II. LES FONDEMENTS THEORIQUES :
L'organisation publique de la gestion des finances aura fait
l'objet de nombreuses études bien avant la montée en puissance de
la décentralisation dans les années 80. Elle sera
intégrée dans cette mouvance sous le vocable de «
décentralisation financière », qui est bel et bien un des
aspects du concept général de « décentralisation
» mais dont on doit distinguer des autres aspects (politique,
administratif, fonctionnel). La théorie du Fédéralisme
financier (1) demeure le cadre théorique approprié pour l'analyse
des fondements de la « décentralisation financière »
avant d'en présenter les principaux obstacles (2) à la mise en
oeuvre de cette dimension de la décentralisation.
56
Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
1. La théorie du Fédéralisme
financier :
Il conviendrait de comprendre au travers de cette analyse, la
réalité du lien entre la « décentralisation
financière » et le « fédéralisme
budgétaire » qui ne sont ni des synonymes encore moins des
antonymes.
L'analyse du point de vue du droit constitutionnel permet de
distinguer trois formes de d'Etat : les Etats unitaires dont
la souveraineté réside dans le gouvernement central qui peut
céder une partie de celle-ci aux unités constituantes (c'est
là qu'intervient la décentralisation). Les
Etats fédérés dont le gouvernement
central ainsi que les gouvernements constituants peuvent décider
ensemble d'un transfert de certaines compétences à exercer en
toute autonomie (ce sont des pays naturellement décentralisés car
ayant un système politico administratif à plusieurs
gouvernements, le pouvoir central assurant la coordination). Les Etats
confédérés qui résultent d'une union de
plusieurs Etats (DAFFLON et MADIES, 2008).
En termes de relations financière entre gouvernement
centraux et gouvernement locaux l'on parle de « décentralisation
financière » dans lequel le gouvernement central définit les
règles opérationnelles et financières, et contrôle
les Etats (BIRD et VAILLANCOURT, 1998).
OATES (1972) fut l'un des premiers auteurs à avoir mis
en exergue, de manière explicite, la nécessité d'un
partage de pouvoirs en matière de dépenses. Il va formuler le
théorème de la décentralisation qui
stipule que : « chaque service public devrait être fourni par la
juridiction exerçant un contrôle sur le territoire
géographique minimum permettant d'internaliser les avantages et les
coûts d'une telle prestation ». Ce théorème est la
conséquence de la conviction d'après laquelle le gouvernement
central ne peut que fournir des services uniformes pour toutes les
échelles territoriales du pays. La « décentralisation
financière » permettrait donc de contourner cette limite et
pourrait même générer des gains d'efficacité
tant au niveau de l'allocation que de la gestion des ressources
financières (EBEL et YILMAZ, 2001).
MUSGRAVE (1959) aura également abattu un travail
remarquable sur la théorie des finances publiques. S'intéressant
au fédéralisme financier, il repartit les fonctions de l'Etat en
trois catégories :
57
Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
- La « stabilisation macroéconomique
» à l'aide des différentes politiques dont dispose
les gouvernements : la politique budgétaire, la politique
monétaire ou la politique fiscale.
- La « redistribution des revenus »
qui doit tenir compte de l'équité. La théorie
économique sur le bien-être, l'économie publique et sa
théorie des biens publics ont largement développé cet
aspect.
- L' « affectation des ressources
». C'est justement cette dernière fonction qui est en
étroite liaison avec la théorie du fédéralisme
financier. MUSGRAVE (1984) va développer encore plus cet aspect dont il
en définira les éléments économiques standard de la
politique financière publique : l'efficacité, la stabilité
macroéconomique et l'équité.
? En ce qui concerne l' « efficacité
», elle peut s'analyser suivant l'axe de la
répartition efficace des ressources (EBEL et YILMAZ,
2001). la proximité des gouvernements locaux avec les populations leur
permet de mieux cerner leurs besoins. Ainsi, les décisions en
matière de dépenses publiques prises par les gouvernements locaux
ont plus de chance de rencontrer la fonction de préférence des
populations.
? La « stabilité macroéconomique
» : cet argument est beaucoup plus d'ordre empirique car ce sont
les pays fédéraux hautement décentralisés (comme la
suisse, l'Allemagne, l'Autriche...etc) qui présentent une
stabilité macroéconomique nettement plus élevées et
des taux d'inflation moins fluctuants et souvent bas (SHAH, 1997 cité
par EBEL et YILMAZ, 2001).
? L' « équité » : cet
aspect de la politique financière publique consiste à
redistribuer le revenu afin d'arriver à une situation sociale plus
juste. Cette redistribution privilégie toujours les ménages les
plus faibles.
Si les fondements théoriques de la théorie du
fédéralisme financier tendent tous à justifier la
nécessité d'une mise en oeuvre de la «
décentralisation financière », il existe
nécessairement les obstacles à cette volonté, notamment
dans les PVD.
|