De la responsabilité pénale des commissaires aux comptes en droit OHADA( Télécharger le fichier original )par Gradi MOBULA MONGAY Université de Mbandaka RDC - Licence 2013 |
Chapitre III. GLOSE DES INFRACTIONS SUSCEPTIBLES D'ETRE COMMISES CONTRE ET PAR LES COMMISSAIRES AUX COMPTESLa troisième partie de l'Acte uniforme traite des infractions pénales spécifiques aux sociétés commerciales((*)105). Le premier mérite du législateur OHADA est justement cet effort de systématisation donnant ainsi au droit pénal des sociétés une idée directrice. Mais il faut reconnaître que l'unité des textes d'incrimination n'est pas achevée. Le législateur africain n'a pas érigé en infractions un certain nombre de prescriptions parfois visées par l'Acte uniforme lui-même. Dès lors, il est permis de se demander si, à côté des incriminations prévues, les législateurs nationaux pourront en consacrer d'autres. La réponse affirmative semble ne pas faire de doute. En effet, l'alinéa 2 de l'article 5 du Traité OHADA dispose seulement que «Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d'incriminations pénales».((*)106) Ce qui signifie qu'ils peuvent ne pas en inclure et chaque législateur national en aurait institué. Du moment où l'Acte uniforme en contient, ces dispositions doivent être comprises comme le «minimum commun» aux Etats parties qu'aucun législateur national ne saurait entamer en dépénalisant sur son territoire des comportements saisis par l'Acte uniforme((*)107). Il faut par ailleurs préciser que l'Acte uniforme s'en tient aux règles pénales de fond. Tout au plus au détour de quelque article est-il fait allusion à certaines règles de procédure pénale. Il en est ainsi singulièrement de la prescription (articles 164, 727 et 743 de l'AUSC). Lorsque l'action en responsabilité civile contre les dirigeants sociaux est basée sur un fait qualifié de crime, elle se prescrit par dix ans. Dans les autres cas, elle se prescrit par trois ans Cela dit, toute procédure pénale demeure donc régie par la législation propre à chaque pays. Enfin, à la différence de certaines législations pénales l'Acte uniforme n'a pas consacré la responsabilité pénale des personnes morales. Dans le cadre ainsi délimité, le législateur africain, avec une méthodologie particulière pour répondre au souci de l'intégration, s'est servi, de manière assez classique, d'un critère temporel pour fixer les comportements répréhensibles. Ainsi, prévoit il, des infractions relatives à la constitution, au fonctionnement et à la dissolution des sociétés commerciales. Pour éviter que les dirigeants sociaux se livrent facilement à des actes d'aliénation du patrimoine social, le législateur a prévu tout un système de contrôle de sa gestion. C'est ainsi que l'article 694 de l'AUSC précise que « le contrôle est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs commissaires aux comptes »((*)108). Toutefois, ces commissaires aux comptes ne peuvent exercer leur fonction au mépris d'incompatibilité. En effet, l'Acte uniforme interdit à certaines personnes de devenir contrôleur de la société, par exemple les apporteurs en nature, les administrateurs, certains parents ou alliés de ces personnes, etc. L'article 898 de l'AUSC condamne tout individu qui, en son nom personnel ou à titre d'associé d'une société de commissaires aux comptes, aura sciemment accepté, exercé ou conservé les fonctions de commissaires aux comptes nonobstant les incompatibilités légales. Mais ne sont visées que les incompatibilités et non les incapacités. L'infraction suppose que l'acception, l'exercice ou la conservation des fonctions ait eu lieu en connaissance de cause. La prescription de l'action publique part du jour de la cessation des fonctions ou du moment où prend fin la cause d'incompatibilité((*)109). Hormis ces infractions relatives aux incompatibilités, le législateur « ohadien », à travers le titre 5, aborde la question du contrôle sous un double aspect : d'une part la répression des infractions au contrôle, commises par les dirigeants de la société et qui constituent alors un obstacle à ce contrôle, d'autre part les infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes, dans l'exercice de leur fonction et qui se présentent sous forme d'un refus de contrôle((*)1010). Section 1. Les infractions susceptibles d'être commises contre les commissaires aux comptes (l'obstacle au contrôle)L'obstacle au contrôle est le fait des dirigeants sociaux. En effet, « désireux d'écarter un contrôle seulement gênant ou franchement dangereux pour eux s'ils ont commis des actes délictueux, les dirigeants sociaux peuvent y mettre obstacle de manière plus ou moins directe »((*)111). C'est ainsi qu'ils peuvent ne pas désigner les commissaires aux comptes ou, une fois qu'ils les ont désignés, ne pas les convoquer aux assemblées d'actionnaires (§1). Ils peuvent également faire obstacle à leurs vérifications ou leur refuser la communication de documents (§2). §1. L'obstacle à la désignation ou à la convocation des commissaires aux comptesLes commissaires aux comptes sont en principe désignés par les statuts de la société ou lors de la constitution de celle-ci, par l'assemblée constitutive, ou encore lors de la vie sociale, par l'assemblée générale ordinaire. Pourtant, malgré leur rôle essentiel pour la transparence de la gestion, les dirigeants sociaux peuvent, par leur volonté ou par leur négligence, s'opposer à leur désignation en ne la provoquant pas. Ils peuvent, en outre, lorsque les commissaires aux comptes sont légalement nommés, ne pas les convoquer aux assemblées générales ; tout cela, dans la perspective de s'opposer à l'exercice effectif de leur mission de contrôle. Pour cette raison, l'article 897 de l'AUSC menace d'une sanction pénale « les dirigeants sociaux qui n'auront pas provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqués aux assemblées générales »((*)112). On peut légitiment supposer également que ces dispositions concernent le remplacement des organes de contrôle en cas de démission ou de décès. Enfin, il convient de rappeler que toutes les sociétés ne sont pas légalement tenues d'avoir des commissaires aux comptes. Celles qui sont obligées d'en avoir sont principalement les sociétés anonymes et certaines S.A.R.L. limitativement énumérées. * (105)M. KOM. KAMASU, op.cit., pp.119-144. * (106)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.225.. * (107)Idem. * (108)Article 694 de L'AUSCGIE. * (109)M. DELMAS-MARTY, op.cit, p.297. * (1010)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.275.. * (111)Voir les articles 376 de l'AUSCGIE Pour les SARL et 694 pour les SA. * (112)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.275.. |
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