Le texte promotionnel culturel( Télécharger le fichier original )par David LEGOUPIL Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007 |
5. Entre publicité et critique, des « airs de famille » variablesTerminons le parallèle en essayant de résoudre un dilemme catégoriel. Le TPC a-t-il davantage à voir avec le discours publicitaire ou le genre de la critique journalistique ? Pour Sophie Moirand, le fonctionnement de l'écriture critique suit un mouvement qui va de l'information à la suggestion46(*). L'universitaire fait précisément de la suggestion le point de rupture entre le discours critique et le discours publicitaire. Ainsi elle affirme que « le rôle du critique ne peut-être confondu avec celui du publicitaire, et ce qui est persuasion pour celui-ci n'est que suggestion pour le premier»47(*). Cette remarque nous intéresse au premier chef puisqu'elle nous amène à nous interroger sur la véritable parentèle du TPC. Ce dernier tend-il davantage à « persuader » et est-il donc à ranger aux côtés du discours publicitaire ? Au contraire, « suggère »-t-il plus et penche-t-il donc plutôt vers la critique journalistique ? Sur le fond, le TPC est évidemment à rapprocher du discours publicitaire puisqu'il promeut, c'est-à-dire cherche à présenter au lecteur un objet désirable, dans une visée pragmatique (achat d'une place ou simple fait de venir au spectacle dans le cas d'une manifestation gratuite). Dans la forme, en revanche, seule l'analyse attentive de la modalisation à l'oeuvre dans chaque TPC peut permettre de dire, suivant la distinction de Sophie Moirand, s'il tend, comme la publicité, à persuader (étymologiquement : attirer à soi par la douceur) ou à suggérer, c'est-à-dire à proposer, à inviter comme le ferait le critique journalistique. Toutefois, la distinction entre persuasion et suggestion nous apparaît ténue et, à dire vrai, source de confusion. En effet, si la persuasion est clairement affaire de séduction, le mot « suggestion », suppose dans son acception moderne, d'après le Petit Robert, à la fois l'idée de conseil ou de proposition et l'idée d'insinuation, de sous-entendu, rejoignant ainsi le sens de l'étymon latin suggere qui signifie « porter sous ». Ainsi, persuasion et suggestion ne sont pas si éloignées et ont toutes les deux un lien avec l'idée de ruse et d'artifice (pour parler négativement), d'habileté, de technicité, bref de rhétorique (si l'on préfère user de mots plus neutres). 6. Le TPC, un genre qui, comme la critique, « informe » et « donne un avis »Afin d'approfondir notre définition du TPC par la confrontation avec ce genre proche, on suivra le travail de définition de la critique journalistique conduit par Sophie Moirand. Pour elle, le critique joue un rôle dans ce qu'elle appelle « l'univers médiatique ». Journaliste spécialiste, par exemple, de cinéma, de théâtre ou de littérature, il a pour fonction d' « informer » (fonction informative) et de « donner son avis » (fonction évaluative) mais aussi de « dire aux lecteurs » si le film, la pièce, le livre « vaut la peine » d'être vu /lu ou non (visée communicative). Son travail consiste dans « le choix des éléments qu'on décrit, le choix des mots qui décrivent, le choix de ce qu'on évalue et le choix des formes de ces évaluations ». Ces choix « concour[ant] à justifier cette visée d'ordre pragmatique: suggérer de consommer ou de ne pas consommer» 48(*). La démarche du rédacteur de TPC est très proche. En effet, lui aussi « informe » et « donne un avis », quoique biaisé par la loi du discours promotionnel. Lui aussi retient des éléments qu'il décrit, choisit pour cela certains mots plutôt que d'autres, certaines formes plutôt que d'autres (la description, le récit), évalue l'ensemble ou une partie du spectacle ou de l'exposition, opère des choix quant « aux formes de ces évaluations » (juger, comparer...), à ceci près donc (mais le détail est de taille...) que ce choix doit, par nature, être restreint au champ de la modalisation méliorative. On trouve d'autres traits communs entre ces deux genres, du point de vue du choix du type textuel comme du point de vue stylistique. Ainsi tous deux optent souvent pour une combinaison du compte-rendu («texte mettant en relief l'information» par une «énonciation objectivée»49(*)) et de l'évaluation («texte où l'expression de l'opinion domine», qui ressortit à l' « énonciation subjectivée »). De plus, nous le verrons, l'usage d'un langage esthétisant et le recours à la comparaison-référence sont au coeur de l'écriture des deux genres. * 46 MOIRAND Sophie, idem. * 47 MOIRAND Sophie (1990), op. cit, « Se mettre dans son texte : les évaluations des critiques de presse », chapitre 4, p. 97. * 48 MOIRAND Sophie (1990), op. cit., p. 97. * 49 GROSSE Ernest-Ulrich (2001), op. cit., propos de Sophie Moirand cités par E-H Grosse, p. 30. |
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