Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud Université de Dschang Cameroun - Master 2012 |
CHAPITRE 1 : LES LOIS DE VALIDATIONEncore appelée « validation législative »79(*) ou loi confirmative, la loi de validation est une loi votée par le Parlement pour conforter a posteriori une situation juridiquement contestable de manière à la rendre définitive et insusceptible d'annulation80(*). C'est une intervention du législateur en forme de loi destinée, à titre rétroactif ou préventif, à valider de manière expresse, indirecte ou même implicite un acte administratif annulé ou susceptible de l'être81(*). Cette technique est parfois utilisée dans des hypothèses où un acte illégal accompli par l'Administration est déféré à une juridiction administrative pour en obtenir l'annulation et, parfois même, lorsque le juge administratif a déjà décidé que l'acte litigieux était nul82(*). Les lois de validation ou confirmatives ne sont pas simplement limitées à la validation d'un acte administratif, mais peuvent également intervenir en matière contractuelle et être applicables à des contrats passés entre deux personnes privées et relevant donc du droit privé83(*). La pratique des validations législatives s'est accrue au fil des années et elles ne sont pas toujours répréhensibles comme le soulignent une partie de la doctrine84(*), car elles sont des « lois rétroactives par opportunité »85(*) et permettent d'éviter des situations inextricables86(*). Nous analyserons dans le cadre de ce chapitre tout d'abord les contours de la notion de « validation législative » (section 1) avant d'envisager la compatibilité des validations législatives avec les exigences de l'Etat de droit (section 2). SECTION 1 : LES CONTOURS DE LA NOTION DE VALIDATION LEGISLATIVEUtilisé dans une conception tantôt générique, tantôt spécifique, le terme doctrinal de « validation législative » génère un flou terminologique que nous souhaiterions, si cela est possible, tenter de dissiper. Intuitivement, tout juriste semble appréhender la notion : le législateur «valide», «avalise», «consolide» une position favorable à l'Etat, en modifiant l'état du droit87(*). D'après la définition proposée par Gérard Cornu, il est à remarquer que les validations législatives revêtent des formes (paragraphe1) et des caractères (paragraphe 2) sur lesquels il convient de s'attarder afin de mieux appréhender leur nature juridique. Paragraphe 1 : Essai de typologie des validations législativesLes validations législatives peuvent revêtir plusieurs formes. La doctrine a élaboré une classification des protéiformes « validations législatives » en plusieurs catégories. Mais il convient de ne pas confondre les formes de validation aux types de validation. C'est la raison pour laquelle on distinguera les validations a priori88(*) des validations a posteriori89(*), les validations directes des validations indirectes, des validations partielles des validations intégrales qui en sont les formes et sur lesquelles nous ne nous attarderons pas. Mais nous analyserons essentiellement une synthèse de la typologie tirée de la doctrine qui nous permettra d'avoir une vue panoramique sur les types de validation. Nous distinguerons donc les validations par habilitation des validations par substitution (A) d'une part et d'autre part les validations par ratification des validations stricto sensu (B). Cette typologie permet de découvrir les effets différents des multiples visages des validations, le choix de l'une ou l'autre formule influant directement sur la nature ou l'efficacité d'un contrôle juridictionnel. A- La validation par habilitation et la validation par substitutionOn distinguera la validation par habilitation (1) de la validation par substitution (2). 1- La validation par habilitation La validation par habilitation90(*) consiste à conférer une autorisation expresse du législateur à l'Administration de prendre certaines mesures. Cette habilitation peut prendre deux formes : soit une autorisation conférée à l'Administration d'adopter des mesures rétroactives, autorisant par exemple la réfection rétroactive de l'acte annulé par le juge ; soit une autorisation délivrée dans une législation à effet rétroactif conférant a posteriori un fondement matériel à des actes administratifs. Ces deux formes d'habilitation se distinguent essentiellement par l'auteur de la correction : la première hypothèse nécessite un acte supplémentaire à la seule habilitation du législateur, puisque c'est l'Administration elle-même qui opère la réfection ; dans la seconde hypothèse, le seul effet rétroactif de la loi d'habilitation suffit. La technique ne peut s'analyser comme le maintien formel d'un acte administratif illégal : c'est un soutien du législateur à un acte administratif qui conserve son régime juridique et contentieux initial91(*). L'acte validé reste donc soumis au contrôle juridictionnel des actes administratifs, mais les moyens invoqués à son rencontre se trouveront privés d'effets. C'est - pour utiliser une image empruntée à la médecine - la « guérison » de l'acte administratif92(*). 2- La validation par substitution Par une validation par substitution93(*), le législateur reproduit le contenu de l'acte administratif illégal dans une disposition législative identique à effet rétroactif. La même disposition matérielle mène donc une double vie à deux niveaux de la hiérarchie des normes ; elle dispose alors de deux destins parallèles. L'acte administratif en cause restera soumis au contrôle juridictionnel qui lui est propre. Les critiques qui lui sont adressées conservent leur pertinence, mais l'annulation éventuelle de l'acte administratif n'empêchera pas la survie, sous une forme législative, du contenu matériel de l'acte administratif annulé. C'est le « dédoublement sous forme législative »94(*) de l'acte administratif, privant aussi d'effet les moyens invoqués à son encontre. * 79 Terme qui est le plus souvent employé, parfois juste « validation » dans certains cas. * 80 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), op.cit. * 81 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France, Association Henri CAPITANT, 2ième édition, 2001 * 82 PERROT (R.), op.cit. p.33. Sur le cas de la validation de l'acte déjà annulé, certains auteurs à l'instar de FOILLARD Philippe, Droit administratif, manuel, Orléans, Paradigme CPU, 8ième édition, 2003-2004, estiment que le législateur ne peut pas valider les actes déjà annulés par le juge. * 83 Voir SANDRAS Catherine, « Les lois de validation, le procès en cours et l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne des Droits de l'Homme », in Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme ; MATHIEU Bertrand, « Les validations législatives devant le juge constitutionnel : bilan d'une jurisprudence récente », in RFDA, n°11, juillet-août 1995. * 84 Notamment ROSOUX Géraldine, « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », in Revue de la Faculté de Droit de l'Université de Liège ; SANDRAS Catherine, « Les lois de validation, le procès en cours et l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne des Droits de l'Homme », in Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme ; LESAGE Michel, Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice, Paris, LGDJ, 1960. * 85 MOLFESSIS Nicolas, « La rétroactivité de la norme », article disponible sur le site http//fr.wikipedia.org/ * 86 Par exemple, menace pour la paix publique, continuité du service public, annulation d'un concours administratif dont les candidats avaient déjà fini leur formation au bout de quelques années, etc. * 87 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.139. * 88 Il s'agit de la validation préventive d'actes non encore annulés et prospective d'actes non encore édictés. Pour plus de précisions, voir NGONGANG NJANKEP Gilbert, La neutralisation des décisions du juge administratif camerounais, Mémoire de Maîtrise en droit public, Uds, 1998-1999, pp9-10. * 89 Ce sont celles qui interviennent lorsque l'acte est porté devant le juge c'est-à-dire en cours d'instance. * 90 MATHIEU (B.), Les « validations » législatives -- Pratique législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit., p.39. * 91 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.146. * 92 Ibidem. * 93 MATHIEU (B.), Les « validations » législatives -- Pratique législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit., p.43. * 94 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.146. |
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