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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

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par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

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CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

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L'étude de la variable « bien » sur laquelle agit la protection de la santé pour limiter la liberté d'entreprendre nous a appris qu'elle est sujet à une certaine diversité. En effet, nous avons vu qu'il est essentiel pour appréhender l'action protectrice de la santé dans un contexte économique de s'interroger sur la nature du bien ou sa destination. Nous avons ainsi appréhendé des biens d'une nature substantiellement dangereuse, des biens dont la provenance d'un corps humain justifiait un traitement juridique particulier, des biens dont la nature était susceptible de provoquer des dépendances chez le consommateur, et, enfin, des biens dont la destination est le soin, lato sensu, des personnes humaines. Cette diversité de natures des biens a pu justifier différents procédés d'encadrement juridique de leur circulation allant de la mise hors du commerce, à l'autorisation préalable, en passant par des contrôles durant leur commercialisation ou même de simples déclarations administratives préalables.

Mais au-delà de la nature ou de la destination du bien, nous avons vu que le degré de contrainte juridique pouvait varier en fonction de l'utilisation du bien, et même à titre préventif. Ainsi, certains biens subissent des interdictions du fait de leur dangerosité vérifiée dans des conditions normales d'utilisation. En outre, des logiques préventives ont pu apporter des limitations opposables à des biens parce qu'ils pouvaient présenter un risque pour la santé en cas d'excès de consommation. Le comportement des individus face à certains biens n'est donc pas étranger à ces différentes mesures.

Dans ces différentes illustrations, nous avons de même pu observer que la logique économique n'entre pas nécessairement dans le processus de mise en oeuvre des limitations de circulation des biens. Dès que la santé est en jeu, qu'importe les pertes, les restrictions sont en principe mises en oeuvre. Ces politiques ont pu toutefois conduire à certains excès de la part des décideurs publics, notamment au regard du sévère encadrement de la publicité sur les boissons alcoolisées.

Nous conclurons en affirmant que cette étude nous a donné le sentiment que la protection de la santé est probablement l'un des principes les plus efficaces permettant de justifier des restrictions au commerce de bien, que l'on soit dans un contexte national ou dans un contexte européen.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Confronter deux principes à valeur constitutionnelle, l'un non défini par le droit et l'autre évolutif dans le temps (élargissement de la notion de santé) et l'espace (définition de la santé différente selon les Etats) fut une tâche ardue et délicate.

Face au chaos pouvant émaner de cette confrontation, il nous a fallu chercher et trouver des repères, une méthode pour tenter d'apporter un peu de lumière dans les ténèbres.

C'est ainsi que nous avons imaginé saisir la liberté d'entreprendre par analogie avec la vie d'une activité économique. La même méthode est d'ailleurs applicable concernant différents objets. Ainsi on peut analyser la vie de la société de sa naissance à sa disparition. De même, on peut étudier la vie d'un objet de propriété intellectuelle (invention, signe distinctif, oeuvre, belles-lettres, beaux-arts,...) en nous demandant dans quel contexte il a pris naissance, il va circuler ou disparaitre. Ce contexte peut être géographique, juridique, économique, sociologique, etc.

Si l'on revient à notre sujet, le contexte peut par exemple être européen (procédure européenne d'autorisation de mise sur le marché,...) ou national (monopole de vente au détail de produit du tabac,...). De même, économiquement, il s'inscrit dans l'économie de marché et la libre concurrence. Aussi, sociologiquement, il peut s'inscrire en prenant acte du rapport que les individus ont avec la consommation de produits addictifs, etc. Cette méthode nous a permis, de comprendre dans quel contexte la liberté d'entreprendre s'exerçait et ainsi pouvait être limitée.

Ensuite, nous avons combiné ces contexte (en particulier celui de la vie de l'activité économique - création, exercice, fin) avec des questions méthodologiques classiques : « qui ? », « quoi ? », « comment ? », « quand ? », « où ? » et « pourquoi ? ». Ces questions nous ont permis à la fois de comprendre la liberté d'entreprendre et à la fois d'appréhender ses limitations ; car, comme nous le disions, nous pouvons définir la liberté d'entreprendre à travers l'étude de ses limitations.

Nous allons ci-dessous en donner une illustration générale en posant ces différentes questions. Nous allons montrer quels aspects de la liberté d'entreprendre sont concernés et quelles sont les limitations qui peuvent y être apportées.

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- Qui ? : les personnes entreprenant l'activité ou moyens de l'activité, et leurs qualités.

y' Qui entreprend ? Une personne de droit privé.

y' Quelles sont les limites directement attachées à cette personne ? La personne doit

jouir de la capacité juridique et détenir un diplôme.

- Quoi ? : l'activité et sa nature ou l'objet, moyen, de l'activité (le bien et sa nature)

y' Qu'est-ce qui est entrepris ? Une activité économique, de santé ; la commercialisation

d'un bien.

y' Quelles sont les activités qui peuvent présenter un danger? Les activités de soin, de

commercialisation de produits du tabac, de médicament à usage humain.

- Comment ? : un procédé juridique.

y' Comment entreprendre ? Effectuer un investissement économique de base.

y' Quels sont les procédés contraignants ? L'obligation d'obtenir une autorisation

administrative préalable.

- Quand ? : une variable temporelle.

y' Quand puis-je exercer mon activité ? Principe de liberté d'organisation.

y' Quelles sont les contraintes temporelles ? Fermeture obligatoire du commerce de

boissons alcoolisées à partir de 22h00 (tranquillité publique, sécurité publique).

- Où ? : une variable spatiale.

y' Où puis-je exercer mon activité ? Deux analyses sont possibles : une spatialité dans

un contexte national ou une spatialité dans un contexte international ou régional.

y' Quelles sont les contraintes spatiales ? Interdiction d'ouvrir un sex shop à proximité

d'un établissement d'enseignement (moralité publique). Interdiction de

commercialiser des produits du tabac en dehors des lieus prévus par la loi. Ou encore,

autorisation de séjourner délivrée par l'Etat d'accueil.

- Pourquoi ? Le mobile.

y' Pourquoi entreprendre ? L'activité est lucrative, la prise de responsabilité, etc. La

liberté d'entreprendre ne concerne que les activités économiques.

y' Pourquoi limiter l'entreprise privée ? Protection de la santé, lutte contre les

dépendances, prévention, précaution, sécurité sanitaire.

Nous avons ainsi pu établir une typologie des limitations et tous ces critères se combinent. Ainsi, au fur et à mesure que d'autres critères entrent dans la danse, la valse des limitations devient plus coercitive. Le critère fondamental semble être celui de la nature de l'activité ou du bien (« Quoi ? »), qui va justifier le degré de limitation pesant sur les personnes

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directement et sur la question : « comment entreprendre ? ». Arrivent ensuite les limitations complémentaires et accessoires : les limites spatio-temporelles. Il ne faut pas oublier que poser le critère de la nature comme fondamental signifie que, plus l'activité présente un danger pour les personnes, plus elle sera limitée : c'est ainsi la protection des personnes sur lesquelles l'activité produira des effets qui fonde, à travers le critère de la nature de l'activité, les limitations à la liberté d'entreprendre.

Toutefois, il n'aurait pas été méthodologiquement pertinent de réaliser notre démonstration en nous focalisant formellement sur la nature de l'activité. Il était en effet hors de question de réaliser un plan descriptif du type : I. Médecine, II. Tabac, III. Alcool, IV. Médicaments, V. Stupéfiants, etc. Il s'agissait plutôt, de traiter de la nature de l'activité à l'intérieure des variables « sujet » (qui fait l'objet d'une mesure contraignante ?) et « objet » (qu'est-ce qui fait l'objet d'une mesure contraignante ?) car cette première transcende nos variables.

La variable « personne » (ou « sujet »), c'est l'aptitude que va avoir un sujet de droit à exercer une activité économique. Cette variable doit être traitée comme une question distincte de la variable « bien » (ou « objet »), car il se peut qu'un bien ou plus largement une activité économique, bien qu'autorisé ne soit pas commercialisable ou exerçable par n'importe qui.

Notre distinction « personne » et « bien » nous a permis d'observer les diverses conséquences des limites à la liberté d'entreprendre justifiées par la protection de la santé. Le bien, son créateur peut le modifier, en revanche changer de nationalité, détenir un diplôme, c'est moins évident.

Enfin, cette distinction nous a permis d'approcher, non pas l'exhaustivité, mais une part substantielle des questions relatives aux limitations de la liberté d'entreprendre lorsque celle-ci est confrontée à la protection de la santé. Toutefois, certaines pistes mériteraient d'être explorées dans la mesure où elles ne touchent pas nécessairement directement les biens ou les personnes. Il pourra par exemple s'agir d'une étude des limitations affectant les prestations de service (sous un angle différent de celui de la circulation des personnes, que nous avons déjà étudié en première partie) ou affectant les relations contractuelles.

« Certes ce cadavre est beau, mais il va falloir l'enterrer. »

Proverbe africain

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote