C. Le droit à l'alimentation
L'une des obligations les plus essentielles des
administrations pénitentiaires est de fournir à tous les
détenus une alimentation en quantité et en qualité
suffisantes pour qu'ils ne souffrent pas de faim ou d'une maladie
associée à la malnutrition. Le droit à l'alimentation est
prévu par les textes internationaux et nationaux. On retrouve ainsi ce
droit dans les dispositions de la règle 20 alinéa 1 de l'ERMTD
qui stipule ceci : "Tout détenu doit recevoir de l'administration aux
heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien
préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisant au
maintien de sa santé et de ses forces"15.
13 Règle 17 al 1 de l'ERMTD.
14 Règle 20 al 1 de l'ERMTD.
15 Ibid
63
Au plan national, ces dispositions sont contenues dans
l'article 21 de l'arrêté du 08 juillet 1933 et 30 du décret
n°73/774 du 11 décembre 1973. Aux termes de l'article 30 du
décret de 1973 :
La ration journalière doit être
équilibrée et suffisante pour éviter aux détenus et
condamnés toute carence alimentaire et leur donner l'énergie
indispensable à leur santé et à l'exécution des
travaux auxquels ils sont astreints. Cette ration se compose en principe des
denrées de la localité et doit dans la mesure du possible,
respecter les exigences de la coutume ou de la religion des détenus en
matière d'alimentation16.
La réalisation des travaux pénaux n'est rendue
possible que si le pensionnaire possède de l'énergie
nécessaire pour accomplir ses différentes tâches. C'est
pourquoi l'alimentation donnée doit être solide et riche en
calories et surtout préparée dans de bonnes conditions. C'est
pour veiller à son effectivité que la règle 26
alinéa 1 de l'ERMTD dispose que " le médecin doit faire des
inspections régulières et conseiller le Directeur en ce qui
concerne la quantité, la qualité, la préparation et la
distribution des aliments".17 Toutefois, pour une santé bien
équilibrée, le droit à l'alimentation ne peut pas à
lui seul cerner tous les contours du problème. D'où l'existence
d'un droit à l'exercice physique, aux loisirs et aux activités
culturelles.
D. Le droit aux sports, aux loisirs et aux activités
culturelles
Tous les détenus ont droit aux exercices physiques et
aux activités récréatives. Les exercices physiques,
prévus à la règle 21 de l'ERMTD et à l'article 60
du décret de 1973 sont indispensables pour le maintien de la
santé des détenus, car ils leur permettent de rompre avec la
monotonie de la vie carcérale. Ces exercices peuvent revêtir
plusieurs formes telles que la gymnastique, l'athlétisme, les jeux
collectifs -football, handball et autres - et peuvent se pratiquer aussi bien
à l'intérieur du pénitencier qu'à
l'extérieur si les mesures de sécurité sont remplies. Il
est donc essentiel que les détenus aient
16 Article 30 du décret n°73/774 du 11
Décembre 1973
17 Règle 26 al 1 a de l'ERMTD
64
accès régulièrement à ces
exercices physiques en plein air. C'est dans ce contexte que la règle 21
alinéa 1 de l'ERMTD dispose que "chaque détenu qui n'est pas
occupé à un travail en plein air doit avoir, si le temps le
permet, une heure au moins par jour d'exercice physique approprié en
plein air".18
Comme nous pouvons le constater, tout prisonnier jouit d'un
certain nombre de prérogatives pour maintenir sa santé physique.
En plus, les instruments juridiques nationaux et internationaux lui permettent
aussi de bénéficier des droits visant son épanouissement
moral. C'est dans cet ordre d'idée qu'il a droit aux activités
récréatives et culturelles.
Ces activités consistent principalement en des lectures
et atténuent chez les détenus les effets de l'oisiveté
.Pour André Tatchouang, elles "concourent à occuper les
détenus, à leur donner de l'épanouissement, à les
éloigner de l'ennui et du désoeuvrement, à leur faire
oublier leur situation tout en les rapprochant de la société
libre"19. Ainsi, comme l'exige la règle 40 de l'ERMTD,
"chaque établissement pénitentiaire doit avoir une
bibliothèque à l'usage de toutes les catégories de
détenus et suffisamment pourvue de livres instructifs et
récréatifs..."20. Dans le cas d'espèce il
s'agira d'ouvrages divers, de journaux, de publications à
caractère pénitentiaire spécial leur permettant de
développer leurs connaissances. L'organisation de ces séances
récréatives incombe sous tous les angles aux dirigeants de chaque
établissement pénitentiaire.
Ces activités au plan du droit interne sont
prévues aux articles 61, 62, 63 et 64 du décret de 1973 et se
résument à des projections cinématographiques, des
représentations diverses, des auditions musicales et l'écoute des
émissions radiophoniques. Ces dispositions du décret de 1973
épousent dans leur totalité les points saillants de la
règle 39 de l'ERMTD relatifs au contact avec le monde extérieur
qui souligne que " les détenus doivent être tenus
régulièrement au
18 Règle 21 al 1 de l'ERMTD.
19 Tatchouang, Techniques et stratégies..., 2004,
p83.
20 Règle 40 de l'ERMTD.
65
courant des événements les plus
importants..."21. Tout prisonnier a besoin, plus que jamais, d'un
réconfort moral. Cependant l'expérience a montré que la
privation de liberté a parfois plus d'effets dévastateurs sur le
moral que sur le physique des pensionnaires, raison pour laquelle les textes
applicables reconnaissent aux détenus de nombreux autres droits
favorables à leur santé morale à l'instar des droits aux
offices religieux, aux visites et aux correspondances.
Le tableau ci-dessous renseigne globalement sur les
différents droits à la santé des détenus et leurs
sources respectives.
Tableau N° 1 : Récapitulatif des
différents droits à la santé des détenus et leurs
sources respectives
Type de droit
|
Sources
|
Santé
|
- Articles 26 à 29 de l'arrêté du 8 juillet
1933
|
- Règles 22 à 26 de l'ERMTD.
|
- Articles 33 à 36 du décret de 1973.
|
Hygiène, habillement et literie
|
- Article 22 et 23 de l'arrêté du 8 juillet 1933
|
- Règles 15 à 19 de l'ERMTD.
|
- Articles 31 à 33 du décret de 1973.
|
Alimentation
|
- Articles 21 de l'arrêté du 8 juillet 1933
|
- Règles 20 de l'ERMTD.
|
- Articles 30 du décret de 1973.
|
Exercice physique, activités récréatives et
culturelles
|
- Articles 60 à 64 du décret de 1973. -
Règle 21, 39 et 40 de l'ERMTD.
|
source : Compilation des
éléments contenus dans l'arrêté du 8 juillet 1933
portant réglementation du régime pénitentiaire au
Cameroun, l'Ensemble des Règles Minima pour le Traitement des
Détenus de 1955 et le décret n°73/774 du 11 décembre
1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun.
21 Règle 39 de l'ERMTD.
66
En résumé, les détenus quelle que soit la
nature de leur délit, conservent tous les droits fondamentaux qu'ils
possèdent en tant que personnes humaines, y compris le droit de jouir du
meilleur état de santé physique et mentale qu'ils peuvent
atteindre. En plus de ces droits fondamentaux dont bénéficient
toutes les personnes humaines, le statut de détenu leur confère
des protections supplémentaires. Dans ce cas, lorsqu'un Etat prive ses
citoyens de liberté, il devient responsable de leur santé
à la fois au niveau des conditions dans lesquelles il les détient
et sur le plan des traitements individuels pouvant s'avérer
nécessaires suite à ces conditions. Les instruments juridiques
internationaux (L'ERMTD et autres) et nationaux (arrêté du 8
juillet 1933, décret du 11 décembre 1973 et ses modificatifs
subséquents) imposent aux Etats en général et plus
singulièrement à l'Etat du Cameroun, de faire de la santé
des détenus une préoccupation essentielle dans la mise en oeuvre
du traitement pénitentiaire.
Malgré l'existence des conventions internationales et
des textes organiques nationaux, la santé des détenus des prisons
de Dschang et de Mantoum est restée en deçà des attentes.
Plusieurs pathologies y furent enregistrées et conduisirent à une
mortalité importante au sein de la population carcérale.
67
CHAPITRE III : INVENTAIRE DES PATHOLOGIES CARCERALES ET LA PROBLEMATIQUE DU
SUIVI MEDICAL DES DETENUS DE 1960 A 1992.
|
68
Quelle que soient les conditions dans lesquelles ils sont
incarcérés et vivent au quotidien, les détenus, dans leur
"monde fermé", sont confrontés à de nombreux
problèmes de santé qui ouvrent inexorablement la voie aux
maladies. La diversité des pathologies existantes dans les prisons de
Dschang et de Mantoum, au regard des sources archivistiques disponibles lors de
nos descentes sur le terrain montre la profondeur des traumatismes
psychologiques aux conséquences physiologiques certaines, dans le
vécu des populations carcérales. Aussi, si les prisons
apparaissent comme "des milieux où les conditions de vie, quel que soit
le régime de détention, déteignent négativement et
dramatiquement sur les détenus notamment aux plans physiques, sanitaires
et psychologiques"1 , il importe dans le présent chapitre de
dresser la liste des pathologies enregistrées dans les deux prisons tout
au long de la période d'étude indiquée afin de mieux
comprendre l'état général des consultations et des
hospitalisations médicales. Nous évoquons également la
place du suivi médical, ainsi que les entorses à ce suivi et
au-delà, leurs conséquences sur la vie des détenus.
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