SECTION II : IMPACT DE LA DECENTRALISATION POLITIQUE
ET ADMINISTRATIVE SUR LA CROISSANCE ECONOMIQUE
Des trois fonctions de l'Etat établies par MUSGRAVE en
1959 (allocation des ressources, redistribution et stabilisation), si la
littérature s'accorde sur le fait que les fonctions de stabilisation et
de redistribution doivent rester au niveau central (CALDEIRA,
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Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
2011), ce n'est pas le cas pour la fonction
d'allocation des ressources. Cette fonction a
été analysée dans le cadre de la théorie du
fédéralisme budgétaire. Quels sont les effets de la
décentralisation dans l'allocation des ressources ? C'est par ce canal
que la décentralisation politique et administrative agit sur la
croissance, souvent par le biais du principe de
proximité(I) ce qui permet de percevoir l'impact de la
décentralisation sur l'économie locale (II).
I. LE PRINCIPE DE PROXIMITE
L'analyse de ce principe n'a pas fait l'unanimité dans
les milieux scientifiques, pendant que certains voient en lui un facteur de
croissance économique, notamment les tenants de l'approche
libérale, d'autres y voient un risque pour les économies
notamment fragiles, ce sont les tenants de l'approche analytique. En effet, le
principe de proximité s'avèrerait beaucoup plus efficace dans les
pays développés que dans les pays en développement
(CALDEIRA, 2011). Il s'avère donc nécessaire d'établir
d'abord ce que c'est que le principe de proximité (1) avant de voir les
limites qui ont été apportées à ce principe (2).
1. Contenu du principe de proximité
Du moment où la décentralisation permet de
rapprocher les décideurs politiques des citoyens, elle optimise la
gestion du territoire en ce sens qu'elle permet aux premiers de mieux saisir
les préférences et les besoins des populations (HAYEK, 1948). Le
principe de proximité met donc en avant cette situation où
l'information de qualité est disponible pour les
gestionnaires locaux.
Trois principaux auteurs soutiennent ce principe notamment
HAYEK (1948) et OATES (1972), pour qui, la décentralisation en
réduisant considérablement les asymétries
informationnelles qui existaient entre agents du gouvernement central
(élus) et populations (électeurs) permet aux seconds de mieux
apprécier les efforts et la qualité des gouvernements locaux,
beaucoup plus proches d'eux (CALDEIRA, 2011). C'est donc un atout
indéniable pour le citoyen, car il devient plus exigent vis-à-vis
du dirigeant local, l'obligeant à une plus grande efficacité dans
la prestation des services publics, notamment les services sociaux de base. On
rencontre ici un des aspects de la théorie libérale
qui a été développé par
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Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
RONDINELLI (1989). Il pense que sous la
décentralisation, la fonction de demande des biens publics rencontre
effectivement la fonction d'offre, émanant du gouvernement local.
Le troisième auteur qui soutient cette idée est
SEABRIGHT (1996) qui pense que le principe de proximité assure la
redevabilité et l'efficacité
des décideurs locaux. S'inscrivant dans la continuité
des auteurs précédents, il souligne le fait que « la
décentralisation a certes des coûts en termes de coordination
politique, mais elle implique une plus grande redevabilité des
dirigeants locaux » (CALDEIRA, 2011). Redevabilité parce qu'il
devient plus facile de sanctionner les dirigeants incompétents parce
qu'étant plus proches des populations, il devient également plus
facile de juger la qualité des actions mises en oeuvre par les
gouvernements locaux et la responsabilité de chacun des dirigeants.
Ainsi pour SEABRIGHT (1996), la redevabilité est la condition permissive
de l'efficacité des gouvernements locaux.
En conclusion, la qualité de l'information et la
redevabilité assurent une fourniture plus efficace des biens publics
c'est-à-dire des infrastructures, au niveau local. La théorie de
croissance économique de BARRO (1991) est l'un des modèles de la
croissance endogène qui donne un rôle primordial aux
infrastructures publiques et à leurs externalités positives. Par
le canal du principe de proximité l'on peut donc considérer la
décentralisation politique et administrative comme un facteur de
croissance économique, même si ce dernier n'a pas fait
l'unanimité dans la théorie.
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