CONCLUSION GENERALE
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Au terme de notre analyse, il convient de souligner qu'en
intitulant notre étude : "Les pouvoirs publics camerounais et la
santé des détenus : le cas des prisons de Dschang et de Mantoum,
1960 - 1992", nous avons voulu jeter un regard critique sur les prisons
camerounaises en général et celles de Dschang et da Mantoum en
particulier.
Pour mener à bien notre analyse et apporter des
réponses à notre problématique, une présentation
claire desdites prisons a été faite dans le premier chapitre de
notre étude. Ainsi, il ressort de l'exploitation des données et
des analyses effectués que ce sont les enjeux de sécurité
publique et le souci d'obtention de la main d'oeuvre pour une exploitation
rationnelle de la colonie que les Français érigèrent le
fortin allemand de Dschang en centre de détention en 1927. Située
près des postes administratifs de la localité, la prison de
Dschang permettait aux autorités d'exercer un contrôle plus direct
sur les détenus en disposant à tout moment d'une main d'oeuvre
gratuite. Elle a par ailleurs connu une double dénomination : D'abord,
la prison civile de Dschang de 1927 à 1973, date de la toute
première réforme pénitentiaire du Cameroun
indépendant. Ensuite, la prison de production de Dschang de 1973
à 1992, date de la deuxième réforme pénitentiaire
du Cameroun. Quant à la prison de Mantoum, elle fut créée
dans des circonstances particulières. Centre d'internement
administratif, elle voit effectivement le jour en 1962 et ses pensionnaires
pour la plupart ignorent les motifs de leur incarcération. En effet,
elle portait le nom de CRC- Centre de Rééducation Civique - de
Mantoum dont le but était de réduire au silence les adversaires
politiques supposés ou réels du pouvoir en place1. En
clair, la rééducation civique dont il est question n'était
qu'un ensemble de procédés visant à donner une
éducation nouvelle aux
1 Les C.R.C ont d'ailleurs inspiré des ouvrages
intéressants à certains de leurs pensionnaires notamment :
Emmanuel Bityeki ; Tcholliré : la colline aux oiseaux
; Albert Mukong, prisoner without a crime; Nouk Bassomb, le
quartier spécial ; Détenu sans procès au Cameroun.
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opposants du régime et des lois en vigueur, dans
l'optique de leur faire acquérir les qualités de
citoyen..."2. A partir de 1975, le C.R.C va disparaître pour
céder la place à la prison de production de Mantoum-
désormais, elle reçoit les détenus de droit commun - qui
devient prison principale en 1992.
Par la suite, dans un souci de logique et de cohérence,
le deuxième chapitre a été consacré aux
différents instruments juridiques nationaux et internationaux qui
garantissent la protection de la santé des détenus. Il met en
exergue les aspects variés de ces législations tout en faisant
l'inventaire des droits destinés à préserver la
santé des prisonniers que sont le droit à la santé
proprement dit, à l'hygiène, à l'habillement, à la
literie, à l'alimentation et aux sports, loisirs et activités
culturelles.
Le troisième chapitre s'est focalisé sur les
différentes pathologies auxquelles étaient confrontés les
détenus de ces prisons de 1960 à 1992 ainsi que les
conséquences qui découlaient du mauvais suivi médical.
L'analyse a montré que les pensionnaires des prisons de Dschang et de
Mantoum ont souffert de nombreuses maladies liées indubitablement aux
conditions de couchage, à l'hygiène approximative, à
l'insuffisance qualitative et quantitative de l'alimentation et à l'eau
le plus souvent de mauvaise qualité. Aussi, la précarité
de la santé dans ces deux prisons découlait-elle d'une part des
carences et défaillances du suivi médical et d'autres part de
l'état même des locaux dans l'ensemble vétustes et
précaires ainsi que de l'absence du suivi psychiatrique. Les maladies,
issues de tous les manquements relevés, ont entraîné
globalement des décès parmi la population carcérale de ces
prisons, objet de notre étude.
Dans le quatrième chapitre, nous avons mis l'accent sur
les structures de soins médicaux et du régime des inspections
sanitaires. A ce niveau, il s'est agi d'abord de se pencher sur l'infirmerie
des deux prisons en l'étudiant en profondeur à travers la
présentation physique du local, le personnel médical ainsi que le
matériel de soins. Ensuite, dégager la contribution des
hôpitaux
2 Ngbayou, "Le centre de ..." ,2004-2005, p52.
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environnants dans le traitement carcéral en passant en
revue les consultations, les hospitalisations et les examens médicaux
des détenus. Enfin, relever l'épineux problème des
inspections médicales qui ne se sont pas toujours faites selon l'esprit
des textes réglementaires. En effet, le droit à la santé
des détenus des prisons de Dschang et de Mantoum s'est trouvé
ainsi fortement entravé, car ils n'ont pas toujours subi des examens
médicaux lors de leur incarcération, ni
bénéficié d'un suivi médical sérieux
après décèlement d'une maladie, pire encore, les
détenus victimes de maladies contagieuses ont eu à partager les
mêmes locaux avec les pensionnaires non malades. Les inspections
médicales ont été négligées de même
que l'exploitation des rapports y afférents, le plus souvent n'ont pas
été établis selon les règle de l'art. Toute chose
qui a prédisposé les détenus à de graves
problèmes de santé.
Ainsi, les prisons camerounaises en général et
celles de Dschang et Mantoum en particulier sont de véritables mouroirs
d'où on n'est jamais sûr de sortir vivant car "le Cameroun est
présenté comme le pays où le système
carcéral est le plus meurtrier d'Afrique pour ses traitements
dégradants, inhumains, tortures, malnutrition et absence
d'hygiène"3
Toutefois, on ne saurait affirmer que la prison Camerounaise
est un milieu où les droits de l'homme et plus singulièrement les
droits à la santé ne sont pas respectés. Des signes de
changement sont observables même si, en dépit des efforts
consentis, tout n'est pas rose du fait de l'insuffisance des moyens financiers
alloués par l'Etat. La création par exemple d'une sous -direction
de la santé pénitentiaire à la direction de
l'Administration Pénitentiaire en vertu du décret 95/232 du 06
Novembre 1995 portant organisation du Ministère de l'Administration
Territoriale et le rattachement de l'Administration Pénitentiaire au
Ministère de la justice le 08 décembre 2004 participent du souci
constant d'humanisation des prisons camerounaises et partant des
pénitenciers de Dschang et de Mantoum. Ces mesures, très
évocatrices, éviteraient que la prison
3 Aurore plus, N°1140 du Mardi 14 Juillet
2009.p.3.
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ne devienne un microcosme hallucinant de la honte et de la
misère surtout à une époque où les notions du
respect des droits de l'homme et d'humanisation de la vie carcérale sont
devenues au fil des ans, le cheval de bataille des organisations humanitaires
et caritatives.
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