CHAPITRE 1. CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
Le sol est l'un des patrimoines les plus précieux de
l'humanité. Selon Ahlgreen (1997), il vient en premier et est la base et
la fondation de l'agriculture. Une bonne agriculture commence par une parfaite
connaissance du sol. Au Bénin, le sol conditionne le revenu d'un nombre
important de la population rurale. La population du Bénin est
essentiellement jeune, rurale et caractérisée par une croissance
dont la tendance est soutenue pendant plusieurs années. En effet, la
population a doublé d'effectif en l'espace de 23 ans, passant de
3.331.210 habitants en 1979 à 6.769.914 habitants en 2002 (INSAE, 2003).
Cette augmentation de la population fait appel à de nouvelles
occupations de l'espace ; à une agriculture intensive et extensive
pour mieux répondre aux besoins alimentaires des hommes. Ceux-ci pour
leur survie, exercent alors une pression sur la nature qui se dégrade.
La dégradation des ressources naturelles en général et de
la fertilité des sols en particulier est donc l'oeuvre de l'homme. Ce
dernier, face au récurrent problème de pauvreté, utilise
des méthodes dégradant les terres afin de subvenir à ses
besoins à partir des ressources déjà peu productives (De
Haan et Ton, 1994 ; Mongbo et Floquet, 1998 ; PAE, et PNGT, cités par
Dangbégnon, 1998). Le développement de la monoculture sans
amendements accélère la dégradation des sols avec ses
corollaires de baisse de fertilité et de baisse drastique de rendement
des cultures, qui, de nos jours, constituent une préoccupation majeure
au Bénin. Ce phénomène se trouve sans cesse
amplifié par la pression démographique et la quasi-disparition de
la jachère naturelle des pratiques culturales. Pour satisfaire leurs
besoins, les populations rurales exploitent de vastes superficies agricoles, ce
qui entraîne la dégradation des sols (Agbahungba et Assa,
2001).
Face à cette situation, la connaissance des sols, leur
conservation et la gestion de leur fertilité en vue d'une production
agricole durable sont des avantages pour les marchés intérieurs
et extérieurs d'un pays comme le Bénin qui dispose des terres
agricoles de bonnes potentialités avec 65 % de superficies cultivables.
Il est possible, si ces potentialités sont bien exploitées, que
le pays réalise pleinement son autosuffisance alimentaire et
dégage d'importantes devises par un bon aménagement agricole
(Agossou, 1983).
Des produits exportés provenant de l'agriculture, le
coton ou l'or blanc fournit plus de la moitié des ressources
financières des pays de l'Afrique de l'Ouest (Ochou, 2004). Au
Bénin, le coton est resté pendant longtemps la plus importante
culture de rente et le principal produit d'exportation. Plus de 100.000
ménages ou près de 1.000.000 de personnes dépendent de la
production cotonnière pour leur subsistance (Baffes, 2002). Les recettes
d'exportation du coton fibre contribuent pour 70 % aux exportations du
Bénin. La filière coton rapporte 25 % des recettes fiscales
à l'Etat béninois (MAEP, 2001). Le coton béninois avait la
réputation d'être le plus compétitif en Afrique.
Actuellement la culture du coton est en recul ; le doute s'installe et des
appréciations plus ou moins négatives sur sa
compétitivité se multiplient. Ainsi, une « faible
production, des coûts trop élevés, une qualité
dégradée, un environnement en péril, un producteur en
faillite et incapable d'évoluer » sont quelques uns des maux
dont souffre la filière coton au Bénin (Gagnon, 2006). Alors, le
coton peut-il être considéré comme une filière
efficace de lutte contre la pauvreté ? Les difficultés que
connaît la filière coton ces dernières années
créent beaucoup d'inquiétudes chez les acteurs et les partenaires
techniques et rendent dubitable son devenir.
La commune de Djidja au Bénin, cadre
géographique de cette étude est celle qui produit plus de coton
dans le département du Zou. Les différents sols de cette commune
sont-ils aptes à la production du coton ? Les conditions de leur
exploitation permettent-elles d'avoir de bons rendements du coton ?
Quelles sont les conséquences de la culture du coton sur ces
sols ?
Nos investigations sur le terrain aideront à apporter
à toutes ces préoccupations des approches de réponses pour
une meilleure utilisation de la superficie effectivement cultivée. Dans
la commune de Djidja, 46 % de sa superficie est cultivée (Afrique
conseil, 2006). Pour une utilisation efficiente de cette superficie, la
connaissance des différents types de sols et leurs aptitudes à
chaque culture s'avère indispensable.
Notre recherche s'inscrit dans la thématique relative
à la dégradation des ressources naturelles et à la baisse
de la fertilité des terres.
De nombreux chercheurs ont traité de cette question de
la dégradation des ressources naturelles et ont proposé des
théories qui expliquent le phénomène.
Au nombre de ceux-ci, nous pouvons citer: Allen (1965)
cité par Harris (1982) ; Boserup (1970) ; Ossseni
(1886) ; Essouma (1992) ; Agossou et Igué (2002) ;
Igué (1995) ; Igue et al (2006).
Ces auteurs fondent leurs approches sur la croissance
démographique et les changements socio-économiques,
technologiques et culturels qu'elle engendre comme principaux facteurs de la
dégradation des ressources naturelles. Ils établissent alors des
liens entre les facteurs démographiques, technologiques,
socio-économiques, culturels et ceux environnementaux pour expliquer la
dégradation des ressources naturelles.
En revanche, d'autres pensent que ce sont les systèmes
de production et les pratiques culturales peu conservatrices de l'environnement
qui sont les causes déterminantes de cette dégradation.
Au-delà des facteurs démographiques, pour eux ; ce sont les
techniques de production qui sont les premières responsables de la
dégradation des ressources naturelles. Dans ce groupe, on peut citer
Agossou et Igué (2002), Igué (2000).
Ces facteurs entraînent la baisse de la diversité
biologique. En effet, lorsque l'on part des champs en exploitation vers les
anciennes jachères, le nombre d'espèces diminue avec l'âge
de la jachère. Ce système de culture désorganise la
structure des peuplements. L'insécurité dans la tenure
foncière accentue l'impact négatif des systèmes de
cultures sur les ressources naturelles. Cette dernière approche nous
paraît plus opérationnelle dans le cadre de notre étude.
Pourtant, elle ne couvre que partiellement notre sujet d'étude. En
effet, bien que les facteurs suscités soient des facteurs de la
dégradation des ressources naturelles en général et de la
baisse de la fertilité des terres en particulier, l'évaluation
des terres constitue un autre facteur indispensable de protection de
l'environnement. D'ailleurs, elle suppose que les utilisations
envisagées peuvent être pratiquées sur une période
donnée. Ceci exige que toute conséquence nuisible pour
l'environnement ne soit ni sérieuse ni progressive. Elle suppose aussi
que les systèmes de cultures respectent la comptabilité de
l'utilisation envisagée avec les potentialités des terres, pour
une gestion rationnelle et durable de ces dernières. Les paysans de
Djidja tiennent-ils compte de ces réalités dans la gestion de
leur superficie cultivable ? Les objectifs que nous nous sommes
fixés pour ce travail nous permettront de le vérifier.
La littérature en matière d'évaluation
des terres est riche, abondante et variée. Certains ouvrages, articles,
études et publication ont particulièrement retenu notre attention
et mérite d'être rappeler. Il s'agit de :
ü IGUE A. M., 2000: The use of a soil and terrain
Database for évaluation procedure-case study of central Bénin.
Thèse de Doctorat; Universität Hohenheim. 235p. ISSN 0942-0754.
Ce document a le mérite de faire l'historique des
études du sol du Bénin, de décrire et de comparer les
approches qualitatives et quantitatives, de présenter divers
modèles d'évaluation de la perte de terre sous l'effet de
l'érosion. Il décrit aussi tous les aspects physiques du milieu
d'étude. Il évalue les éléments du climat du
milieu, les caractéristiques édaphiques et chimiques de ces sols
pour les cultures pratiquées dans la zone d'étude. Enfin, il a
analysé les risques d'érosion hydrique dans la zone et
étudié l'impact des activités anthropiques sur la
dégradation des sols dans le centre Bénin.
Toutefois, il aborde l'étude des sols du Bénin
de façon générale. Ceux spécifiques de Djidja n'ont
pas été étudiés dans le détail.
ü SYS C., 1985: Land evaluation Part I, II et III Ghent,
Agricultural publication N°7. General administration for development
cooperation. Belgium.352 p.
Ce livre est subdivisé en trois grandes
parties :
o Dans la première partie, l'auteur clarifie les
questions de généralités sur les utilisations des terres
telles que les ressources physiques et humaines nécessaires à ces
utilisations, la planification de ces utilisations, l'évaluation des
terres, l'interprétation des caractéristiques des terres. Enfin,
il aborde la question de l'humidité du sol.
o Dans la deuxième partie, il expose l'irrigation, les
méthodes d'évaluation des terres et compare ces
différentes méthodes.
o Dans la troisième partie, il présente à
l'aide des tableaux, les exigences climatiques et édaphiques de quelques
cultures telles que le mil, le sorgho, le maïs, le manioc, l'arachide, la
canne à sucre, la banane douce, le coton, le cocotier, etc., puis les
méthodes utilisées pour déterminer leurs exigences.
Ce travail a le mérite de présenter les
conditions édaphiques de plusieurs cultures et les conditions de
fertilité d'un sol. Mais l'auteur n'est pas parvenu à appliquer
les données présentées concernant les cultures et la
fertilité des sols à un milieu spécifique.
ü ESSOUMAN H., 1992 : Etude socio-économique
de quelques facteurs de dégradation des ressources naturelles : cas
de la sous-préfecture de Ouessè (Département du Zou)
UNB/FSA Abomey-Calavi Bénin 135p.
L'auteur soutient qu'en dehors des facteurs externes au groupe
social tels que l'accroissement démographique, les techniques
inappropriées de mise en valeur, les systèmes de cultures
pratiqués, il existe des facteurs socio-économiques et culturels
qui ont joué un rôle prépondérant dans le processus
de dégradation des ressources naturelles à Ouèssè.
En effet, il montre que l'étude socio-économique de
l'évolution de la dégradation des ressources naturelles du
milieu, faite dans une approche historique, révèle que cette
dégradation est liée à l'absence d'un pouvoir central et
d'un mécanisme de contrôle permettant de réglementer
l'accès à la terre et aux autres ressources naturelles à
l'Ouest, en milieu Mahi et à la perte progressive du pouvoir
central à l'Est, en milieu Tchabè.
Il propose alors que les aspects socio-économiques et
culturels soient pris en compte, de même que la motivation des
populations concernées dans la lutte pour la protection de
l'environnement dans la commune de Ouèssè.
Mais le choix des responsables dans le milieu pour
réglementer l'utilisation des sols ne suffit pas pour limiter la
dégradation des ressources naturelles. D'autres facteurs importants
comme les techniques culturales, la poussée démographique ont
été ignorés par l'auteur.
De ces ouvrages, ceux Igué (2000) et de Sys (1985) nous
ont été les plus utiles. Ils nous ont permis d'avoir les
caractéristiques édaphiques de chaque culture, les conditions
pour déterminer la fertilité d'un sol, de connaître les
généralités sur les sols du Bénin. Leur silence sur
certaines de nos préoccupations a conditionné la
détermination de plusieurs centres d'intérêt pour notre
travail sur la commune de Djidja. Ainsi le chapitre suivant de notre travail
consacré au cadre d'étude abordera les centres
d'intérêt non évoqués par Igué (2000) et de
Sys (1985) afin de mieux présenter l'assiette physique, le cadre humain
et socio-culturel ; facteurs déterminants de la production
agricole.
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