2. L'action des structures publiques
Les détenus malades sont pris en charge par
l'infirmerie de la prison et au cas où la gravité de la maladie
est prouvée, ils sont accueillis par l'hôpital public le plus
proche.
a) La prise en charge médicale par les
prisons
Pour les deux prisons, cette prise en charge est
assurée par l'infirmerie. Cette dernière administre aux
pensionnaires des soins multiples dans le traitement des diverses maladies
comme la toux, la gale, les douleurs gastriques, l'amibiase, la blennorragie,
les plaies et le paludisme. Toutes ces maladies sont soignées à
l'infirmerie ; mais elles peuvent se compliquer. En effet, selon
33 Fabien Tsafack, détenu, entretien du 03.02.2010
à la PPD.
34 Adamou Yap et Emmanuel Gayo, entretien des 24 et 28 Août
2009 à Mantoum
35 Ibid.
91
Ibrahim Njoya, "une maladie d'apparence bénigne au
départ peut ultérieurement se transformer en maladie grave et
même très grave...l'infirmier doit donc suivre l'évolution
de celle-ci et le cas échéant, procéder à
l'évacuation sanitaire du malade"36. Le tableau suivant
renseigne sur la constance des évacuations sanitaires de la prison de
Mantoum pour l'hôpital de Foumban ou de celui d'arrondissement de
Malantouen de 1987 à 1990.
Tableau n°7 : Prison de Mantoum : Relevé des
évacuations sanitaires des détenus de 1988 à
1990.
Année
|
Nombre des évacuations sanitaires
|
1987
|
08
|
1988
|
11
|
1989
|
0 4
|
1990
|
06
|
Total
|
29
|
Source : Compilation faite à partir
des données contenues dans les registres de consultations
médicales des détenus de la prison de Mantoum pour les
années 1987, 1988, 1989 et 1990.
Le tableau précédent, en ressortant le nombre
d'évacuations sanitaires, rend compte du volume des détenus
malades. Le caractère fluctuant de ces évacuations montre que les
pensionnaires souffrent de plusieurs maladies et qu'au même moment, les
autorités pénitentiaires mènent un combat sans merci
contre les maladies en milieu carcéral.
La prise en charge médicale des détenus malades
n'incombe pas toujours à l'infirmerie de la prison. En effet, le
traitement intégral de certaines infections est le plus souvent
supporté par le détenu. C'est le cas de la blennorragie, maladie
sexuellement transmissible dont le traitement reste quasi intégralement
à la charge du détenu de la prison de Dschang37.
Concernant cette maladie, nous n'avons pu avoir les raisons de cette
particularité tout au long de nos enquêtes de terrain. Mais, on
pourrait dire que le fait que le pensionnaire s'occupe seul de
36 Ibrahim Njoya, RAPPM, entretien du 17.08.2009 à
Mantoum
37 APD, registre de consultations médicales, 1990.
92
son traitement est une punition que lui inflige
l'administration de la prison, car c'est une maladie qui peut être
évitée par l'observation stricte de certaines mesures à la
fois personnelles et médicales. Toujours est-il que les hôpitaux
départementaux s'occupent aussi de la prise en charge médicale
des pensionnaires.
b. La prise en charge médicale par les
hôpitaux publics
Les hôpitaux départementaux de Dschang et de
Foumban en relais avec l'hôpital d'arrondissement de Malantouen
accueillent la plupart du temps les détenus malades en provenance de la
prison de Dschang et de Mantoum suivant le cas. Les détenus sont
reçus dans ces formations sanitaires pour y être soit
consultés, soit hospitalisés et se prêter aux examens
médicaux essentiels. Les examens médicaux concernant le paludisme
aigu, la méningite, la tuberculose, le mal gastrique, le diabète
et le sida depuis le début des années 1990 sont les plus
courants. Les frais d'hospitalisation des détenus sont supportés
par le budget de la prison d'une part et par la famille du détenu
d'autre part. Mais, il arrive que ces frais soient uniquement à la
charge du détenu. C'est le cas du détenu Dadeu Miba de la prison
de Dschang. Après avoir subi une opération chirurgicale en date
du 06 septembre 1990, ce dernier a réintégré la prison
à la demande du major du bloc opératoire de l'hôpital
départemental de Dschang38 - encore appelé
hôpital de district de Dschang- .Le motif avancé est "le non
paiement des frais d'hospitalisation, soit une somme de 23 925 F
CFA"39.
Les détenus souffrent aussi du manque de
considération pendant leur prise en charge médicale. Certains,
pour leur statut de prisonnier, d'autres pour conduite déplorable
pendant leur hospitalisation. Le détenu Corantin Teledjio du
pénitencier de Dschang est une illustration parfaite de conduite
déplorable. Tuberculeux de son état et admis en hospitalisation,
il a été renvoyé de l'hôpital
38 APD, registre de consultations médicales, 1990.
39 Ibid.
93
départemental parce qu'"il lui est reproché
d'avoir non seulement volé une somme de 10 000 F CFA appartenant
à une garde malade, mais également d'avoir emporté un
matelas appartenant à l'hôpital"40.
Ces actes montrent que les détenus n'ont que
partiellement accès au droit à la santé qui est pourtant
réglementée par les instruments juridiques nationaux et
internationaux. C'est ainsi qu'en cas de complication de leur maladie
combinée à leur état d'extrême pauvreté, il
ne leur reste plus qu'à attendre la mort.
Dans une perspective globale, la prise en charge
médicale des détenus leur apporte du soulagement et leur donne
l'espoir de mieux vivre leur détention. Mais, elle ne semble pas avoir
mis un terme aux énormes difficultés du suivi médical de
ces derniers.
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