II) Éléments de solution
Il a été reproché au constitutionnalisme
africain de ne pas posséder de mécanismes suffisants pour
permettre de garantir l'application de ces dispositions, ainsi que, notamment,
l'intangibilité du principe de limitation de mandat, en donnant au
principe un caractère d'« inviolabilité et
[d']immuabilité116 ». Il
semblerait que les solutions en la matière restent classiques : pas de
solution miraculeuse.
Il faut tout d'abord apporter un soin particulier à la
rédaction des dispositions constitutionnelles, et notamment celles qui
sont habituellement sujettes à controverse. On peut même aller
jusqu'à organiser des débats publics pour que soient
tranchés à l'avance tous les aspects d'interprétation de
la norme au moment de son élaboration. Cette solution est la même
qu'en matière de lutte contre la révision constitutionnelle
abusive car, en réalité, tout se tient, c'est l'implication
concrète des populations qui permettra de conférer une
réelle légitimité à la norme constitutionnelle.
Sur le plan institutionnel, il faut impérativement
arriver à garantir une réelle indépendance des juges par
rapport au pouvoir. Pour cela, il faut envisager une meilleure
rémunération des juges, l'impossibilité pour ces derniers
de briguer des mandats électifs ou tout simplement tout poste
politique.
Il n'existe pas, en réalité, de solution miracle
en la matière. Les choses seront susceptibles d'évoluer
uniquement si une dynamique émanant des sociétés
africaines elles-mêmes se crée, une dynamique dans le sens de la
politisation des individus et de la responsabilisation des dirigeants. Pour
cela, il faut un État qui ne se contente pas d'exister sur le papier,
mais qui ait un impact bénéfique réel sur la vie des
populations - dans de nombreux endroits, l'État est en effet inexistant.
Il faut également que les institutions étatiques se rapprochent
des coutumes et traditions africaines et ne se contentent pas de calquer un
modèle étranger supposé être meilleur, alors
même qu'il existe un droit que l'on pourra qualifier de réellement
africain et susceptible de fournir des solutions aux problèmes des
Africains.
On perçoit les enjeux importants attachés
à l'existence d'un constitutionnalisme protecteur des conditions
d'éligibilité en Afrique. Il en va du respect de la
liberté de participer aux affaires publiques, de la
nécessité du renouvellement des élites et de la
nécessaire sortie de l'oligarchie en place aujourd'hui.
Néanmoins, l'existence du problème de l'instrumentalisation des
conditions d'éligibilité ne constitue pas une
116 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif
dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, op. cit.,
p. 175.
53
fatalité et on se doit même, dans la
configuration actuelle, de s'interroger sur l'existence
d'éléments présents dans le constitutionnalisme des
États africains et en dehors de celui-ci, et susceptibles d'endiguer le
problème de l'instrumentalisation afin de favoriser l'implantation de la
démocratie. C'est pourquoi il est nécessaire de rechercher
l'existence de freins à une telle instrumentalisation des conditions
d'éligibilité.
54
|