Section 2 : La responsabilité de protéger,
une garante de la sécurité humaine
D'après la CIISE : « La sécurité
humaine signifie la sécurité des gens - leur sûreté
physique, leur bien-être économique et social, le respect de leur
dignité et de leurs mérites en tant qu'êtres humains, et la
protection de leurs droits et de leurs libertés fondamentales
»57. Cette définition rend compte de
l'élasticité de la notion de sécurité humaine qui
est plus vaste que celle de responsabilité de protéger.
Cependant, si la responsabilité de protéger « n'est pas
destinée à devenir le moyen général
»58d'assurer la sécurité humaine, il n'en
reste pas moins qu'elle contribue largement à lui donner une
réalité. En effet, la responsabilité de
protéger lutte contre les atteintes à leur dignité humaine
(Paragraphe 1) et constitue un moyen de préservation de
la paix et de la sécurité internationales (Paragraphe 2)
indispensable à la sécurité humaine.
Paragraphe 1 : La protection des individus contre les
atteintes à la dignité humaine
L'exigence de respect de la dignité humaine est
aujourd'hui une donnée sine qua non de la vie
internationale. Le droit international y veille soigneusement. Il
englobe évidemment le bannissement de toute sorte de traitement
humiliant ou dégradant commis à l'encontre des individus. Presque
tous les textes pertinents du droit international des droits de l'Homme le
garantissent expressément. A titre d'illustration, on peut
s'arrêter sur ce qu'il est convenu d'appeler de droit de Genève.
Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles
additionnels témoignent de l'importance accordée au respect des
droits de l'Homme.
L'article 3 paragraphe 1 commun aux quatre Conventions de
Genève prévient qu'en cas de conflit armé « Les
personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris
les
57 - CIISE, op.cit., p.15
58 - SZUREK, (S.), op. cit.
Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit
Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB,
2012-2013.
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Le droit de veto et la responsabilité de protéger
des Nations Unies
membres de forces armées qui ont
déposé les armes et les personnes qui ont été mises
hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre
cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité,
sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur
la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la
fortune, ou tout autre critère analogue »59.
A cet effet, ces Conventions prohibent, entre autres
exactions, « les atteintes portées à la vie et à
l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices »
(art. 3 § 1.a) ou encore « les atteintes à la
dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et
dégradants »60 (art. 3§ 1.c).
La sécurité humaine est évoquée
dans le paragraphe 143 du Document final du Sommet mondial de 2005.
D'après ce document, les Chefs d'Etat et de gouvernement ont
estimé « que les êtres humains ont droit de vivre libres
et dans la dignité, à l'abri du besoin et du désespoir
(...) toutes les personnes, en particulier les plus vulnérables, ont le
droit de vivre à l'abri de la peur et du besoin et doivent avoir la
possibilité de jouir de tous leurs droits et de développer
pleinement leurs potentialités dans des conditions
d'égalité (...) »61. Ils ont ainsi
adopté la conception extensive de la notion qui inclue la liberté
de vivre à l'abri de la peur (freedom from fear) et du
besoin (freedom from want).
Pour ce qui est d'assurer à chaque individu une vie
sereine exempte de toutes formes de peur, en particulier celles
résultant des conflits armés, c'est la préoccupation
première de la responsabilité de protéger qui n'exclue pas
le recours à la force pour rendre aux populations la pleine jouissance
de leurs droits et libertés fondamentaux.
Quant à la liberté de vivre en dehors du besoin,
elle est aussi accessoirement prise en compte par la responsabilité de
protéger. En effet, il est aujourd'hui largement admis que la
sécurité, la paix, ce n'est plus le silence des armes officielles
des États, c'est aussi la paix et la stabilité à
l'intérieur des États, au sein des populations. Or, de plus en
plus nous assistons à des soulèvements de population contre leur
gouvernement soit pour réclamer plus de démocratie soit pour
exiger des conditions d'existence plus décentes. La
responsabilité de protéger, par le biais
59 - L'art. 3 § 1 commun aux conventions de Genève du
12 août 1949.
60 - Ibid.
61 - Document final du Sommet mondial de 2005, op. cit.
Paragraphe 143
Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit
Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB,
2012-2013.
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Le droit de veto et la responsabilité de protéger
des Nations Unies
de la « responsabilité de prévenir
» est un rempart contre ces situations concomitantes à
l'état de pauvreté chronique de beaucoup d'Etats.
Il apparait alors que la responsabilité de
protéger s'enchâsse dans la sécurité humaine, et se
comprend par le biais de ses déterminants conceptuels. Elle s'inscrit
ainsi dans la même logique protectrice des droits humains fondamentaux.
Mieux, elle donne une dimension plus concrète et une valeur plus grande
à la sécurité humaine en envisageant une intervention
militaire en dernier ressort pour faire cesser des violations graves qui
portent atteinte à la dignité humaine chère à la
sécurité humaine.
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