De la MONUC à la MONUSCO, rupture ou continuité?( Télécharger le fichier original )par Francis MOLAMOYI MASIMWA Université de Kinshasa RDC - Licence 2011 |
B. Désarmement, Démobilisation, Rapatriement, Réinstallation et Réinsertion (DDRRR)Suite aux résolutions 1355 et 1376 de 2001 du CS, le programme DDRRR a été mis en oeuvre depuis novembre 2001 en tant que principale tâche de la MONUC dans le cadre de la phase III de son déploiement. Pour cela, le CS a autorisé l'accroissement du nombre de militaires de la MONUC de 5000 à 8700 unités. Quels sont aujourd'hui les résultats de cette opération après un an et demi d'existence ? Il subsiste encore au Kivu d'importants groupes d'Interahmwe et ex-Far" (appelés ici `Hutus rwandais armés', car terme plus approprié) Pour autant qu'ils soient organisés, la plupart de ces groupes ont des liens avec les FDLR qui sont devenus membres de la Concertation permanente de l'opposition démocratique rwandaise (CPODR) regroupant la quasi-totalité des partis d'oppositions rwandaises en exil, y compris des représentants de Tutsi rescapés du génocide. Ils se trouvent au Sud-Kivu dans les régions de Ninja, Shabunda, Walungu, Burghinyi, Kalonge, plaine de Ruzizi, ainsi que dans le parc de Biega-Kahuzi d'où ils sèment la terreur dans les villages environnants (notamment Kaniola, Izege, Ikoma, Bugobe, Bushwira...), des villages contrôlés par les soldats du RCD qui n'osent ou ne veulent pas les chasser. D'autres se trouvent au Nord-Kivu dans la région de Walikale, le Parc de Virunga, et en territoire RCD-ML, à Katundula (3 km de Miriki), Kaunugu et la périphérie de Kasuo. Leur présence se traduit par des tueries, des viols, des déportations de femmes pour les exploiter sexuellement, du pillage d'argent, d'animaux, d'effets agricoles et d'autres biens. Des hommes sont enlevés pour transporter les biens pillés. Actuellement, ils opèrent même pendant la journée. Les filles et femmes enlevées sont vendues, au prix de 100 à 150 USD par tête, aux autres Rwandais dans la forêt. Ces groupes n'ont jamais été aussi cruels et n'ont jamais agi aussi ouvertement qu'actuellement, alors que la MONUC s'est déployée dans la région. Aussi, les populations congolaises locales demandent-elles de plus en plus fortement qu'elles soient débarrassées de ces gens, s'il le faut, par la force. D'après nos témoins, aucun effort n'est fait, ni par le RCD ni par l'APR pour les désarmer ou les neutraliser; ces militaires refusent d'y aller lorsque population leur montre les lieux où ils se trouvent. Certains de ces Hutu opèrent à quelques dizaines de mètres des troupes RCD-APR qui sont censées être à leur recherche. C'est le cas depuis le début de la deuxième guerre en 1998. La population dans les villages de l'intérieur est même convaincue que les militaires RCD-APR sont de connivence avec eux, allant jusqu'à les approvisionner en munitions et en moyens de subsistance, comme ce fut le cas dans la zone de Mwenga en octobre 2002. La MONUC est en contact avec certains groupes, mais les offensives du RCD-APR, notamment dans le territoire de Lubero au Nord-Kivu et dans tout le Sud-Kivu ont sérieusement perturbé le travail DDRRR et ont dispersé ceux qui étaient déjà rassemblés et qui s'étaient déclarés d'accord. Ainsi, en août 2000, à Kasugho au 12 Nord-Kivu, plus de 1300 Hutus (hommes armés et leurs familles) qui avaient déjà été rassemblés et attendaient le transport par la MONUC pour Beni d'où ils seraient rapatriés, ont été dispersés par 750 éléments du RCD-APR.38(*) A Bunyatenge et Lubero il y a eu des cas pareils en mars-avril 2003; et à Kalonge et Bunyakiri au Sud-Kivu pendant la première quinzaine de mai. Ce fut aussi le cas au Mulume Munene dans le territoire de Kabare, où 150 Hutu qui attendaient d'être rapatriés, ont été effrayés lorsque le convoi de la MONUC (camions, jeeps et blindés) se voyait précédé d'une camionnette pleine de militaires RCD. La MONUC aurait d'ailleurs été chassée du camp de rassemblement par le RCD-Goma. D'autres témoignages indiquent que la MONU a remis en liberté, et cela à plusieurs reprises, des Hutus rwandais armés qui avaient été capturés et désarmés, notamment par le RCD-ML à Lubero, apparemment par respect du principe de voir les `Interahmwe et ex-Far' se rendre volontairement. Le volet congolais de DDRRR, et particulièrement celui du désarmement des groupes armés rwandais n'ont pas encore donné les résultats escomptés. Au regard des moyens mis à disposition, le nombre des combattants et/ou refugiés hutus rwandais rapatriés est minime: 700 en tout, dont la majorité avaient été désarmés par le gouvernement de Kinshasa à Kamina et quelques centaines tout au plus au Sud-Kivu et dans le Lubero au Nord-Kivu. Pourtant, des milliers de combattants hutus rwandais sont disposés à être démobilisés pour rentrer au Rwanda, mais ils sont retenus par leurs chefs. D'autre part, beaucoup de rendez-vous qu'ils avaient fixés avec la MONUC ont été manqués parce que les gens de la MONUC, en dernière minute, ne se sont pas présentés. Un autre problème sans doute plus important est l'impossibilité pour la MONUC - de par son mandat - de traiter les exigences politiques de ces groupes armés (à l'exclusion des génocidaires). Il n'y aura pas de paix durable dans la région tant qu'un processus de dialogue et d'ouverture démocratique se fera attendre au Rwanda. Cela inclut la sécurité pour tous et les garanties juridiques pour les rapatriés volontaires. La MONUC devrait avoir le mandat de chercher d'autres solutions comme l'installation dans des provinces plus éloignées de la frontière avec le Rwanda ou dans d'autres pays. Mais une attitude plus décidée de la MONUC qui mettrait au pas le RCD-APR quand ceux-ci perturbent le processus pourrait déjà aider. D'autre part, il est attendu du gouvernement de transition qu'il puisse s'attaquer, par la force si nécessaire, au problème de ces groupes armés rwandais qui, comme de simples bandits, terrorisent les populations du Kivu à certains endroits. Seulement, un réel impact d'un tel gouvernement sur le terrain au Kivu reste hypothétique à court terme. Enfin, il faudrait associer plus étroitement les ONG locales, les autorités coutumières, les confessions religieuses, les MM, mais aussi les FAC et les militaires de l'APC (RCDML), à tout désarmement volontaire - et certainement si l'on se décidait à utiliser la force. * 38http:// www.lecongolais.cd les activités des DDDRRR consulté 20 avril 2004. |
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