes uniformes posent le problème de la supranationalité qui consiste en l'existence d'un système institutionnel autonome permettant de privilégier le bien commun par rapport aux intérêts nationaux et d'édicter des normes qui, non seulement s'imposent aux Etats, mais aussi régissent directement la situation juridique des particuliers. ((*)53) Il va de soi que l'article 10 énonce une règle d'application directe invocable par les ressortissants communautaires et les étrangers à l'encontre de tout Etat membre qui en violerait les dispositions. En toute hypothèse, le droit OHADA l'emporte sur le droit national. Il entraine l'obligation pour les autorités nationales d'interpréter tout le droit national en conformité avec les actes uniformes et, le cas échéant, de réparer les conséquences dommageables de leur non-respect. * (42)Article 1er du traité de l'Ohada. * (43)B.GUEYE et S. NOUROU TALL, « Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique », in juriscope, 3ème éd, paris, 2008, p.28. * (44).Article 6 du traité ohada. * (45)Article 10 du traité ohada. * (46)B.GUEYE et S. NOUROU TALL, op.cit, p.29. * (47)Idem. * (48)Article 8 du traité ohada. * (49)B.GUEYE et S. NOUROU TALL, op.cit, p.30. * (50)Avis n°001/2003 de la Cour de justice de l'UEMOA Cité par B.GUEYE et S. NOUROU TALL, op.cit, p.32. * (51)Arrêt Factortame, Affaires C-213/89 de la Cour de Justice de la Commission Européenne cité par B. GUEYE et S. NOUROU TALL, Idem. * (52)Avis consultatif de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage 001/2001 du 30 Avril, in www.juriscope.org. * (53)B.GUEYE et S. NOUROU TALL, op.cit.p.34. |
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