WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le droit de véto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

( Télécharger le fichier original )
par Cheikh Kalidou NDAW
Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal - Maà®trise 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2 : La responsabilité de protéger, une notion déjà discréditée ?

La responsabilité de protéger connait des fortunes diverses au sein de la Communauté Internationale. Si cette dernière est quasi unanimement d'accord sur le concept, sa pratique n'en reste pas moins décriée. La responsabilité de protéger se présente ainsi comme une notion fortement critiquée (Paragraphe 1) et une nécessité de réformer le droit de veto (Paragraphe 2) s'imposerait pour lui redorer le blason.

98- Ibid.

99 - ABESSOLO, (S.), « Responsabilité de protéger et ordre juridictionnel international: les défis de la justice pénale internationale », Colloque sur« La prévention des conflits et la sécurité humaine en Afrique : la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger », Libreville - 20 et 21 juin 2007.

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

41

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies
Paragraphe 1 : La responsabilité de protéger, une notion fortement critiquée

Dès sa naissance, la responsabilité de protéger a fait l'objet de critiques très vives. On lui prêtait notamment une volonté déguisée des grandes puissances de s'ingérer dans les affaires intérieures des pays plus faibles. Pour ne rien arranger aux choses, ses récentes mises en oeuvre très controversées lui ont davantage attiré les foudres de ses détracteurs. Ces derniers ne manquent jamais une occasion d'essayer de la discréditer, aux yeux de l'opinion mondiale, en invoquant divers arguments naturellement peu glorieux à son égard. On lui reproche, entre autres, son instrumentalisation par certains Etats puissants, la sélectivité de sa mise en oeuvre ou encore le caractère tardif de celle-ci.

Pour certains, il existerait des limites intrinsèques à la notion de responsabilité de protéger. Ce serait notamment le cas avec sa formulation qui est jugée trop générale et donc imprécise. C'est en tout cas ce que semble penser SZUREK quand elle écrit : « par la généralité intrinsèque de sa formulation et son indétermination, la responsabilité de protéger se prête facilement à des applications beaucoup plus diversifiées que celles des crimes internationaux dont on voudrait faire son champ matériel exclusif »100.Cette imprécision de la notion est de nature à favoriser son instrumentalisation de par une interprétation extensive des résolutions autorisant des interventions sous sa bannière. Ce risque est d'autant plus grand qu'il n'existe aucun document juridique, universellement accepté, qui détermine très exactement les modalités de la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger. Pour certains auteurs, la résolution 1973 (2011) a ainsi été détournée à sa fin initiale afin de renverser le régime de Kadhafi alors qu'elle autorisait une intervention visant uniquement la protection des Civils. Pareille situation s'était produite quelques années plutôt, en 2003, avec l'intervention américaine en Iraq. Serge SUR estimait sur ce cas que la résolution « ne se donnait pas pour objectif le changement de régime en Iraq, mais encore elle subordonnait le recours à la force à la constatation par le CS de sa violation, constatation qui, comme on le sait, n'a jamais été opérée »101. Le risque reste dès lors très grand que la responsabilité de protéger soit un moyen officieux pour servir les desseins interventionnistes de quelques Etats puissants malintentionnés.

100 - SZUREK, (S.), op. cit.

101 - SUR, (S), op. cit.

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

42

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

Une autre critique adressée à responsabilité de protéger résulterait de la sélectivité notée dans son application. A ce propos, Andrea BIANCHI faisait remarquer que la responsabilité de protéger « est une arme noble en soi, mais elle est à double tranchant. Le principal danger relève de la manière sélective dont la communauté internationale risque d'appliquer le concept » et elle s'interrogeait en ces termes : « pourquoi le met-on en oeuvre en Libye et en Côte d'Ivoire et pourquoi ne le fait-on pas ailleurs où cela pourrait aussi se justifier? »102. Le cas syrien actuel, où le blocage du Conseil de sécurité empêche toute intervention, ainsi que toute situation similaire, passée ou future, sont de nature à renforcer ce sentiment de sélectivité dans la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger.

Enfin, une dernière critique consiste à dire que même si on a des interventions, afin de protéger des civils confrontés à des crimes visés par la responsabilité de protéger, celles-ci sont souvent tardives. En effet, l'intervention militaire doit être autorisée en derniers recours. La responsabilité de protéger donne la priorité à la diplomatie préventive. Cela fait que la Communauté Internationale favorise le dialogue politique entre les belligérants pour arrêter des exactions contre toute population qui en serait victime. Seulement, l'inconvénient de ce procédé est que plus on recherche une solution politique au conflit, plus une possible intervention militaire est retardée et plus le lot de victimes civiles augmente. Cela a poussé William BOURDON à penser qu'« intervenir trop tard, c'est évidemment toujours plus de morts et d'exactions. C'est prendre le risque de dresser l'acte de décès de la responsabilité de protéger »103. De plus, pour cet avocat, la responsabilité de protéger souffrirait d'une immense ambiguïté qui serait « celle d'exiger qu'une action militaire ne soit justifiée que si elle a des chances raisonnables de réussir, c'est-à-dire de faire cesser ou d'éviter des atrocités et à tout le moins, d'éviter à ce qu'elles n'aboutissent à des conséquences plus dramatiques que l'inaction »104. La responsabilité de protéger nécessiterait alors une faculté de réaction plus prompte de la des Nations Unies afin de mieux jouer son rôle. Il faut espérer que la responsabilité de protéger, à l'image du « droit d'ingérence », ne soit pas « qu'une des ultimes illusions produites par un esprit soixante-huitard à bout de souffle, un mélange de bonnes intentions et de réalisations

102 - Le Temps SA, le 13 avril 2011.

103 - Le Monde du 17 juillet 2012.

104 - Ibid.

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

43

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

foireuses »105. En d'autres termes, il est nécessaire que la Communauté Internationale donne une nouvelle impulsion à la responsabilité de protéger. Dans cette perspective, une réforme du droit de veto pourrait constituer un début de solution.

Paragraphe 2 : La nécessité de réformer le droit de veto

D'après VALTICOS, la réforme du veto s'impose. Il estime, en effet, que : « le dilemme est maintenant clair : ou bien le droit de veto sera substantiellement modifié ou bien les Nations Unies, et notamment le Conseil de Sécurité, connaitront une sérieuse éclipse dès qu'une question importante se présentera (...) »106. Il est ainsi établi que le droit de veto est de nature à annihiler la responsabilité de protéger de la Communauté Internationale de par sa promptitude à bloquer le processus décisionnel au sein du Conseil de sécurité. Sa réforme pourrait dès lors avoir un effet positif sur la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger qu'elle pourrait contribuer à rendre plus effective. Toutefois, il ne s'agirait pas de réformer pour le faire, mais plutôt pour donner au Conseil de sécurité les possibilités de s'acquitter, avec diligence et efficacité, de sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Plusieurs propositions de réforme du Conseil de sécurité incluant inéluctablement celle de l'usage du droit de veto ont été faites par certains auteurs. Il faut reconnaitre qu'en ce domaine la doctrine est particulièrement prolixe. Toutefois, nous ne voudrions retenir, ici, que celles d'entre elles qui nous semblent être de nature à pouvoir aider à une meilleure mise en pratique de la responsabilité de protéger. Dans cette perspective, hormis un engagement des membres permanents à renoncer à l'exercice de leur veto dans certaines circonstances, la réforme du veto se présenterait sous la forme d'une alternative : soit on supprime purement et simplement le droit de veto soit on le modifie de manière substantielle.

La suppression du droit de veto est une entreprise aux lendemains incertains. Outre l'attachement marqué des membres permanents à ce privilège, l'absence de veto au Conseil de sécurité serait de nature à générer des tensions au sein de l'Organisation mondiale et pourrait même détruire le système onusien. C'est ce que pense SUR selon qui si le droit de veto n'existait pas « il serait possible à une majorité d'imposer ses décisions contre l'opposition de certains membres permanents. Mais le prix à payer serait lourd : les membres visés ne s'inclineraient

105 - DEFARGES, (Ph. M.), op. cit. p. 168

106 - VALTICOS, (N.), op. cit.

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

44

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

vraisemblablement pas, et l'on aggraverait la crise au lieu de la résoudre »107. Une telle crainte peut se comprendre aisément. Elle n'est cependant pas un argument suffisant pour écarter la suppression du veto. En effet, cette suppression supposerait l'assentiment de tous les membres permanents qui, de facto, seraient d'accord à ce que les décisions se prennent à la majorité des voix. Leur propre volonté manifestée équivaudrait alors à une autolimitation qui les empêcherait de refuser les résolutions adoptées sur cette base. Il reste toutefois que même si une telle réforme du droit de veto est de nature à faciliter la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger, elle est difficile à réaliser car elle supposerait une révision de la Charte des Nations Unies. Or, cette dernière ne peut être modifiée que par des amendements qui doivent être « adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de l'Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité »108. Dès lors, la question reste entière car aucune révision de la Charte ne pourra être opérée sans l'accord unanime des cinq membres permanents. Décidément, l'abolition du droit de véto constitue un chemin aussi incertain que celui de Sisyphe et son rocher.

A défaut d'une suppression du droit veto, sa modification apparait comme nécessaire pour permettre au Conseil de sécurité de pouvoir s'acquitter de sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales avec diligence. Pour se faire, il est primordial que soient modifiées les modalités d'adoption des résolutions. Un tel argument est défendu par certains auteurs dont VALTICOS qui écrit : « un système différent, comme une méthode de vote qualifié, qui tienne compte de l'importance des Etats, calculée sur la base de plusieurs facteurs - et qui ne se contente pas, pour admettre un veto, de l'opposition d'un seul des Etats considérés - devrait pouvoir permettre au Conseil de sécurité d'éviter dans une plus grande mesure les impasses et d'assumer davantage le rôle qui lui a été assigné »109. BOUTROS-GHALI aborde dans le même sens en considérant que « l'accroissement du nombre de voix nécessaires à la décision d'intervention du conseil de sécurité peut se révéler, à l'évidence, un moyen efficace de renforcer le poids des membres non permanents en leur donnant la possibilité d'user d'un veto collectif, ce qui permettrait d'éviter qu'un seul Etat, quel qu'il soit, puisse, comme actuellement,

107 - SUR, (S.), op. cit.

108 - Art. 108 de la CNU.

109 - VALTICOS, (N.), op. cit.

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

45

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

bloquer le processus décisionnel»110.Ces arguments ne s'opposent pas à l'élargissement du Conseil de sécurité à d'autres membres. Toutefois, la réforme devrait éviter de conférer le droit de veto à d'autres membres. A l'évidence, cela risquerait de rendre le processus de décision encore plus aléatoire si l'on sait déjà que les membres permanents s'en servent souvent pour la défense de leurs intérêts nationaux au mépris de certaines urgences humanitaires.

Aussi, un changement des modalités d'adoption des résolutions du Conseil est souhaité. La pratique a déjà fait un grand pas en ne considérant plus l'abstention d'un membre permanent comme un vote négatif. Cependant, il est assez problématique que l'opposition d'un seul veto puisse empêcher une intervention et laisser perpétrer des massacres qui choquent la conscience humaine. Pour donner plus de chance à la responsabilité de protéger, il serait salutaire qu'une réforme exige au moins l'opposition de deux vetos pour rejeter un projet de résolution en matière humanitaire.

De telles réformes seraient d'un apport incommensurable pour l'effectivité de la responsabilité de protéger. Elles permettraient à toute l'humanité de pouvoir vivre dans un monde plus sûr avec des libertés plus grandes, assorties de garanties plus fortes de paix. Seulement, ce ne sont pas les propositions de réforme qui manquent, mais plutôt la volonté politique de les réaliser. Les membres permanents du Conseil de sécurité ne semblent pas être trop enclins à partager leur privilège du veto encore moins à y renoncer de peur de voir leur influence dans le monde diminuer. Tout cela est de nature à renforcer le pessimisme autour d'une éventuelle réforme du Conseil de sécurité et du droit de veto. C'est pourquoi d'ailleurs certains pensent que « la réforme ne se fera pas. Elle demeurera un thème d'études et de débats, mais elle est irréalisable à échéance prévisible, ne serait-ce que parce qu'elle suppose le consentement unanime des cinq membres permanents »111. Ce qui serait bien dommage pour l'avenir de la responsabilité de protéger.

110 - BOUTROS-GHALI, (B.), op. cit.

111 - SUR, (S.), op. cit.

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

46

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon