B. Les autres services du pénitencier
Le quartier des hommes comme celui des femmes donne sur la
grande cour intérieure du pénitencier. Il faut également
noter que du coté du quartier des hommes se trouve un bureau de
discipline qui s'occupe du respect du règlement intérieur du
centre. Après la traversée de la grande cour, l'on se trouve en
face d'une infirmerie dotée d'un réfrigérateur, d'un
bureau de l'infirmier et d'une salle d'hospitalisation avec de nombreux lits
métalliques. Cet arsenal, à n'en pointe douter, montre que le
camp de Mantoum est un véritable centre de concentration taxé par
certains de "Ministère de rééducation
nationale"71. L'infirmerie de la prison de Mantoum est
étudiée en détail au chapitre 3 du présent
travail.
Le Centre de Rééducation Civique de Mantoum va
ainsi exister jusqu'en 1975, année de sa transformation en prison de
production en respect des nouvelles dispositions du décret de 1973
portant régime pénitentiaire au Cameroun. Cette mutation est
consécutive à la disparition des activités terroristes de
treize ans après l'indépendance dans plusieurs localités
du pays72. Que ce soit dans la Sanaga-Maritime, dans la
Région Bamiléké et dans des zones soumises à
l'état d'urgence, on note une baisse considérable de
l'insécurité prouvant que le régime d'Ahidjo avait
anéanti, le plus souvent par des méthodes peu orthodoxes, les
dernières poches de rébellion qui essaimaient sur tout le pays.
Sur un autre plan, le besoin en infrastructures carcérales se faisait
sentir de plus en plus. Ces raisons ont sans doute poussé le
régime Ahidjo à changer son fusil d'épaule en mettant un
terme à l'existence du CRC de
71 Félix Ebolé Bola "Mantoum : Le
Ministère de la rééducation nationale", Les Cahiers de
Mutations, N°025, octobre 2004, p.4.
72 Il s'agit des insurgés comme Yetna Leba dans
l'arrondissement de Ndom et Ngambé, de Makandepouthe dans la Sanaga
Maritime. Dans cette rubrique, entrent le chef Baham Pierre Kamdem Ninyim et
surtout Ernest Ouandié, exécuté sur la place publique
à Bafoussam le 13 Janvier 1971.
49
Mantoum qui désormais reçoit les prévenus
et détenus de droit commun : c'est l'avènement de la prison de
production de Mantoum.
C. La prison de production de Mantoum (1975-1992)
L'avènement de la prison de production de Mantoum
s'inscrit dans le contexte de la baisse considérable du degré de
l'insécurité dans plusieurs localités du Cameroun autour
des années 1970. Selon Martin Messing," c'est la permanence de
l'insécurité qui a retardé pendant un temps assez long la
réalisation d'une réforme pénitentiaire au Cameroun
post-indépendant"73. Ainsi, le calme et la
sécurité retrouvés, le gouvernement camerounais va
s'engager dans la voie du changement en réalisant sa toute
première reforme pénitentiaire le 11 décembre 1973. Ce
texte édicte désormais les principes et les actions devant
gouverner l'exécution des sentences privatives de liberté en
matière pénitentiaire au Cameroun. Bien avant cette reforme, les
bases légales du régime pénitentiaire au Cameroun
étaient constituées par l'arrêté du 08 Juillet 1933.
Le décret n°73/774 du 11 décembre 1973 viendra donc
systématiser l'institution pénitentiaire au Cameroun et au terme
des dispositions dudit décret, on distingue quatre catégories de
prisons parmi lesquelles les prisons de production. Alors que ces types de
prisons fonctionnent sur l'ensemble du triangle national dès 1973, il
faut attendre 1975 pour que la prison de production de Mantoum soit
créée, ceci à la faveur de l'arrêté
n°287 du 17 décembre 1975 du Ministre de l'Administration
Territoriale, le Sieur Victor Ayissi Mvondo74.
La prison de production de Mantoum dans son ensemble
hérite des infrastructures du fameux CRC de Mantoum. Elle abrite
désormais les détenus de droit commun et les récalcitrants
venant d'autres pénitenciers du pays. Les pensionnaires doivent
participer par leur travail, à l'effort national du
développement. Dans cette optique, la prison dispose d'un champ
73 Martin Messing, 70 ans, employé de bureau à la
retraite, Yaoundé, 21.04.2010.
74 JORUC n°161 du 1er Février 1976,
p80.
50
communautaire qui permet de pallier aux difficultés de
ravitaillement en vivres et d'autres nécessités importantes.
Afin de veiller à son fonctionnement, la prison de
production de Mantoum est dirigée par un régisseur. Son tout
premier régisseur, Monsieur Agiam Vizenigho Ivo Engelbert, intendant des
prisons, l'administre du 27 septembre 1976 au 24 octobre 197775.
Après lui, six autres régisseurs suivront et ce jusqu'en 1992,
année de la réalisation de la deuxième reforme
pénitentiaire du Cameroun qui fait de la prison de production de Mantoum
une prison principale avec pour premier régisseur le sieur Gabriel
Tchameni arrivé le 16 juillet 199276. Parallèlement,
de nouveaux bureaux permettant la gestion quotidienne du pénitencier
sont crées et concernent aussi toutes les prisons principales du pays.
Ainsi au terme de l'article 14 du titre premier, chapitre deuxième,
section 3 du décret n°92/052 du 27 mars 1992, les prisons
principales disposent de quatre bureaux qui sont :
- Le bureau de la discipline ;
- Le bureau de l'action sociale, des activités culturelles
et éducatives ; - Le bureau des affaires administratives, du personnel
et du greffe ; - Le bureau des affaires financières.
Au terme de ce chapitre, nous sommes en droit de dire que les
prisons de Dschang et de Mantoum ont connu des destins très
différents même si l'objectif final de leur création
était l'incarcération des déviants sociaux.
Créé sous le régime colonial allemand, le
pénitencier de Dschang n'a pas connu de réels changements sous
l'ère coloniale française. En effet, les Français qui
prennent en main le Cameroun au lendemain de la Première Guerre mondiale
ne procèdent pas à la construction de nouvelles prisons. Ils
s'approprient plutôt les anciennes structures allemandes. Le milieu
carcéral ne déroge pas à cette règle car "pour une
grande majorité d'entre elles et surtout les plus importantes, les
75 Tableau synoptique des dirigeants de la prison de Mantoum.
76 Ibid.
51
Français héritaient des prisons construites par
les Allemands"77 aux fins de réduire au silence toute
opposition à leur projet colonial et comme "la prison coloniale a
été une réponse ou une solution au problème de la
main-d'oeuvre"78, l'administration française après
quelques aménagements créé de manière officielle le
centre de détention de Dschang appelé "prison civile de Dschang"
en 1927. Ce vocabulaire n'occulta en rien les missions premières de ce
pénitencier qui devient à l'ère postcoloniale une prison
de production (1973) puis principale (1992) avec la même architecture.
La prison de Mantoum quant à elle est construite
après l'accession du Cameroun à la souveraineté
internationale pour résoudre un problème ponctuel : celui de
l'insécurité orchestrée par les activistes de l'Union des
Populations du Cameroun. C'est donc dans un contexte de crainte et de terreur,
sous le prétexte du maintien de l'ordre et la sécurité
publics, que le régime Ahidjo crée le Centre de
Rééducation Civique de Mantoum en 1962 dans le but de donner une
nouvelle éducation à ceux qui s'opposent à sa politique et
dont l'objectif est surtout de les réduire au silence et les amener
à respecter les institutions républicaines. Globalement, "cette
institution était simplement et purement une prison politique au service
du régime en place".79 Il Faut attendre 1975 pour que le
centre de Mantoum devienne une prison de production tout en gardant la
même infrastructure que celle du CRC. Avec la deuxième reforme
pénitentiaire de 1992, on parle désormais de la prison principale
de Mantoum qui est en réalité un bassin de réception des
détenus venant d'autres prisons du territoire80. Il est par
ailleurs important de signaler que le CRC de Mantoum tout comme celui de
Tcholliré a réduit au silence de nombreuses vies et poussé
d'autres à l'exil. C'est dans ce contexte que les propos suivants de
Blaise-Pascal Talla résument le règne du président Ahidjo
:
77 Alioum ; "Les prisons au ...", 2006, p.552.
78 Ibid, p.400.
79 Ngbayou ; "Le Centre de ..." 2004-2005, p.69.
80 Ibid.
81 Blaise-Pascal Talla, " Cameroun : Chronique d'une
transformation politique", in Marchés nouveaux, n°13,
Août 2003, p.46.
52
Lorsqu'il démissionne de ses fonctions de chef de
l'Etat, le 04 Novembre 1982...des générations entières de
Camerounais avaient été soit contraintes à l'exil, soit
placées dans des prisons spécialement aménagées
pour "redresser" les esprits indépendants qui avaient eu l'audace de
s'opposer aux politiques menées par l'UNC. Des milliers d'autres
"opposants assoiffés de pouvoir" - selon la rhétorique officielle
de l'époque - avaient été exécutés ou
avaient péri dans des conditions non
élucidées81.
La prison en tant qu'un milieu clos génère
toujours des problèmes de santé. C'est pourquoi de nombreux
textes organiques nationaux et internationaux protègent les droits des
détenus à la santé. Ces instruments juridiques
s'articulent autour des différentes législations nationales et
internationales destinées à préserver la santé des
détenus.
53
CHAPITRE II : LES LEGISLATIONS NATIONALES ET LES CONVENTIONS
INTERNATIONALES SUR LA PRESERVATION DE LA SANTE DES DETENUS
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54
Les personnes incarcérées conservent leur droit
fondamental à jouir d'une bonne santé, physique et mentale, et
conservent par conséquent leurs droits à recevoir un niveau de
soins médicaux équivalent à celui qui est fourni dans la
communauté à l'extérieur de la prison. Le droit à
la santé concerne tous les détenus, qu'ils soient en
détention provisoire (en attente d'un procès, d'une condamnation)
ou condamnés. Des instruments juridiques nationaux et internationaux
protègent tous les individus, notamment les détenus contre les
atteintes flagrantes à leur santé et à
l'intégrité de leur personne. Le présent chapitre a pour
objectif d'attirer l'attention sur le fait qu'en raison de la
vulnérabilité particulière des personnes
incarcérées, il existe des règles internationales et
nationales destinées à protéger leurs droits aux soins de
santé.
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