CONCLUSION
Il était question dans ce chapitre de passer en revue
la théorie économique sur le lien qui puisse exister entre la
décentralisation financière et la croissance économique.
Nous avons pu constater que c'est principalement par le canal du
principe de compétition que la décentralisation
financière, en améliorant la fourniture des biens publics via la
compétition inter juridictionnelle qui s'installe, a un impact sur la
croissance économique (modèle de TIEBOUT, 1956). Cette
concurrence amène les gouvernements locaux à plus d'efficience
dans les politiques publiques qu'ils mettent en place. Ce principe ne fait pas
l'unanimité dans les milieux scientifiques et a souvent
été critiqué (TANZI, 1996 ; PRUD'HOMME, 1995 et BARDHAN,
2002). Il n'existe pas également de consensus dans la littérature
empirique : pendant que certains travaux aboutissent sur un lien négatif
entre décentralisation et croissance économique, d'autres
concluent sur une corrélation positive entre ces deux concepts. La seule
satisfaction dans la littérature théorique demeure sur la forme
du modèle qui s'avère être linéaire, et sur la
méthode d'estimation dont la plus utilisée est celle des moindres
carrées ordinaires (M.C.O.).
66
Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
Cependant, la faiblesse des travaux sur la partie
subsaharienne du continent Africain nous amène à évaluer
empiriquement l'impact de la décentralisation financière sur la
croissance économique dans le cas de 6 Pays d'Afrique subsaharienne. Ce
sera l'objet du chapitre suivant.
67
Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
CHAPITRE IV : DECENTRALISATION FINANCIERE ET
CROISSANCE ECONOMIQUE : LE CAS DE 6 PAYS D'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
INTRODUCTION
Le succès de la politique de décentralisation en
Afrique subsaharienne dépend largement de la réalisation de
l'autonomie financière des collectivités locales. L'aspect
financier demeure très sensible et pour cause, si le transfert de
compétences est souvent effectif dans des délais acceptables, le
transfert de moyens financiers ne suit pas toujours. La décentralisation
financière en Afrique subsaharienne a fait l'objet de nombreuses
études théoriques qui relèvent les principaux obstacles
à la mise en place de cette politique : les incompétences et les
incapacités locales, l'environnement financier international, la sous
fiscalisation accompagnée de la faiblesse des ressources publiques, le
comportement réticent du gouvernement central et la faiblesse
d'activités économiques (KUSHIGANINE et TULINABO, 2009). La
littérature évalue souvent les effets de la
décentralisation sur la fourniture des biens et services
publics, leur allocation au sein de la population et
leur coût de production (CALDEIRA, 2011). Il est
supposé que le niveau local est celui le plus indiqué pour
fournir d'une manière efficace et à moindre coût les biens
publics. Pour s'acquitter de ses nouvelles fonctions, les collectivités
locales devront disposer de ressources financières suffisantes et d'une
autonomie dans l'élaboration des plans de développement local. Si
l'on considère le « local comme cadre support du
global » (ESSOMBE EDIMO, 2007), les effets positifs sur
la localité en termes de fourniture de biens et services devraient se
ressentir au niveau national en termes de croissance économique
; d'où la nécessité de s'interroger sur l'impact
de la décentralisation financière sur la croissance
économique des pays d'Afrique subsaharienne.
Pour y parvenir il serait souhaitable d'établir un
état des lieux de la décentralisation financière dans
cette partie du continent, mesurer ce concept afin de l'insérer dans un
modèle de régression linéaire(section I), analyser les
résultats du modèle et faire des propositions de politiques
économiques (section II).
68
Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
SECTION I : DECENTRALISATION FINANCIERE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE : ETAT DES LIEUX, MESURE ET MODELE A TESTER
La décentralisation financière pourrait-elle
être considérée comme un facteur de croissance
économique ? La réponse à cette question représente
tout l'enjeu de cette section. L'état des lieux nous permettra d'avoir
une idée sur la situation actuelle de cette politique dans le contexte
d'étude (I) avant de présenter la méthodologie de mesure
utilisée par NDEGWA en 2002 ce qui nous permettra d'établir le
modèle à tester dans le cas de l'Afrique subsaharienne (II).
I. LA DECENTRALISATION FINANCIERE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
: ETAT DES LIEUX
Bien que le processus de décentralisation soit
spécifique à chaque pays, l'on observe tout de moins, dans la
plupart des pays d'Afrique subsaharienne engagé dans ce processus, un
déséquilibre entre la capacité des gouvernements locaux
à lever des ressources et les responsabilités qui leurs sont
transférées (CALDEIRA, 2011). Le cas spécifique des pays
francophones dont les ressources locales propres représentent moins de
1% du PIB (VERGNE, 2009) handicape encore plus ces dernières dans
l'accomplissement de leurs tâches. Il s'avère donc
nécessaire d'en faire un état général des lieux (1)
avant d'en analyser succinctement le cas spécifique de quelques pays
(2).
1. Etat des lieux
Pour faire face à leurs responsabilités futures,
les collectivités locales en Afrique subsaharienne disposent encore de
très faibles moyens et des ressources financières
limitées, exception faite de l'Afrique du Sud, qui malgré le fait
que le processus de décentralisation soit on ne peut plus récent
(constitution de 1993 renforcé dans celle de 1996), le système
politique fédéral adopté par le pays a facilité ce
processus. Généralement en Afrique subsaharienne, les
collectivités locales bénéficient de moins de 5% des
ressources de l'Etat (Banque mondiale, 2004), le tout couronné par une
forte variabilité de ces allocations entre régions urbaines et
régions rurales ou entre grandes villes et petites villes.
69
Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
DEMANTE et TYMINSKY (2008) relèvent que la
disparité qui existe entre les collectivités locales d'un
même pays (disparité intra) est toute aussi importante que celle
qui existe entre les pays (disparité inter) d'Afrique subsaharienne : en
2005, précisent-ils, on estimait le volume total des ressources
annuelles des collectivités africaines à environ 8,5 milliards
d'euro dont 7,5 milliards pour l'Afrique du Sud (82%), 1 milliard pour le Maroc
et la Tunisie (12%) et 500 millions pour les pays d'Afrique subsaharienne (6%).
L'Afrique subsaharienne demeure l'une des régions d'Afrique où
les collectivités locales sont les plus pauvres. Le cas
spécifique des pays comme l'Afrique du sud, l'Ouganda est simplement
dû au fait que ces pays ont non seulement connu une colonisation
anglophone (beaucoup moins contraignante et essentiellement basé sur une
« décentralisation traditionnelle ») en plus, un pays comme
l'Afrique du sud a un système politique fédéral. La
politique du fédéralisme financier a donc des bases beaucoup plus
solides que dans les Etats Unitaires.
Le faible maniement de l'outil de fiscalité locale
propre dans les collectivités locales d'Afrique subsaharienne rend
capitale l'utilisation des autres outils de financement des
collectivités locales dont la fiscalité partagée (l'Etat
collecte et partage certains impôts avec les collectivités
locales) et les transferts intergouvernementaux (généralement
sous la forme de subventions ou de dotations). Cependant des auteurs comme
EGGER et al (2000), SMART (2007), voient en ce système de transfert des
risques non seulement de désincitation à la mobilisation
des ressources locales propres mais aussi d'indiscipline
budgétaire de la part des collectivités locales.
Il s'avère tout de même important de noter que la
grande partie des ressources financières des collectivités
locales est souvent issue des fonds internationaux d'aide à la
décentralisation, de la coopération décentralisée,
et ceci au risque d'être assujetti aux exigences extérieures.
|