1.2. REVUE DE LA LITTERATURE
Le risque infectieux nosocomial existe partout où l'on
regroupe des hommes pour les soigner, ce concept est donc universel. S'il est
désormais admis et activement combattu dans les pays médicalement
développés, la situation n'est pas encore prise en compte dans de
nombreuses régions du monde plus démunies dans le domaine de la
santé (31).
En Afrique intertropicale, ce risque peut sembler marginal en
comparaison avec les grands problèmes de santé publique tels que
la malnutrition, les infections infantiles, le paludisme, le sida, les
pathologies liées à la violence... En réalité,
l'importance des infections nosocomiales n'y est quasiment pas
évaluée (31).
Ainsi, dans les pays industrialisés, la
prévalence des infections nosocomiales varient entre 5 et 15% alors
qu'elle atteindrait 25% dans les pays en développement (30).
Aux USA, les IN sont responsables de 80.000 morts par an,
faisant d'elles l'une des dix premières causes de décès
(31). A partir des données de surveillance Nord Américaines
(NNISS), la mortalité par infection associée aux soins dans les
hôpitaux de plus de 500 lits est estimée à 3,3% des malades
qui en sont atteints, la proportion des décès directement
attribuables aux IN était de 0,5% (32). Les pneumopathies chez un malade
en réanimation multiplient par 4 le risque de décès. Le
coût direct des IN est évaluer à près de 10
milliards $US par an aux Etats -Unis (30).
Au Canada, près de 200 000 patients contractent une
infection nosocomiale chaque année. Le coût direct des IN est
évaluer à plus de 750 millions $CA par an (30).
En France, on estime que les infections nosocomiales sont la
cause directe de plus de 3 500 décès par an [33]. L'enquête
nationale de prévalence de l'infection nosocomiale menée en
2001dans ce pays, avait retrouvé que la présence d'une
immunodépression était associée de façon
significative à une fréquence accrue d'infection. Cette
enquête avait retrouvé également un lien entre la pratique
de certains actes invasifs et la survenue d'infections nosocomiales
spécifiques. Les
55
Théo. MITIMA K., Mémoire de Maitrise en
santé publique, 2e promotion SACO
infections urinaires étaient 13 fois plus
fréquentes chez les malades sondés que chez les malades non
sondés et les patients porteurs d'un cathéter étaient 2
fois plus souvent porteurs d'une infection sur cathéter que les patients
qui n'avaient pas de cathéter (33).
En Belgique, la létalité associée aux
septicémies associées aux soins est de 32,7% (32). La
létalité des bactériémies liées aux
cathéters veineux varie de 8 à 40%.
Au Maroc, une enquête nationale menée en 1994 sur
les infections nosocomiales avait révélé un taux de
prévalence de 14 %. En 2007, une nouvelle étude menée au
CHU Hassan II de Fès a montré un taux de prévalence de 6,7
%. Dans cette étude, les infections du site opératoire
étaient les plus fréquentes. Aucune infection sur cathéter
n'a été notée. Les principaux micro-organismes
isolés étaient Escherichia coli, Klebsiella pneumoniæ
et Candida albicans. La survenue d'une infection nosocomiale
était significativement liée à l'intervention chirurgicale
(p = 0,005), à la mise en place d'une sonde urinaire (p = 0,002) ainsi
qu'à un séjour hospitalier dépassant trois semaines (p =
0,04) [27].
En Tunisie, une enquête nationale de 2005 avait
retrouvé une association entre la survenue d'une infection nosocomiale
et un certain nombre de facteurs intrinsèques aux patients tels que le
diabète (OR= 1,3 ; p=0,01), la dénutrition (OR= 2,6 ;
p<10-8), l'immunodépression (OR=1,8 ; p = 0,0003) et la
neutropénie (OR= 4,2 ; p= 10-8). Elle avait retrouvé
également une association entre la survenue d'une infection nosocomiale
et la pratique de certains actes invasifs tels que le sondage urinaire (OR=
2,8; p< 10-8), le cathéter vasculaire
périphérique (OR= 1,7 ; p= 10- 8), le cathéter
vasculaire central (OR=5,0;p<10-8) et l'intervention chirurgicale
(OR= 2,3 : p< 10-8) (34).
Au Sénégal, selon une étude menée
au CHU-Fann de Dakar entre 1992 et 2001, note que la mortalité
maternelle chez les césarisées aurait diminué de 1,4
à 0,8 % mais la morbidité postopératoire reste
élevée, autour de 10 %, essentiellement due à l'infection
de la plaie opératoire (35).
Au Mali, une étude prospective portant sur 631 patients
opérés, hospitalisés et surveillés dans le service
de chirurgie pédiatrique et aux urgences
55
Théo. MITIMA K., Mémoire de Maitrise en
santé publique, 2e promotion SACO
chirurgicales du CHU Gabriel Touré a montré un
taux global de complication postopératoire de 7,5%. L'infection
postopératoire a été la complication la plus
fréquente (40,4%) et l'infection du site opératoire
représentait 27,6% de ces complications. Le taux de mortalité
était estimé à 25.5% de cas des complications. Les
différentes complications postopératoires (infectieuses et non
infectieuses) avaient comme facteurs de risques : l'urgence et le score
American Society Anesthesiologists (ASA) = II (28).
Au Burundi, une étude sur les complications post
opératoires effectuée au CHU Kamenge sur 2218 interventions
pendant une période de 5 ans a montré que 154 patients
présentaient des suites septiques en post opératoire. Les
infections pariétales, les ostéites et l'infection urinaire
représentaient la majorité des manifestations septiques. Les
principaux facteurs entraînant l'infection sont l'âge, la carence
nutritionnelle, le déficit immunitaire et les tares associées.
Les germes en cause sont essentiellement le staphylocoque pour la chirurgie
osseuse, l'Escherichia coli pour la chirurgie viscérale et
urologique (36). Une autre étude rétrospective effectuée
dans ce même pays sur les infections post opératoires en chirurgie
osseuse avait trouvé 59 infections post opératoires sur un total
de 752 interventions osseuses représentant 7,8 % des cas (37). Les
ostéites et les infections superficielles des parties molles
représentaient les principales manifestations cliniques. Le
Staphylococcus aureus était le germe
régulièrement retrouvé. Ces infections alourdissent le
coût des soins en augmentant la durée de l'hospitalisation et la
consommation des antibiotiques (37).
Une étude menée à l'University
Teaching Hospital de Lusaka en Zambie et aux Cliniques Universitaires de
Lubumbashi en RD Congo en mars 2007, visait à déterminer la
séroprévalence du SIDA des patients chirurgicaux et à
évaluer les suites opératoires précoces des cas
dépistés, traités ou non, analysant la mortalité,
la réintervention précoce, l'infection, la durée du
séjour hospitalier, l'évolution de l'infection virale et celle de
l'acte opératoire abdominal. La séroprévalence du SIDA
s'est révélée plus élevée en milieu
chirurgical que dans la population générale. Il n'y avait pas de
différence significative de la mortalité postopératoire
entre sidéens sous traitement et non-sidéens. L'infection virale
non traitée allongeait
55
Théo. MITIMA K., Mémoire de Maitrise en
santé publique, 2e promotion SACO
significativement le séjour hospitalier et favorisait
l'infection du site opératoire. La morbidité liée à
l'affection chirurgicale et à la chirurgie était importante chez
les sidéens, particulièrement chez ceux non encore traités
et surtout en cas d'interventions majeures (38).
A Bukavu, en RDC, la campagne menée à l'HPGRB en
2004 avait comme objectifs d'évaluer les effets d'une campagne de
promotion de l'hygiène des mains sur l'application de cette technique,
d'améliorer les connaissances du personnel soignant en prévention
des infections nosocomiales. De cette campagne, on a noté une
augmentation hautement significative de 36% (p=0.003) de l'application des
mesures d'hygiènes des mains passant de 9% à 45%. Le recours au
lavage des mains après la campagne avait augmenté de façon
significative avec le ratio infirmière / patient (p=0.04) (30).
|