2.3.- Contexte théorique des opérations
de fusions-absorption
Par rapport à ces motifs, les fusions-absorptions ont
été étudiées à partir d'une grande
variété d'angles théoriques. Rappelons qu'aucune
étude empirique n'a étudié les impacts et
conséquences qu'induisent les opérations de fusion-acquisition
des IAA sur le portefeuille de marques des entreprises impliquées dans
ces activités. En outre, aucun cadre théorique n'existe qui
décrit les impacts produits par ces opérations sur le
marché. En raison de cette absence de fondement théorique direct
sur les effets post-fusion des IAA sur la marque et le marché, la
recherche sur des travaux similaires a été prise en compte dans
l'élaboration de ce cadre conceptuel.
Les théories mises en place pour l'analyse des
opérations de restructuration des entreprises sont les plus souvent
puisées de l'économie des coûts de transaction, la
théorie des réseaux sociaux, la théorie des ressources, et
la théorie d'apprentissage de l'organisation. En suivant l'analyse de
Christian Homburg et Matthias Bucerius (A Marketing Perspective on Mergers and
Acquisitions : How Marketing Integration Affects Postmerger Performance,
January 2005), cette présente étude peut être ancrée
dans la théorie des ressources (Annexe 8). Christian Homburg et Matthias
Bucerius utilisent la théorie des ressources qui explique une
performance supérieure par des ressources spécifiques appartenant
à l'entreprise (Barney, 1991; Peteraf 1993; Wernerfelt 1984). À
la suite de Barney (1991, p. 101), qui définit les ressources "comme des
actifs, les processus organisationnels, les capacités,
caractéristiques de l'entreprise, informations, connaissances, etc.
contrôlées par une entreprise afin de concevoir et d'appliquer des
stratégies qui lui permettent d'améliorer son efficacité
et sa productivité. "Selon cette théorie, les ressources doivent
satisfaire à quatre exigences de valeur, de rareté,
d'imitabilité imparfaite, et d'insubstituabilié (Barney, 1991)
affectant les performances de l'entreprise. Selon ces chercheurs, l'analyse
relative aux ressources a été utilisée fréquemment
comme une explication théorique des opérations de
fusions-absorptions (e.g., Anand and Singh 1997; Karim and Mitchell 2000).
Le point de vue ressources a trouvé un appui
considérable dans la littérature de la stratégie de
l'entreprise, dans lequel il a d'abord été introduit (Wernerfelt,
1984). De nombreux théoriciens de l'organisation affirment que les
entreprises se confrontent à des contraintes (en termes de
capacités intellectuelles et de temps), en ce qui concerne le
développement interne de nouvelles ressources (e.g., Nelson and Winter
1982; Singh and Montgomery 1987). Par conséquent, de nombreuses
entreprises se tournent vers le marché pour obtenir des ressources
nouvelles (Capron, Dussauge, et Mitchell 1998). Parce que quelques ressources
sont disponibles comme des entités uniques, les entreprises doivent
acquérir d'autres entreprises pour extraire toute la valeur des
ressources appartenant à l'entreprise acquise (Barney, 1986). Une
question clé dans la recherche sur les fusions-absorptions qui adopte
une perspective relative aux ressources est : dans quelle mesure les
entreprises fusionnées intègrent certaines ressources
après une fusion, ou une acquisition afin de parvenir à une
position concurrentielle plus forte et donc un rendement financier
supérieur ? A titre d'exemple, Capron, Dussauge et Mitchell (1998)
analysent les conséquences sur les performances liées à
l'intégration de la recherche et développement, de la
fabrication, du marketing et de la gestion, de la finance, et de hauts cadres
ressources. Ces auteurs font valoir que, parmi les ressources qui peuvent
potentiellement contribuer à la performance des entreprises après
la fusion, les ressources marketing comme les marques et les forces de vente
sont des sous-ensembles très importants qui peuvent être
détenues par les entreprises. Ce qui ne met pas en avant ici, c'est la
valeur du capital humain, très difficile à évaluer
d'ailleurs. De plus, d'autres chercheurs avancent que les ressources marketing
ont été reconnues comme un sous-ensemble essentiel pour les
entreprises (Day 1994; Dierickx et Cool 1989; Kapferer 1992).
De ce fait, les opérations de fusion-absorptions sont
considérées comme un moyen de capter des ressources marketing,
telles que les marques et/ou des forces de vente, que les entreprises trouvent
difficile à développer en interne et qu'elles sont incapables
d'acheter comme des entités distinctes sur le marché
extérieur.
9
2.3.1- Les marques comme exemple de ressource
Les chercheurs en marketing ont récemment
commencé à examiner les implications de cette théorie
(théorie des ressources) à la commercialisation (par exemple,
Dickson 1992, 1996; Hunt et Morgan, 1995, 1996, 1997) par
l'intermédiaire de la marque. Ces chercheurs font valoir qu'il y a un
large accord dans les domaines de la commercialisation, (Aaker 1996; Kapferer
1992; Keller 1993; Shocker, Srivastava et Ruekert 1994) et de la
stratégie (Amit et Schoemaker 1993) que les marques peuvent constituer
des ressources précieuses de l'entreprise. En outre, les marques qui
pourraient conduire à un avantage concurrentiel durable peuvent
être considérées comme des ressources rares. Les
récentes tentatives pour définir et mesurer
l'équité de la marque suggèrent que les marques dont les
actions fortes sont rares. Elles ont une valeur considérable
lorsqu'elles sont étendues à des variantes de nouveaux produits
ou catégories de produits (Bergen, Dutta, et Shugan 1996; Dacin et
Smith, 1994; Park et Srinivasan 1994).
Les entreprises se tournent souvent vers le marché pour
acquérir ou vendre des marques (fusion-absorption ou cession).
Toutefois, ce processus d'échange peut être entravé par
deux problèmes liés: une incapacité à estimer la
valeur économique des marques et la gestion inappropriée des
marques lors de son transfert (Kapferer, 2008). En tant qu'actifs incorporels,
les marques sont souvent liées à des routines, des
systèmes et des cultures d'entreprises spécifiques, qui indiquent
une forte complexité organisationnelle de l'entreprise. Les marques sont
devenues l'un des actifs incorporels les plus gérables et critiques de
l'entreprise. Selon Yana Kuzmina, le changement dans le rôle
stratégique des marques s'est produit dans les années 1980. Avant
cette époque, les fusions et les acquisitions ont été
évaluées principalement sur les immobilisations corporelles
concernées. Mais dans les années 1980, les entreprises ce sont
rendu compte que les noms de marque avaient souvent beaucoup plus de valeur que
le principal actif d'une entreprise. En conséquence, les valeurs des
noms de marques comme Aptamil, Buitoni, ou Côte d'Or ont
considérablement augmenté parce que les acheteurs paient
plusieurs fois la «valeur comptable» des marques acquises et autres
actifs incorporels. A titre d'exemple, en 1988, Philip Morris a acheté
Kraft, en accordant environ six fois la valeur de l'entreprise,
représentée par des actifs tangibles (méthode
DCF6, Annexe 10). Cette "prime au prix" reflète
principalement la valeur perçue de la marque «Kraft» (Klein,
1999).
Comme un actif intangible, les marques ont une valeur
financière qu'on ne doit pas négliger (Shocker et Weitz 1988,
Tauber 1988, Murphy 1992, Barwise 1993, Simon & Sullivan 1993, Lane &
Jacobson 1995). Donc, après fusion, il peut y avoir l'apparition des
marques possédant un capital très fort sur le marché.
Cette augmentation de noms de marque a connu un tournant en ce qui concerne le
rôle des marques, non seulement du point de vue marketing, mais aussi du
point de vue de la stratégie globale de l'entreprise (Kuzmina, August
2009).
Ce travail présente des limites pour les chercheurs en
marketing parce que les opérations de fusion-absorption ont tendance
à se concentrer sur le modèle de déploiement des
ressources marketing suite à une acquisition (Capron & Hulland,
1999; Homburg & Bucerius, 2005), et sur la façon dont les clients et
les consommateurs pourraient réagir à la nouvelle
propriété, en particulier, si le résultat peut être
un gain ou une perte de loyauté, telle que mesurée par l'attitude
ou le comportement (Jaju et al., 2008). Cela risquerait d'entraîner une
diminution de la cohérence du portefeuille de marques d'origine qui
atteint parfois un point où un changement de nom en tout ou partie des
éléments de la hiérarchie de la marque devient une
nécessité de gestion (Muzellec & Lambkin, 2006). A partir de
cette indication en ce qui concerne le portefeuille de marques par rapport aux
opérations de restructuration des firmes, il est important de formuler
l'hypothèse suivante :
6 La méthode des DCF (Discounted Cash Flow) ou des Cash
Flow Libres consiste à évaluer la société sur la
base de prévision de flux d'exploitation actualisés au taux moyen
de rendement exigé par les pourvoyeurs de fonds (autrement dit les
actionnaires et les créanciers).
10
« Les opérations de fusion-absorption
interentreprises agroalimentaires ont un impact et des conséquences
considérables sur la marque et le marché ».
Les informations disponibles suggèrent cependant que
l'image de la marque n'est généralement pas bien traitée
(Kumar & Blomqvist, 2004; Homburg & Bucerius, 2005). Il n'est
généralement accordé qu'une faible priorité aux
marques dans les négociations de fusion et généralement
les décisions sont prises sur la base de simples opportunités, ce
n'est qu'après l'opération de fusion ou acquisition que de
l'ordre est maintenu dans les portefeuilles de marque (Knudsen et al, 1997;
Ettenson & Knowles, 2006).
Idéalement, les décisions d'image de la marque
devraient être dictées par des considérations marketing,
qu'est l'occasion de signaler une nouvelle orientation stratégique pour
les intervenants de la société et d'extraire des synergies de la
marque des entités fusionnées. En ce qui concerne la marque en
particulier, les décisions impliquées dans les transactions de
fusions-absorptions devraient être soumises à l'effet de levier
qui consiste à dire que la valeur de la marque est
transférée par une tentative délibérée de
son capital par l'appréciation du partenaire le plus faible, ce qui
ajoute de la valeur à l'ensemble, l'entité combinée.
Malgré l'importance des ressources de marketing dans de
nombreuses absorptions horizontales, peu de recherches ont été
réalisées dans ce domaine. Notre étude traite de cette
lacune en analysant l'impact et les conséquences de ces
opérations sur les marques suite à des fusion-absorptions OPA
interentreprises agroalimentaires. La recherche bibliographique nous a fourni
une base théorique pour la proposition fondamentale de cette
étude, à savoir des ressources de marketing comme les marques et
les forces de vente des entreprises fusionnées sont pertinentes pour
analyser les impacts et conséquences post fusion. Enfin, une analyse de
certaines opérations avant et post fusion donnera des résultats
qui serviront d'argument de vérification des hypothèses
fixées afin de faire ressortir les impacts et conséquences de ces
opérations sur la marque et le marché.
|