II - Le principe de sécurité et la libre
circulation des produits cosmétiques : un contrôle
allégé du fait d'une relative dangerosité et d'une
destination esthétique
Il s'agira ici de concilier les impératifs de libre
circulation des produits avec les impératifs de sécurité.
Ainsi, lorsque des impératifs de sécurité fondés
sur la protection de la santé et des consommateurs font obstacle
à la libre circulation des cosmétiques, la liberté
d'entreprendre est susceptible d'être limitée. En outre le
contrôle de ces biens est allégé comparativement aux
médicaments à usage humain car ces premiers sont moins dangereux
et ne sont pas destinés aux soins stricto sensu. Leur utilisation
n'étant pas justifiée par l'urgence thérapeutique, les
consommateurs font dans ce cas un choix totalement libre.
Notion de sécurité. Selon les
spécialistes du droit de la consommation, la notion de
sécurité recouvre deux aspects255. D'une part, la
sécurité se retrouve dans la conformité à un
référentiel, à des normes préétablies.
Ainsi, un produit cosmétique qui serait conforme aux normes de
sécurité imposées par le droit de l'UE ou le droit
national serait présumé remplir l'impératif de
sécurité. D'autre part, la sécurité se retrouve
dans l'absence de risque. On est ici dans une approche bien plus large que
celle de la conformité et fondée sur le principe de
précaution, comme le relève M. BLANC, qui précisera que
« ce principe de précaution dans sa mise en oeuvre entre
constamment en conflit avec la dynamique industrielle et au-delà avec la
liberté d'entreprendre et de commercer. Le secteur des produits
cosmétiques illustre de manière caractérisée ce
conflit. »256
En droit interne, la sécurité des produits et
services fait l'objet du titre II du Code de la consommation qui s'applique aux
produits et services n'ayant pas fait l'objet de « dispositions
législatives particulières ou à des règlements
communautaires ayant pour objet la protection de la santé ou de la
sécurité des consommateurs, sauf, en cas d'urgence, celles
prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6.»257. En
principe, il faudra ainsi, en matière de produits cosmétiques, se
référer au Code de la santé publique258 et aux
règlements communautaires259.
255 « G. Iacono, Contribution à une
réflexion sur le thème de l'harmonisation ou/et de l'unification
des concepts de sécurité et de qualité des produits dans
l'Union européenne, in Vers un Code européen de la consommation,
sous la dir. de F. Osman, colloque Lyon, 12-13 déc. 1997, p. 218. »
Cité par BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques
et sécurité des produits », Recueil Dalloz 2006 p. 1917
256 BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques
et sécurité des produits », Recueil Dalloz 2006 p.
1917
257 Article L221-8 Code de la consommation
258 Article L5131-4 Code de la santé publique : «
Les produits cosmétiques mis sur le marché ne doivent pas nuire
à la santé humaine lorsqu'ils sont appliqués dans les
conditions normales ou raisonnablement prévisibles
162
Afin d'aller à l'essentiel, nous nous en remettrons
principalement aux textes spécifiques du droit de l'UE en matière
de fabrication et de commercialisation de produits cosmétiques, le Code
de la santé publique reprenant en droit interne l'essentiel de ces
dispositions.
La directive 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976
concernant le rapprochement des législations des États membres
relatives aux produits cosmétiques260 est le texte fondateur
en la matière. Cette directive s'inscrit dans démarche
d'harmonisation totale des législations des États membres. Le
règlement 1223/2009 précité261 «
procède à une refonte de la directive 76/768/CEE en raison des
nombreuses modifications qui lui ont été apportées et des
modifications nouvelles qui s'imposaient. »262 Il vient ainsi
poser un cadre juridique global à la fabrication et la commercialisation
des produits cosmétiques.
Définition des produits cosmétiques.
Le règlement 1223/2009 définit dans son article 2 les
produits cosmétiques comme « toute substance ou tout mélange
destiné à être mis en contact avec les parties
superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et
capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec
les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de
les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger,
de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles;
». Il entend dans le même article la notion de substance comme
« un élément chimique et ses composés à
l'état naturel ou obtenus par un processus de fabrication, y compris
tout additif nécessaire pour en préserver la stabilité et
toute impureté résultant du processus mis en oeuvre, mais
à l'exclusion de tout solvant qui peut être séparé
sans affecter la stabilité de la substance ou modifier sa composition;
».
Les notions de sécurité et de cosmétique
étant définies, il est temps d'étudier l'encadrement de
l'exploitation des cosmétiques issu du règlement 1223/2009
(A), qui peut être soumise en droit interne à une
déclaration préalable et à des processus de
cosmétovigilance (B).
d'utilisation compte tenu, notamment, de la
présentation du produit, des mentions portées sur
l'étiquetage ainsi que de toutes autres informations destinées
aux consommateurs. »
259 Règlement 1223/2009 du Parlement européen et du
Conseil du 30 novembre 2009
260 Modifiée, notamment, par les directives 79/661/CEE,
82/368/CEE, 83/574/CEE, 88/667/CEE, 89/679/CEE, 93/35/CEE et 2003/15/CE.
261 Applicable dès le 11 juillet 2013, sauf concernant
certaines dispositions relatives aux substances cancérogènes,
mutagènes ou toxiques pour la reproduction qui sont applicables depuis
le 1er décembre 2010.
262 Union européenne. Le site web officiel de l'Union
européenne. http://www.europa.eu/ (page consultée le 13
avril 2013)
163
A - L'exigence d'une déclaration
préalable et la cosmétovigilance en France
L'article L5131-2 du CSP impose aux fabricants (et personnes
assimilées) de produit cosmétiques d'effectuer une
déclaration préalable auprès de l'Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé. La
contrainte est faible, comme l'atteinte à la liberté
d'entreprendre, et nous sommes loin des procédures d'AMM pour les
médicaments.
L'Agence nationale de sécurité du
médicament et des produits de santé est l'autorité
nationale avec laquelle les professionnels de santé communiqueront dans
la mise en oeuvre du système de cosmétovigilance. Ainsi par
exemple, « tout professionnel de santé ayant constaté un
effet indésirable grave susceptible d'être dû à un
produit cosmétique mentionné à l'article L. 5131-1 doit en
faire la déclaration sans délai au directeur
général de l'Agence nationale de sécurité du
médicament et des produits de santé. ». La notion d'effet
indésirable est définie par l'article L5131-9 CSP comme «
une réaction nocive et non recherchée, se produisant dans les
conditions normales d'emploi d'un produit cosmétique chez l'homme ou
résultant d'un mésusage qui, soit justifierait une
hospitalisation, soit entraînerait une incapacité fonctionnelle
permanente ou temporaire, une invalidité, une mise en jeu du pronostic
vital immédiat, un décès ou une anomalie ou une
malformation congénitale. » Par la suite, des contraintes plus
importantes seront imposées aux acteurs économiques par le droit
de l'UE.
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