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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

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par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

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Section 2. Les limites à la liberté d'entreprendre issues de règlementations harmonisées encadrant le commerce des produits de santé destinés à l'homme

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Deux grands domaines ont été harmonisés, nous avons fait le choix de traiter ici des médicaments à usage humain (I) et des cosmétiques (II) du fait de leur nature qui peut être dangereuse et de leur destination à l'homme et à sa santé.

I - Les médicaments à usage humain : un contrôle fondé sur leur nature et leur destination

Construit à partir de la directive 65/65 du Conseil du 26 janvier 1965 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, le marché européen des médicaments fait aujourd'hui principalement l'objet d'un Code communautaire234 relatif aux médicaments à usage humain. Compte tenu de l'importance des questions santé publique et notamment de sécurité sanitaire attachées aux médicaments, le droit de l'UE a cherché à harmoniser ce secteur en trouvant un compromis entre libre circulation des marchandises et protection de la santé.

Définition du médicament à usage humain en droit de l'UE. Cette définition est importante car elle conditionne l'application des procédures d'autorisation de mise sur le marché. En effet, le régime des médicaments étant plus protecteur que celui des « produits frontières »235, la qualification de « médicament » par un Etat peut être considérée comme disproportionnée et constituer une mesure d'effet équivalent « alors que les produits litigieux sont librement fabriqués et commercialisés dans d'autres États. »236

L'article premier de la directive 2001/83/CE donne une définition alternative du médicament. Premièrement, est un médicament « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines. » On parlera ici de « médicament par présentation ». Par ailleurs, « La qualification de médicament doit résulter d'un faisceau d'indices concordants précisés par la jurisprudence postérieure (...) tels la forme pharmaceutique, le conditionnement, la réalisation de recherches scientifiques, l'utilisation de témoignages de médecins... ».237

234 Ce code est institué par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 elle-même complété ou modifiée par des directives et règlements ultérieurs.

235 Ces produits « présentent la particularité d'être à la limite entre les médicaments et d'autres secteurs », DE GROVE-VALDEYRON, « Médicament », Répertoire de droit communautaire, Dalloz 2007 (MAJ janvier 2013)

236 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22

237 Ibidem.

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Deuxièmement, est un médicament « toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques chez l'homme est également considérée comme médicament. »238 On parlera de « médicament par fonction ». Ici, la qualification relève « du juge national, qui doit statuer au cas par cas en fonction de l'ensemble des caractéristiques du produit ». Concernant le médicament, on trouve « sa composition, ses propriétés pharmacologiques, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation »239.

La mise sur le marché d`un médicament n'est pas libre car elle nécessite une autorisation préalable et la mise en place de processus de pharmacovigilance (A) après quoi l'exploitation du médicament sera possible mais dans le respect de contraintes légales (B).

A - La nécessité d'une autorisation de mise sur le marché et la pharmacovigilance : des contraintes de commercialisation élevées

L'autorisation de mise sur marché, ci-après AMM, est un contrôle a priori (1) qui sera renforcé a postériori par des mesures de surveillance et pharmacovigilance (2).

1 - L'autorisation de mise sur le marché : une contrainte ante-commercialisation

La question des AMM étant complexe, nous ferons donc le choix, par soucis de clarté, de présenter ces questions, en partie, sous forme schématique.

On distingue trois grandes phases de développement et commercialisation d'un médicament :

V' Le développement préclinique : expérimentations essentiellement menées sur l'animal permettant d'acquérir les premières connaissances sur les effets d'un médicament. Ce stade est indispensable avant tout essai sur l'homme.

V' Les essais cliniques : essais d'un médicament sur des patients.

V' L'Autorisation de mise sur le marché (AMM) : nationale ou communautaire. Elle comporte

trois critères d'octroi fondés sur la balance bénéfice/risque :

> Qualité du médicament : procédé de fabrication, nature des matières premières, etc.

> Efficacité du médicament : fondée sur les résultats des essais cliniques.

> Sécurité du médicament : fondée sur les deux premières étapes (effets indésirables, etc.)

238 Ibid.

239 CJCE, 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, aff. C-211/03, Rec. I. 5141

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Sauf exceptions (par exemple : médicaments préparés en officine ou utilisés à des fins compassionnelles ou en cours d'essais cliniques), la mise sur le marché d'un médicament dans un État membre est toujours soumise à la délivrance d'une AMM.

On distingue quatre procédures d'AMM délivrant deux types d'autorisations :

V' La procédure centralisée ou communautaire : elle délivre une AMM communautaire valable dans tous les États membres et délivrée par l'Agence européenne des médicaments.

V' La procédure de reconnaissance mutuelle : elle étend le champ d'application d'une AMM nationale déjà obtenue à tous les États membres de l'UE.

V' La procédure décentralisée : elle délivre une AMM valable dans tous les États membres.

V' La procédure nationale : elle ne s'applique qu'aux demandes de mise sur le marché limitées au territoire d'un État. L'AMM est délivré par l'Agence nationale de sécurité du médicament.

Afin d'aller à l'essentiel, nous ne traiterons pas de tous les détails de ces procédures (ça serait un sujet en soi) mais nous en ferons une présentation générale.

Procédure communautaire. Quel est le champ d'application prévu par le texte240 ?

V' La procédure est obligatoire pour :

> Les médicaments issus de certains procédés biotechnologiques

> Les médicaments désignés comme « orphelins »

> Certains médicaments à usage vétérinaire

> Les médicaments à usage humain contenant une nouvelle substance active dans les

domaines du cancer, du SIDA, du diabète ou des maladies neurodégénératives, virales ou

auto-immunes et autres dysfonctionnements immunitaires.

V' La procédure est facultative pour :

> Les médicaments contenant une nouvelle substance active241

> Les médicaments représentant une avancée thérapeutique, scientifique ou technique

majeure ou bien un intérêt communautaire pour les patients

> Les médicaments génériques242 d'un médicament de référence autorisé par l'UE

240 Annexe du Règlement 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, 31 mars 2004, JOUE, no L 136, 30 avr.

241 Mais ne figurant pas à l'annexe du règlement 726/2004 précité.

242 Art. 10-2, b de la directive 2004/27 : un médicament générique est « un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique que le

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La durée de la procédure ne peut dépasser deux cent dix jours à compter de la réception de la demande. L'AMM est valable cinq ans renouvelables. Une fois renouvelée, elle devient valable pour une durée illimitée, ce qui n'exclue pas de contrôles a posteriori.

L'AMM sera refusée lorsqu'il apparaît que le rapport bénéfice/risque n'est pas favorable (critère de sécurité), que l'effet thérapeutique du médicament est insuffisamment démontré, qu'il n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée (critère de qualité), ou que les renseignements et documents accompagnant la demande ne sont pas conformes aux dispositions de la présente directive.

Procédure de reconnaissance mutuelle et procédure décentralisée. Elles s'appliquent lorsque pour un même médicament, une demande d'AMM est déposée dans plusieurs États membres. La procédure de reconnaissance mutuelle s'appliquera si au moment de la demande, le médicament a déjà reçu une AMM dans un État membre. Dans le cas contraire, à savoir que le demandeur ne dispose pas encore d'AMM, la procédure décentralisée s'appliquera.

Procédure nationale. Comme le précise Mme DE GROVE-VALDEYRON, « Les conditions d'octroi, de refus, de modification, de suspension et de retrait ainsi que les conditions de durée et de renouvellement sont globalement identiques qu'il s'agisse d'AMM nationales ou communautaires »243. Nous ne traiterons donc pas de la procédure nationale.

En conclusion, si l'obligation d'obtenir une AMM constitue une limite à la liberté d'entreprendre en ce qu'elle soumet leurs demandeurs à des normes contraignantes, il n'en demeure pas moins qu'elle facilite au final la libre circulation des médicaments. En effet, les procédures que nous avons évoquées (en dehors de la procédure nationale) permettent l'obtention d'AMM qui s'étendent à l'ensemble de l'Union européenne, ce qui évite aux demandeurs d'utiliser chacune des procédures nationales.

Toutefois, même après la délivrance de l'AMM, la liberté d'entreprendre n'est pas totale.

médicament de référence et dont la bioéquivalence avec le médicament de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité »

243 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22

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2 - La surveillance et la pharmacovigilance : des contraintes durant la commercialisation

L'objectif ici est de détecter les effets indésirables du médicament après son AMM. L'intérêt de ces mesures réside dans le fait que « le profil de sécurité des médicaments ne peut être connu dans son intégralité qu'après la commercialisation des produits »244. Le règlement 726/2004 précité distingue la surveillance et la pharmacologie bien qu'en réalité, « les dispositions sont assez proches, à quelques nuances près, selon qu'il s'agit de la procédure décentralisée ou communautaire. »245 Les règles applicables en matière de surveillance et de pharmacovigilance que nous allons aborder sont contenues dans le règlement précité246 et contiennent des obligations à la charge des États membres, de leurs autorités compétentes et des titulaires des AMM, limitant ainsi la liberté d'entreprendre de ces derniers.

Autorités chargées de la surveillance. Si le médicament est fabriqué dans l'UE, il s'agira des autorités compétentes des États membres qui ont délivré l'autorisation ; s'il est importé d'un État tiers, il s'agira des autorités qui ont délivré l'autorisation d'importation. Elles sont chargées d'informer le comité des médicaments247 et la Commission de tous cas où le fabricant ou l'importateur ne remplit pas les obligations qui lui incombent. L'autorité compétente pourra dans le cadre de sa mission effectuer des inspections pour s'assurer que le titulaire de l'AMM satisfait ou non aux exigences de sécurité imposées par les textes.

Obligations du titulaire de l'AMM dans le cadre de la surveillance. Premièrement, il est tenu d'introduire toutes les modifications nécessaires pour que le médicament soit fabriqué et contrôlé selon des méthodes scientifiques généralement acceptées en tenant compte des méthodes de fabrication et des progrès techniques et scientifiques.

Deuxièmement, il a l'obligation de fournir à l'Agence, à la Commission et aux États membres toute nouvelle information susceptible d'entraîner une modification des renseignements et des documents fournis. De même, il est tenu d'informer ces derniers de toute interdiction ou restriction imposée dans les pays où le médicament est mis sur le marché ainsi que toute autre information qui pourrait influencer l'évaluation bénéfice/risque du médicament.

244 Considérant n°2, Directive 2010/84/UE du Parlement Européen et du Conseil du 15 décembre 2010

245 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22

246 Chapitre 2, articles 16 et s. et Chapitre 3, articles 21 et s., Règlement CE 726/2004

247 Article 5, Règlement 726/2004 : Le comité des médicaments à usage humain relève de l'Agence européenne des médicaments. Il est chargé de préparer les avis de celle-ci sur toute question relative à l'évaluation des médicaments à usage humain.

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Pharmacovigilance. Les obligations de pharmacovigilance sont imposées, sous peine de sanction en cas d'irrespect, aux États membres et aux titulaires des AMM.

En premier lieu, les États membres mènent des politiques incitatives vis-à-vis des patients, médecins et autres professionnels de santé afin de les encourager à notifier tout effet indésirable d'un médicament mis sur le marché. Aussi, ils mettent en place un système de pharmacovigilance dont l'objet est de recueillir et d'évaluer toute information relatives à la surveillance des médicaments et notamment concernant leurs effets indésirables. Ces informations seront transmises aux autres États membres et à l'Agence européenne.

En second lieu, l'article 23 du règlement précité impose, de façon permanente et continue, au titulaire de l'AMM d'avoir à sa disposition une personne possédant les qualifications appropriées responsable en matière de pharmacovigilance. Il s'agit là d'une injonction limitant la liberté d'organisation des entreprises titulaires de l'AMM. Cette personne devra fournir des rapports aux autorités compétentes des États membres et à l'Agence européenne et devra répondre à leurs demandes d'information concernant l'évaluation du rapport bénéfice/risque du médicament. Aussi, cette personne devra établir et gérer un système garantissant que les informations sur tous les effets indésirables présumés signalés au personnel de l'entreprise et aux représentants médicaux sont rassemblées, évaluées et traitées de façon à être accessibles en un endroit unique dans la Communauté.

Retrait, suspension, modification de l'AMM. Comme le résume Mme DE GROVE-VALDEYRON, « Si un État estime, à la suite de l'évaluation des données de pharmacovigilance, qu'il faut suspendre, retirer ou modifier l'AMM, il en informe immédiatement l'Agence, les autres États et le titulaire de l'autorisation. »248

Suspension en cas d'urgence. L'article 20, al. 4 du règlement précité précise que lorsqu'une action d'urgence est indispensable pour protéger la santé humaine ou l'environnement, un État membre peut, de sa propre initiative ou à la demande de la Commission, suspendre l'utilisation sur son territoire d'un médicament autorisé. S'il agit de sa propre initiative, l'État devra informer la Commission et l'Agence des raisons de son action, au plus tard le jour ouvrable qui suit la suspension.

Outre ces dispositifs de surveillance, l'exploitation du médicament est strictement encadrée.

248 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo