I- LES STRUCTURES DE SOINS MEDICAUX DES
PENSIONNAIRES
L'ensemble des règles minima pour le traitement des
détenus insiste sur la nécessité, pour chaque
établissement pénitentiaire, de disposer des services
médicaux organisés en relation étroite avec
l'administration générale du service de santé de la
communauté ou de la nation3.
En écho à cette convention internationale, le
décret du 11 décembre 1973 prévoit l'aménagement,
au sein des pénitenciers, d'une infirmerie ou d'un local, et la
possibilité d'une intervention de l'autorité médicale la
plus proche en ce qui concerne des soins médicaux à apporter aux
détenus4. Les structures de soins médicaux
indispensables à la mise en oeuvre du droit à la santé des
détenus des prisons de Dschang et de Mantoum sont l'infirmerie et
l'hôpital d'arrondissement ou départemental le plus proche.
A. L'infirmerie des deux prisons
Première structure aménagée pour offrir
des soins médicaux aux pensionnaires, l'infirmerie de la prison de
Dschang n'a pas suivi la même trajectoire historique que celle de
Mantoum. La première est créée pour répondre aux
objectifs du projet colonial et la seconde pour résoudre les
problèmes relatifs aux troubles de l'après indépendance.
Il nous revient de présenter cette importante structure de
l'administration des deux prisons en insistant sur le local, le personnel
médical et le matériel des soins disponible.
1. Le local de l'infirmerie
Conformément aux articles 25 et 26 du décret de
1973 portant sur l'hygiène et les soins médicaux des
détenus, les établissements pénitentiaires camerounais ont
été dotés d'une infirmerie. A ce sujet Jacques Oberlin
Mbock affirme que :
3 Règle 22 alinéa 1 de l'ERMTD
4 Article 34 du décret n°73/774 du 11 Décembre
1973.
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Quant à la santé des détenus, outre la
visite médicale systématique qui doit précéder
l'incarcération, tout malade doit bénéficier gratuitement
de soins et de la fourniture de spécialité pharmaceutique dont
l'emploi est autorisé dans les hôpitaux publics. Les prisons
camerounaises ont été dotées d'une infirmerie pourvue d'un
équipement permettant de donner de menus soins et des traitements
conseillés aux détenus malades. Ces infirmeries dont le
fonctionnement est assuré par l'autorité médicale la plus
proche ont des aides soignants comme personnel permanent depuis
19815.
L'infirmerie de la prison de Dschang est incorporée au
bloc de détention du pénitencier que l'on voit dès
l'entrée principale tout juste en face du bureau de l'assistance
sociale. Placée sous la direction d'un infirmier qui dispense
quotidiennement des soins aux détenus et aux personnels malades ; elle
tient sur deux mètres de large et quatre de long avec une toiture en
tôles noircies par le temps. Le sol du pénitencier est
cimenté dans toute sa superficie. Mais "le petit local qui n'a pas de
plafond est tellement étroit qu'on ne peut pas y hospitaliser un malade.
Un simple lit aux dimensions modestes ne peut pas y trouver place"6.
Cette infirmerie connaît également de sérieuses
difficultés relatives à son équipement. En dehors d'une
table et d'une chaise, elle manque de fauteuil, de nappe pour les soins et de
plaque chauffante pour stériliser le matériel
médical7. Ces difficultés ont par ailleurs
été au centre des préoccupations de l'infirmier chef dans
sa correspondance adressée au régisseur en date du 09 avril
1989:
...Nous ne répéterons jamais assez le manque
à l'infirmerie d'un dispositif de
stérilisation de nos instruments de petite chirurgie
et/ou d'injection. La plaque chauffante que vous avez promis (sic) n'a jamais
été donnée. Nous nous contentons jusqu'à l'heure
actuelle ou (sic) on parle de plusieurs modes de transmission de porter nos
objets à ébullition sur les 03 pierres dans les marmites des
détenues. Cela nécessite inéluctablement notre constante
disponibilité au quartier féminin durant 2 à 3 heures du
temps affilés. Les médicaments de premiers recours et le
potentiel de pansement sont épuisés8...
De ces propos de l'infirmier chef de la prison, il se
dégage trois observations :
5 Mbock, "La prison...", 1987, p.162.
6 Entretien avec Jean Teumo, 60 ans, planteur
incarcéré en 1986, PPD, le 04.01.2010.
7 APPD, registre de consultation et statistiques des
détenus malades, 1988-1991, P5
8 Ibid, p10.
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D'abord le local réservé à l'infirmerie
est inapproprié à cause de son étroitesse, ce qui suppose
que l'établissement répond très peu à l'exigence de
l'article 34 du décret du 11 décembre 1973 ;
Ensuite, à cette carence infrastructurelle vient se
greffer le manque criard de matériels de soins médicaux ; ce qui
entraîne le recours aux techniques hygiéniques peu recommandables.
Sinon comment peut-on stériliser des instruments médicaux dans
une marmite destinée à d'autres usages ?
Enfin, le manque de médicaments met en péril la
santé des détenus et paralyse l'action même du personnel
soignant. Or, pour prodiguer des soins de santé aux détenus, il
est nécessaire de disposer des médicaments en adéquation
avec les types de pathologies traités.
Cette situation a perduré dans le temps et donne
l'impression que la prison de Dschang semble violer le droit à la
santé des détenus. Situation déplorable à travers
les propos suivants de l'infirmier major, le Sieur Isaac Piedjo, qui, dans son
rapport mensuel de consultation médicale adressée au
régisseur en date du 1er février 1990, souligne que
:
Quant à nos moyens d'intervention, ils sont pour le
moins dérisoire...la stérilisation du matériel d'injection
constitue également une illusion doublée d'un danger certain.
Notre bureau revêt toute la souillure des pansements. A la longue, cela
indisposera les usagers et partant abîmera à coup sûr le
matériel de l'état (sic)9.
L'infirmerie de la prison de Mantoum n'a pas la même
configuration que celle de Dschang. Construite pour des raisons
déjà évoquées plus haut, l'infirmerie du
pénitencier de Mantoum est également incorporée dans le
bloc de détention. Elle s'ouvre à cet effet sur la grande cour
près du stade de football aux dimensions respectant les normes
internationales. C'est une salle aux grandes dimensions dotée d'un
réfrigérateur qui servait à garder les doses de vaccin
9 APPD, registre de consultation médicale ; 1989-1992,
p.14.
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destinées aux assignés ou internés
administratifs10. Elle dispose également d'un bureau et d'une
salle d'hospitalisation équipée de plusieurs lits
métalliques. Elle tient sur 10 mètres de large et 12
mètres de long avec une charpente métallique qui a des effets
dissuasifs11. Dans l'ensemble, le dispositif de ce local explique
son caractère premier de centre d'internement administratif dont
l'objectif était de réformer et modifier le comportement des
citoyens à la moralité douteuse12. Cette infirmerie a
un rôle fondamental : celui de satisfaire les besoins sanitaires
primaires de ses pensionnaires. "Malheureusement, cette infirmerie manque de
personnels qualifiés et de médicaments...Les malades sont
négligés. Et le plus souvent, ceux qui se déclarent
malades sont soupçonnés de simulation par
l'administration"13. C'est dans cette enceinte qu'officie le
personnel médical.
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