3. Pendant la maladie
Parce que le détenu, en tant qu'être humain,
bénéficie de tous les droits sauf le droit à la
liberté, il est soumis à de visites médicales au moment de
son incarcération, de même qu'au moment de son
transfèrement, à plus forte raison lorsqu'il est malade.
D'après la règle 25 alinéa 1 de l'ERMTD,
"le médecin est chargé de surveiller la santé physique et
mentale des détenus. Il doit voir chaque jour tous les détenus
malades, tous ceux qui se plaignent d'être malades..."59 Cette
règle onusienne fait du médecin le garant officiel de la
santé des détenus au même titre que l'article 34 du
décret de 1973 qui souligne que "Les détenus malades sont
conduits à la visite médicale"60. Cette visite peut se
dérouler à l'infirmerie de la prison ou à l'hôpital
public le plus proche.
Malgré ces dispositions textuelles, quelques faits
relevés dans les archives dépouillés au cours de nos
multiples descentes sur le terrain nous amènent à penser que les
règles relatives à la visite médicale des détenus
ne furent pas toujours appliquées aux pénitenciers de Dschang et
de Mantoum pendant la
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période indiquée de notre étude. Au
pénitencier de Dschang en 1975 et précisément au mois de
février, le chef de poste signale "la mise en cellule du prévenu
Mbouna Jean...les gardiens ont constaté que ce dernier doit avoir une
crise mentale et souhaitent qu'il soit conduit devant le docteur qui pourra
déterminer cette inconduite"61. Mais, au mois de mai de la
même année, le détenu est toujours gardé en prison
alors que les normes onusiennes demandent que "les détenus atteints
d'autres affections ou anomalies mentales doivent être observés et
traités dans les institutions spécialisées
..."62. Concernant toujours ce détenu
déséquilibré mentalement, le chef de poste descendant en
date du 1er Juin 1975 se lance dans une fuite en avant en laissant
les consignes suivantes au service de garde :
Nous demandons aux gardiens de garde de se méfier du
fou qui est en cellule disciplinaire, surtout au moment où il bavarde
beaucoup. Il menace les gardiens avec les coups de dents. Lui donner
régulièrement la ration. Ne pas entrer seul dans sa cellule car
il est dangereux parfois...63.
Malgré ces précautions, ce détenu malade
mental ne fut pas interné dans une institution spécialisée
comme le prévoient les textes. Il était resté en cellule
sans qu'aucune visite médicale ne soit effectuée sur lui, son mal
allait grandissant si bien qu'en date du 09 Juin 1975, le paroxysme
était atteint. En effet et selon le chef de poste de garde André
Wandoum,"...il sème le désordre dans la cellule, il a
déchiré les pagnes des autres dans la chambre et boire les
urines, se oindre avec les cacas"64. Plus loin encore, le chef de
poste de garde du 20 juin Georges Nguti tire la sonnette d'alarme en
remarquant: "I fear that he may one day kill some of the prisoners with whom he
sleeps"65
61 APD, Guard Book, opened the 09.12.1974.p.42.
62 Règle 82 alinéa 2 de l'ERMTD
63 APD, Guard Book, opened the 09.12.1974, p.43.
64 Ibid, p57
65 APD, Guard Book, opened the 09.12.1974, p.62
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L'absence de visite médicale n'est pas l'apanage unique
de la prison de Dschang. Au pénitencier de Mantoum, les mêmes
travers ont été constatés. C'est ainsi que lors du service
de garde du 11 mars 1978, le chef de poste Désiré Mbassa souligne
qu'il "s'avère que le détenu Ombassi se trouve dans un
état lamentable et quand à nous hommes de garde, nous avons
été obligés de rouvrir la porte centrale de la
prison...pour constater les faits dans la cellule de l'intéressé,
aucun traitement n'a été donné à
celui-ci"66.
Tout comme dans la prison de Dschang, cette situation nous
montre que les détenus malades ne sont pas soumis à la visite
médicale ; ils ne sont pas généralement consultés
par des médecins spécialistes, alors même que la
gravité de leur état de santé impose le recours à
des spécialistes. N'est-il pas aussi question, à l'article 34 du
décret de 1973 de "médecin consultant" ? Or, les détenus,
le plus souvent, sont consultés au niveau de la prison par l'infirmier
du pénitencier qui n'est pas un médecin. En dehors de la
difficulté liée à la crise du personnel soignant, s'ajoute
en raison de la surpopulation carcérale, l'impossibilité
manifeste à assurer aux détenus des visites médicales
telles que prescrites par les textes régissant l'administration
pénitentiaire. Au total, le manque à la fois de médecins
généralistes et spécialistes n'a pas permis à la
prison de Dschang et de Mantoum d'assurer convenablement aux détenus les
différentes visites médicales auxquelles ils pouvaient
prétendre. Loin de s'apitoyer sur cet état des choses, les
diverses législations en la matière mettent un point d'honneur
sur l'inspection sanitaire des locaux de détention.
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