Paragraphe 2 : Une entrave à la capacité
de décision du Conseil de sécurité
L'action des Nations Unies se déploie dans le cadre du
Conseil de sécurité considéré comme «
l'organe de l'ONU le plus capable d'organiser l'action et d'intervenir
promptement en cas de menaces nouvelles »30. Il
est vrai que cette analyse ne peut pas être entièrement remise en
cause. Toutefois, elle ne semble pas prendre toute la mesure de l'influence
exercée par le droit de veto sur le fonctionnement de cette instance.
Elle en ferait même fi. Or, les règles d'adoption des
résolutions au Conseil de sécurité sont telles qu'il
suffit qu'un membre permanent oppose son droit de veto pour paralyser son
action et annihiler toute chance d'intervention. Serge SUR met bien en avant ce
caractère bloquant du veto lorsqu'il écrit à propos de ce
droit-privilège: «(...) il est clair qu'il constitue une
entrave à la capacité de décision du Conseil, qui se
trouve hors d'état d'intervenir dès lors que son action ne
conviendrait pas à un membre permanent, quelles que soient par ailleurs
les menaces ou atteintes à la sécurité internationale
»31. Le veto apparait ainsi comme un facteur de limitation
de l'action du Conseil de sécurité qui est inhérent
à la Charte des Nations Unies.
Il faut dire que l'inaction du Conseil de
sécurité occasionnée par le vote négatif d'un
membre permanent est lourde de conséquences juridiques et politiques. En
effet, il est de notoriété publique que « (...) sa
paralysie le renvoie à l'inexistence politique et juridique : il ne peut
rien décider ni rien empêcher, et son silence rend possibles tous
les comportements, même
29- ZAMBELLI, (M.), op.cit.
30- Paragraphe 247 du Rapport du GPHN, op.cit.
31- SUR, (S.), op.cit.
Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit
Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB,
2012-2013.
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Le droit de veto et la responsabilité de protéger
des Nations Unies
les plus apparemment contraires à la Charte.
»32. Cela revient à admettre que le fonctionnement
du Conseil de sécurité dépend du bon vouloir de ses
membres permanents.
En outre, l'histoire a montré que
l'impossibilité de compter sur un consensus des membres permanents pour
déclencher une intervention a souvent porté des coups
insupportables aux droits de l'Homme. De telles situations ont à
plusieurs reprises compromis le déploiement de la responsabilité
de protéger des Nations Unies. Une illustration patente en est fournie
par le génocide rwandais qui a fait plus d'un million de morts sous les
yeux de l'ONU, incapable de faire cesser ces massacres qui, à tous
points de vue, sapaient les fondements même de l'Organisation
mondiale.
Dans un autre registre, le veto apparait non seulement comme
une entrave à l'action du Conseil de sécurité, mais, pire
encore, comme un motif apparent de violation de la Charte des Nations Unies. Ce
cas de figure a été observé dans la crise yougoslave
d'automne 1999. En effet, si ces évènements ont vu la violation
flagrante, par l'OTAN, de l'interdiction de recourir à la force en
dehors du cadre de l'ONU, la doctrine considère qu'elle s'est produite
à cause d'un dilemme presque insurmontable. C'est du moins ce que
soutient Victor-Yves GHEBALI dans son article « Le Kosovo entre la guerre
et paix » cité par VALTICOS33. Il y explique en effet
que la Communauté internationale avait épuisé tous les
moyens diplomatiques de résolution de la crise et qu'au CS on pouvait
prévoir les vetos de la Russie et de la Chine. Il considérait
ainsi que « l'infraction au droit humanitaire international pesait
moins au regard des mesures de déportation mises en place par Belgrade
»34.Un tel raisonnement est dangereux dans la mesure
où il semble faire l'apologie de l'action militaire en dehors de toute
autorisation du Conseil de sécurité, ce qui est formellement
interdit par la Charte des Nations Unies.
Quoiqu'il en soit, nous ne pouvons nous empêcher de
constater que le droit de veto est aujourd'hui une source de blocage du Conseil
de sécurité. D'ailleurs des voix se lèvent de plus en plus
pour réclamer sa suppression afin de faciliter la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger qui obéit à une logique
bien différente.
32- Ibid.
33- VALTICOS, (N.), « Les droits de L'homme, le
droit international et l'intervention militaire en Yougoslavie. Où
va-ton ? Eclipse du Conseil de sécurité ou réforme du
droit de veto », RGDIP, 2000-1, p.5-18.
34- Ibid.
Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit
Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB,
2012-2013.
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