Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud Université de Dschang Cameroun - Master 2012 |
Paragraphe 2 : les caractères des validations législativesEn tant que lois revêtant un statut particulier, les validations législatives présentent des caractères tout aussi particuliers. Afin de sortir sa pleine effectivité, la validation législative doit donc présenter quatre caractères : elle doit émaner d'un législateur au sens large ; mettre les actes administratifs à l'abri du contrôle des juridictions nationales, sous la seule réserve du juge constitutionnel ; opérer de manière rétroactive ; et enfin, ce qui découle de sa cause objective, couvrir une illégalité avérée, patente ou, à tout le moins, problématique101(*). Si les première et quatrième caractéristiques constituent selon nous moins des critères distinctifs de la notion de validation que des éléments intrinsèques au pouvoir de valider, nous souhaiterions à ce stade de l'analyse envisager les deuxième et troisième caractéristiques, qui constituent selon nous les deux questions fondamentales de la notion de validation législative : le rôle de la rétroactivité (A), et la question de l'interférence dans une procédure juridictionnelle (B). A- La portée rétroactive des validations législativesBien que la validation législative présente un caractère fondamentalement rétroactif (1) il n'est pas à négliger l'aspect préventif qui peut s'y rattacher (2) selon que l'acte est annulé ou susceptible de l'être. 1- Le caractère rétroactif des validations En dépit de l'article 4 du code civil102(*) qui prévoit que la loi ne dispose que pour l'avenir elle n'a point d'effet rétroactif, et du préambule103(*) de la Constitution camerounaise du 18 Janvier 1996104(*) qui prévoit dans le même sens que la loi ne peut avoir d'effet rétroactif, l'objectif même d'une mesure de validation est d'avoir un effet rétroactif et de purger une irrégularité afin de couper court à toutes contestations fondées sur cette irrégularité105(*). Ainsi, la « couverture » d'une illégalité implique le caractère rétroactif de la validation législative. Cependant, si la plupart des définitions des validations évoquent leur caractère rétroactif, nous estimons que la rétroactivité constitue un élément davantage accessoire que distinctif d'une validation106(*). Cette rétroactivité n'existe pas par elle-même, n'est pas décidée en tant que telle : puisqu'il s'agit de couvrir l'illégalité d'un acte administratif, la disposition aura nécessairement un effet rétroactif. Si la rétroactivité va de pair avec une validation, c'est parce qu'elle en est la conséquence logique, le revers de la technique107(*). Elle n'en constitue pas une caractéristique intrinsèque, mais une conséquence implicite108(*), dérivée de l'objet même - l'illégalité à couvrir - du procédé de validation. Mais cette rétroactivité, bien qu'implicite, n'en demeure pas moins selon nous un élément nécessaire à la définition de la validation législative. Par ailleurs, bien que les dispositions du Code civil aient simple valeur législative, pouvant être écarté par la loi109(*), la consécration de la non-rétroactivité dans le préambule ou tout au moins dans la Constitution camerounaise lui confère une valeur constitutionnelle, c'est-à-dire que le législateur est tenu de la respecter. Bien plus, des exigences telles l'intérêt général peuvent faire obstacle à la non-rétroactivité de validation, nous y reviendrons. Ainsi le caractère rétroactif des validations s'explique par le fait que la validation porte sur un acte déjà annulé, et par principe, l'annulation d'une décision administrative contestée entraîne disparition de celle-ci qui est censé n'avoir jamais existé110(*). La rétroactivité est donc une exception à ce principe. Elle n'est pas toujours répréhensible surtout lorsqu'elle est justifiée et c'est dans le souci d'éviter des conséquences désastreuses que le législateur intervient rétroactivement. La rétroactivité concernant les actes annulés, le caractère préventif est lié aux actes non encore annulés ou susceptibles d'être annulés. 2- Le caractère préventif des validations Le caractère préventif des validations tient au fait que les validations interviennent souvent avant que le juge administratif ne soit saisie d'une quelconque action d'annulation ou même avant qu'il ne prononce sa décision111(*) (cette dernière hypothèse est la plus récurrente). Ainsi, au lieu d'attendre que sa décision soit annulée par le juge avant d'obtenir du législateur une validation rétroactive, l'Administration peut, dans le souci d'assurer la bonne marche et la continuité du service publique par exemple demander au législateur de valider sa décision, soit lorsqu'elle est consciente que cette décision est susceptible de faire grief et d'être portée devant le juge administratif, soit lorsque celle-ci, ayant déjà été portée devant le juge pour annulation, ce dernier n'a pas encore prononcé sa décision. Le caractère rétroactif s'appliquant aux décisions administratives déjà annulées, le caractère préventif est lié aux décisions non encore annulées mais donc l'irrégularité est déjà portée devant le juge ou aux décisions susceptibles de faire grief et susceptibles d'être portées devant le juge. Au caractère rétroactif et/ou préventif des validations s'ajoute un autre caractère lié à la question de l'interférence dans un procès en cours. * 101 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.147. * 102 Code civil de 1804 applicable au Cameroun. * 103 Depuis la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, le préambule fait désormais partie intégrante de la Constitution, elle n'est plus comme à une certaine époque considérée comme une simple déclaration. Voir sur ce point MOUANGUE KOBILA James, « Le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décoratif à l'étalage utilitaire », in Lex Lata n°023-024, février-mars 1996, pp.33-38. * 104 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. * 105 Cf. Notes de synthèses du Service des Etudes juridiques du Sénat français 2005-2006. * 106 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité. * 107 Ibidem. * 108 Ibid. * 109 Seule une loi peut défaire ce qu'une autre loi a fait précédemment. * 110 FOILLARD (Ph.), op.cit., pp.141 et ss. * 111 NGONGANG DJANKEP (G.), La neutralisation des décisions du juge administratif camerounais, op.cit. p.9. |
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