CHAPITRE I : DECENTRALISATION POLITICO-ADMINISTRATIVE
ET CROISSANCE ECONOMIQUE : UNE REVUE DE LA LITTERATURE
INTRODUCTION
La littérature économique autour des concepts de
décentralisation et croissance économique est très riche.
Il n'en demeure pas moins que certains aspects n'ont pas été
développés de manière très approfondie.
Aussi, une meilleure approche conceptuelle et
opérationnelle du concept de « décentralisation politique et
administrative » nous permettra d'en saisir les fondements, les
implications ainsi que les principes fondamentaux. C'est donc ainsi que nous
analyserons cet aspect de la décentralisation des décisions
(section I) et son impact sur la croissance économique (section II).
SECTION I : LA DECENTRALISATION DES DECISIONS
S'étant invitée dans la régulation des
Etats depuis les années 1970, la décentralisation devient
aujourd'hui le modèle politique de référence. C'est alors
que cette dernière fera l'objet de vives préoccupations dans les
milieux scientifiques. En France par exemple, A. de TOCQUEVILLE dans un ouvrage
écrit en 1835: De la démocratie en Amérique, est
le premier économiste à penser la décentralisation
même si la première « loi sur la décentralisation
» dans ce pays n'apparaitra qu'en 1982.
La décentralisation politique et administrative
s'impose alors comme le système d'organisation politico-administratif de
la fin du XX ième siècle et donc, elle suscite de nombreux
débats au sein des milieux académiques et institutions de
recherche. De ces débats scientifiques, il en ressort quelques
certitudes notamment en termes de d'appréhension du concept (I), puis
autour de ses divers courants théoriques (II).
I. APPREHENSION DU CONCEPT :
Comme signalé plus haut, le concept de «
décentralisation » aura connu de nombreuses définitions
ainsi qu'un bon nombre d'implications. Ces dernières n'étaient
pas complètement contradictoires mais plutôt
complémentaires. Complémentarité en fonction des
domaines
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(économie, droit...etc) et
complémentarité en termes d'approches (approche conceptuelle et
approche opérationnelle). Nous appréhenderons donc ce concept en
présentant d'une part la définition et ses principes fondamentaux
(1) et d'autre part les concepts clés (2).
1. Définitions et principes fondamentaux
D'une manière générale, la
décentralisation correspond à un transfert de
compétences du gouvernement central ou de ses agences à des
gouvernements locaux. Elle vise donc à « construire des niveaux
d'actions publiques plus efficaces, plus démocratiques, à partir
d'un changement d'échelle et d'implication d'une pluralité
d'acteurs publics, privés, et associatifs » (PIVETEAU, 2005). Sous
un aspect beaucoup plus juridique, la décentralisation consiste en un
transfert de prérogatives (administratives, budgétaires,
politiques) d'une personne publique de niveau supérieur de gouvernance
(l'Etat) vers des personnes morales de droit public de niveau inférieur
(une collectivité publique territoriale) (MOINDZE, 2011).
La « décentralisation des décisions
» embrasse les formes politique et administrative de la
décentralisation. Elle est appréhendée en soustrayant
à la décentralisation, l'aspect financier. On peut donc la
rapprocher du transfert des compétences
(décisionnelles, politiques ou administratives) à des
collectivités locales qui sont des personnes morales de droit public.
Elle est totalement distincte du transfert des moyens (décentralisation
financière).
Il faut bien rappeler que d'une manière
générale, l'on distingue trois types de «
décentralisation » (MOINDZE, 2011, BOULENGER et al, 2012) :
- « La déconcentration qui
consiste à transférer des responsabilités de
l'administration centrale à ses représentations situées
dans les régions généralement éloignées de
la capitale. [...]
- La délégation qui
désigne le transfert de pouvoir de l'Etat central à des
entités semi autonomes (c'est-à-dire qui ne sont pas
contrôlées directement par le pouvoir central puisqu'elles ont une
personnalité morale et un budget autonome ; mais qui sont
légalement tenues de lui rendre des comptes ; comme des entreprises
publiques ou des agences. [...]
- La dévolution est la forme la plus
poussée de la décentralisation dans le sens où elle
opère un transfert de compétences et de responsabilités
à des personnes morales de droit public élues par les
administrés ».
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Tableau 1 : les trois types de décentralisation
Types
|
Responsables politiques
|
Responsables d'exécution
|
Origine du financement
|
Déconcentration
|
Elus nationaux
|
Agents du
gouvernement central
|
Budget national
|
Délégation
|
Elus nationaux et locaux
|
Agents du gouvernement local supervisés par des
employés du gouvernement central
|
Budget local avec ou sans paiements contractuels de l'Etat
central, venant du budget national ou local
|
Dévolution
|
Elus locaux
|
Agents du gouvernement local (incluant des corps
d'employés nationaux)
|
Budget local : impôts et taxes et/ou transferts de l'Etat
central venant du budget national
|
Source : Gauthier, I et Vaillancourt, F, 2002.
La « décentralisation » telle que
présentée plus haut est donc un système d'organisation
politique dont le fonctionnement est subordonné aux principes
fondamentaux suivant :
- Le principe de subsidiarité : ce
principe induit que les taches doivent être effectuées par
l'autorité compétente au plus bas de l'échelon
hiérarchique. Il s'agit donc d'une décentralisation des
décisions vers des niveaux où elles sont les plus efficaces.
L'autorité centrale doit donc avoir ici une fonction plutôt
subsidiaire c'est-à-dire qui constitue un recours ou qui doit venir
à l'appui d'une action si la précédente s'avère
défaillante.
Le principe de subsidiarité tel que
présenté révèle une dimension à la fois
juridique ou politique. Dimension juridique car ce principe permet de
structurer le pouvoir civique et dimension politique car elle permet et
autorise chaque localité de résoudre ses problèmes sans
s'en référer au pouvoir central.
- L'élection des administrateurs locaux
: c'est également l'un des principes les plus partagés
des milieux scientifiques. La désignation des dirigeants doit être
du ressort local ce qui responsabiliserait davantage les citoyens, les
intégrant activement dans le processus politique local tout en les
impliquant davantage dans la gestion du territoire (ESSOMBE EDIMO, 2010). L'on
passe donc d'une démocratie représentative à une
démocratie davantage participative.
- La capacité d'une maitrise d'ouvrage des
collectivités locales : elle correspond aux «
capacités de la collectivité » à mettre en oeuvre ses
compétences et à exercer ses responsabilités. Elle
revêt quatre dimensions (COQUART et BOURJIJ, 2010) :
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. Organisationnelle : organisation et
management des services, ressources humaines, et financières.
. Technique : maitrise des procédures et
des projets, qualification et savoir-faire.
. Politique : fonctionnement de la
démocratie représentative et participative ; définition
des politiques.
.Territoriale : mobilisation et animation des
acteurs locaux.
L'analyse minutieuse de ces principes, nous permet de
ressortir les concepts clés de la décentralisation.
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