CHAPITRE I : PRESENTATION GENERALE DES PRISONS DE
DSCHANG ET DE MANTOUM
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Dschang et Mantoum sont deux localités situées
dans la région de l'Ouest-Cameroun. Mais la particularité de ces
deux localités réside dans le fait que la première est le
chef-lieu du Département de la Menoua alors que la seconde est tout
simplement un village de l'Arrondissement de Malantouen dans le
Département du Noun. Mantoun est situé à 76 km de Foumban
et à 11 km de l'arrondissement de Malantouen1. Mantoum qui
signifie "terre de nourriture" est le site de la prison dont le domaine est
à cheval sur deux villages2.
Dschang est devenu à la faveur du décret du 08
avril 1935 de Repiquet, Haut-commissaire Français au Cameroun le
chef-lieu de la région bamiléké3. En 1959, il
perdit son statut de capitale de l'Ouest-Cameroun au profit de
Bafoussam4.
Si la prison est avant tout un "lieu de détention
où sont enfermés les prévenus et les
condamnés"5 , on peut aussi voir en elle, un "lieu de
rassemblement de personnes d'horizons divers, de différents statuts
socioprofessionnels et de sexes différents"6 qui ont rompu
l'harmonie sociale en transgressant les lois. C'est dans cette optique que le
pouvoir colonial a créé la prison de Dschang en 1927.7
La prison de Mantoum plus connue sous le nom de Centre de
Rééducation Civique (CRC) est créée en 1962 par les
pouvoirs publics camerounais8.
1 Entretien avec Ibrahim Njoya, 48 ans, R.A.P.P.M, Mantoum,
17.08.2009. A. Mukong parle plutôt de 88 kilomètres (voir A.
Mukong, Prisoner Without a Crime, Paris, Nubia press, 1989).
2 Ibid.
3 ANY NF729/1 Cameroun- administration, 1916-1946.
4 E.K.Yemefak, "Fidèle Vougmo : l'homme et l'oeuvre
(1933 - 2005), essai d'analyse historique", Mémoire de Maîtrise en
histoire, université de Yaoundé I, 2004 p.49.
5 Dictionnaire universel, Paris, Hachette/Edicef, 2002,
p.975.
6 Alioum, "Les prisons au ...", 2006, p. 532.
7 Rapport de la visite de la section camerounaise de l'OIP
à la prison de Dschang, 27 septembre 1996, inédit, p.1.
8 Ibrahim Njoya, 48 ans : R.A.P.P.M. Mantoum, 17.08.2009
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Le présent chapitre met en exergue la création
et l'évolution des deux pénitenciers tant sur le plan
architectural qu'infra structurel. La photographie qui suit présente une
vue partielle de l'entrée principale de la prison de Dschang.
Photo N° 1 : Entrée principale de la prison
de Dschang
Source : Guy Roger Voufo, 26 Mai 2010 à
Dschang
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I. LA PRISON DE DSCHANG
Après la création de la ville de Dschang en
19079 par les Allemands,
plusieurs infrastructures ont été construites
pour le règlement des affaires publiques. La prison de Dschang est l'une
de ces infrastructures. Elle servait à emprisonner les déserteurs
des travaux dits d'utilité publique, les récalcitrants et tous
ceux qui refusaient de s'acquitter des différentes taxes exigées
par l'administration coloniale allemande10.
A- Evolution
La prison de Dschang construite par les Allemands en
190711 apparaît comme la toute première structure de
détention de la Région Bamiléké. Dschang en tant
que chef-lieu de la circonscription avait également le monopole de
contrôle sur les autres circonscriptions environnantes.12
Les Français, dans leur politique d'exploitation
économique, allaient s'approprier des prisons laissées par les
Allemands. Comme l'écrit Alioum, "pour une grande majorité
d'entre elles et surtout les plus importantes, les Français
héritaient des prisons construites par les Allemands"13. Et
parce que "la prison coloniale a été une réponse ou une
solution au problème de la main - d'oeuvre"14, les
Français ne dérogèrent pas à la règle en
créèrent officiellement la prison de Dschang en
192715.
Celle-ci est implantée en plein coeur du quartier
administratif, traduisant de ce fait l'option sécuritaire qui se
résume à la surveillance étroite des détenus
9 Zacharie Saha "Le Bezirk de Dschang : relations entre
l'administration coloniale allemande et les autorités traditionnelles
(1907 - 1914), " Mémoire de Maîtrise en histoire,
université de Yaoundé I, 1993, p.4.
10 Théodore Kumé Kigha, 39 ans, Régisseur
Prison Principale de Dschang, entretien du 14.12.2009 à Dschang.
11 ADD. F4. Prison de Dschang et divers, 1956.
12 Yemefak, "Fidèle Vougmo ", 2004,
p.49. 13Alioum, "Les prisons au..." 2006, p.552.
14 Ibid. p.400.
15 Rapport de la visite de la section Camerounaise de l'O.I.P
à la prison de Dschang, le 27 Septembre 1996, inédit, p1.
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pour qu'ils ne s'évadent pas16.
Conçue à l'origine pour une capacité d'accueil de 100
prisonniers environ, la prison de Dschang en abrite en permanence de 150
à 18017. En 1956, l'effectif était de 185
pensionnaires18, mais après l'accession du Cameroun à
la souveraineté internationale, elle connaît une inflation
inégalée puisqu'en 1965, la population y est de 265 et passe
à 320 en 197519. Cette situation s'explique par la permanence
des troubles et des violences orchestrées par les "rebelles" et surtout
par le respect scrupuleux des termes de l'ordonnance présidentielle du
04 octobre 1961 relative à l'état d'urgence et celle
n°62/01/18 du 11 mars 1962 portant répression de la subversion.
Dans les années 19901992, la population carcérale y oscillait
entre 200 et 350 détenus environ20.
Depuis sa création, la prison de Dschang évolue
selon les termes de l'arrêté colonial de 1933 puis de la
réforme pénitentiaire du 11 décembre 1973. En dehors de
quelques manquements, de carences et de défaillances constatées,
elle a tout de même fonctionné comme lieu indiqué
d'amendement de ses pensionnaires.
Conformément aux termes de l'arrêté du 8
juillet 1933 portant réglementation du régime
pénitentiaire au Cameroun et du décret n°73/774 du 11
décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun, la
prison de Dschang a connu jusqu'en 1992, date de réalisation de la
deuxième réforme pénitentiaire camerounaise, trois
dénominations. Bien que cela ne change en rien les pratiques originelles
qui sous tendent la fonction de la prison, la première parle de la
Prison Civile de Dschang, la seconde celle de la Prison de Production de
Dschang et la troisième relative à la Prison Principale de
Dschang. La localisation de la Prison de Dschang nous est donnée par la
photographie suivante.
16 Alioum, "Les prisons au.... " 2006, p.552.
17 ADD. F4 prison de Dschang et divers ,1956. En juillet 1956, un
contingent de détenus politiques venu de Nkongsamba augmenta l'effectif
à 200 pensionnaires.
18 Ibid
19 APPD, registres d'écrou, 1965-1975.
20 APPD, registres d'écrou 1990-1992.
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Carte N° 2 : Localisation de la prison de Dschang
dans le Département de la Menoua
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1. La prison civile de Dschang (1927-1973)
Ancienne maison d'arrêt construite par les Allemands, la
prison de Dschang prend le nom de prison civile de Dschang en 1927,
année officielle de sa transformation par les autorités
administratives françaises. Pour mieux comprendre le terme `'civil»
employé par les autorités coloniales, Peter Afonagu Etavé
déclare :
La prison civile se réfère uniquement à
l'incarcération des personnes qui ne portent pas de tenues d'un corps
particulier de l'armée, de la police et de la gendarmerie. Ce sont des
citoyens ordinaires, prévenus et condamnés de droit commun qui y
purgeaient leurs peines. A la différence des personnes chargées
des forces de défense et de maintien de l'ordre et la
sécurité publique qui purgeaient
leurs peines dans des centres pénitentiaires
appropriés21.
Il ressort de cette déclaration de Peter Afonagu que la
prison civile de Dschang ne recevait que les détenus de droit commun
ayant enfreint des lois établies par l'ordre colonial. Longtemps
après l'accession du Cameroun à l'indépendance, le centre
pénitentiaire de Dschang gardera la même
appellation.22
Au - delà de l'incarcération des prisonniers de
droit commun, la prison de Dschang a eu à abriter en 1956 des
détenus politiques, tous de l'UPC (Union des Populations du Cameroun).
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En 1960, le Cameroun accède à la
souveraineté internationale. A la faveur de l'état d'urgence
auquel le Département de la Menoua est soumis, la prison civile de
Dschang va connaître une croissance exponentielle de sa
population24. A cet effet, elle devient la structure publique la
plus surveillée du Département. Elle change de nom à la
faveur de la réforme pénitentiaire de 1973
21 Entretien avec Peter Afonagu Etavé, chef BAAPG, PPD,
Dschang. 03.02.2010.
22 Ibid.
23 ADD. F4 prison de Dschang et divers, 1956.
24 Entretien avec Christophe Tsafack, 89 ans, planteur, Bafou,
16.01.2010.
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pour devenir une prison de production tout en gardant le
même bloc de détention25.
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