Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud Université de Dschang Cameroun - Master 2012 |
B- L'application immédiate aux instances en cours des lois interprétativesL'on a le plus souvent tendance à confondre l'effet immédiat d'une loi et son caractère rétroactif. Par l'effet rétroactif, la loi nouvelle192(*) modifierait ou interpréterait une situation établie sous l'empire d'une loi ancienne, en supprimant par exemple les effets des actes déjà accomplis. La loi régit les situations antérieures à son entrée en vigueur. Par contre, la loi nouvelle, qui entre en vigueur, s'applique aux faits et actes postérieurs à sa publication. C'est l'effet immédiat de la loi nouvelle. L'application immédiate de la loi nouvelle signifie donc que la loi ancienne continue à être appliquer aux actes passés sous son autorité et la loi nouvelle régit les situations en cours et actes passés postérieurement à son entrée en vigueur. Ce qui résous le problème du conflit des lois dans le temps. En principe, la loi nouvelle est automatiquement applicable aux situations en cours et marque une coupure dans le temps. Le passé demeure régi par la loi ancienne, l'avenir par la loi nouvelle. Les lois interprétatives font exception à ce principe puisqu'elles ne constituent pas des lois nouvelles. L'application immédiate est ainsi un caractère de la loi interprétative, lorsque le législateur l'a précisé (1). Mais son application pose des difficultés puisqu'elle intervient dans les instances en cours, selon que le législateur n'a pas expressément précisé que la loi a un effet immédiat (2). 1- La précision expresse par le législateur de l'application immédiate de la loi interprétative Cela ne pose pas de difficulté à proprement parler, puisque du moment où le législateur a expressément prévu qu'une loi interprétative est d'application immédiate, le juge se contente de s'y conformer et de l'appliquer. Par ailleurs, des débats sont nés sur le point de savoir si, en présence d'une loi interprétative par détermination de la loi193(*), le juge avait la faculté de remettre en cause la qualification législative pour refuser ensuite l'application du texte. Certains auteurs estiment que le juge pourrait fort bien refuser de prêter tout effet immédiat à la loi, tandis que d'autres faisaient valoir que lorsque la loi est « véritablement »194(*) interprétative, son application immédiate ne saurait être discutée. L'application immédiate apparaît alors comme l'essence même des lois interprétatives, lorsque le législateur l'a expressément précisé. Du moment où l'application immédiate sous-entend que la loi s'applique aux instances en cours, cela a également suscité des controverses au niveau de la doctrine, car, en s'appliquant aux instances en cours, la loi interprétative constitue une immixtion flagrante du législateur dans l'administration de la justice195(*). Mais au regard du but visé par cette loi196(*), son application aux procès en cours reste primordiale, même lorsque le législateur n'a rien dit. La précision expresse de l'application immédiate de la loi interprétative n'est pas une condition imposée au législateur, il est libre d'en faire la précision. La situation est donc différente lorsque celui-ci n'en a fait aucune précision. 2- En cas d'absence de précision sur l'effet immédiat de la loi interprétative La question de la justification de l'application immédiate ne vaut que lorsque le législateur lui-même ne précise pas expressément que la loi interprétative s'appliquera immédiatement aux instances en cours. Dans ce cas, le juge doit faire recours aux dispositions transitoires pour déterminer si la loi est applicable aux situations en cours ou pas197(*). Souvent, les lois nouvelles comportent, à l'heure actuelle, des dispositions transitoires, auxquelles il convient de se référer. Une disposition transitoire peut être définie comme une règle ou une prescription énoncée dans un texte juridique, et dont le but est de règlementer les situations pendantes pour l'avenir du moment où certaines dispositions de la loi nouvelle ne seront pas applicables immédiatement pour quelles que raisons que ce soient. Dans ce cas, le législateur peut décider que la loi ancienne continue à s'appliquer totalement ou partiellement, tandis que la loi nouvelle ne pourra soit ne pas s'appliquer immédiatement, soit ne s'appliquer que partiellement. Le juge, sans avoir à qualifier la loi, devra donc respecter les dispositions transitoires. Une autre hypothèse est celle selon laquelle le législateur a procédé à la qualification de la loi, mais sans toutefois tirer les conséquences quant à l'application du nouveau texte dans le temps198(*). En ce cas, si le juge choisit de l'appliquer immédiatement, c'est bien parce que la loi interprétative, par essence même, commanderait cette solution. En somme, l'effet rétroactif et l'effet immédiat caractérisent la loi interprétative. Mais il convient de constater qu'au Cameroun, contrairement à la France où le principe de la non-rétroactivité n'a qu'une simple valeur de loi, ce principe a une valeur constitutionnelle ; et de ce fait, le législateur est tenu de bien motiver son recours aux lois interprétatives, sinon elle sera inconstitutionnelle. Il est vrai que ce dernier n'a pas besoin de motiver son recours, car, on le sait, la loi interprétative a un statut particulier du fait qu'elle n'est pas une loi autonome, elle vient simplement corriger, voire rectifier des incertitudes nées dans l'application d'un texte initial et en est donc une partie intégrante. Ainsi, afin d'éviter que le législateur ne sorte de ce cadre et n'édicte des lois nouvelles sous la qualification de loi interprétative, celle-ci est soumise à un régime juridique tout aussi particulier qui justifie une fois de plus son statut à part. * 192 Aucune confusion ne doit être faite car ici la loi nouvelle n'est pas « forcement » une loi interprétative, comme on le sait, celle-ci n'est pas une loi nouvelle puisqu'elle est censée faire partie de la loi qu'elle interprète. * 193 C'est-à-dire la précision expresse de son effet immédiat. * 194 Selon la même opinion, une loi dite « faussement » interprétative doit être traitée comme une loi simplement rétroactive. * 195 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité. * 196 A savoir résoudre des controverses nées de l'interprétation d'un texte afin de proposer une solution adéquate et d'éviter que les procès en cours ne tombent une fois de plus dans les mêmes incommodités * 197 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité. * 198 Ibidem. |
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