III. INTERET ET METHODE DE L'ETUDE
L'objet de cette étude se décline en deux axes
majeurs. Il s'agit d'une part de l'intérêt (A) et d'autre part de
la démarche méthodologique (B).
A. L'INTERET DE L'ETUDE
Les règles régissant la gestion de la DPI du
Cameroun n'étant pas répertoriées ou contenues dans un
support juridique précis, il peut être envisagé
l'utilité de la systématisation de ces règles et textes.
Il ne s'agit pas de décrier l'absence de codification en la
matière mais dans un souci didactique de cohérence et de
systématisation, il faut indiquer l'aspect théorique de
l'intérêt de l'étude.
La grave crise économique qui a ébranlé
les finances publiques du Cameroun, a empêché l'Etat de
s'acquitter normalement de ses engagements aussi bien vis-à-vis des
nationaux que des étrangers88. Tous les secteurs de
l'activité économique ont été affectés. Le
système bancaire a dû être restructuré de fond en
comble ainsi que les entreprises publiques et parapubliques89. La
chute de certaines banques90 a causé d'énormes pertes
à leurs clients. Le
88La CAA retient le terme de "résidents" et de
"non résidents".
89 Décret n°97/1 du 03 janvier 1997 modifiant
certaines dispositions du décret n°95/56 du 29 mars 1995 portant
réorganisation de la mission de réhabilitation des entreprises du
secteur public et parapublic.
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Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
traitement de la dette publique intérieure fait donc
appel à plusieurs mécanismes financiers dont les plus classiques
déjà mis en oeuvre, à savoir la technique du moratoire
à compter de l'exercice 1988/89 et la compensation fiscale, n'ont
apporté que des réponses fragmentaires à la
problématique de cette dette.
Les premières mesures techniques appliquées au
traitement de la dette publique intérieure ont consisté en un
recours à des mécanismes juridiques et financiers classiques
s'appuyant soit sur la consolidation et le rééchelonnement des
échéances, soit sur le paiement par compensation des dettes
réciproques. Cependant la recherche des solutions alternatives par le
biais de mécanismes dits novateurs, introduit dans le système
financier91 camerounais certaines réformes ou
aménagements qu'il convient de présenter. Ainsi donc aux
mécanismes classiques, se sont ajoutés des mécanismes
novateurs.
Au nombre de deux, les mécanismes dits classiques sont
les rééchelonnements et la compensation. Le
rééchelonnement est définie dans la pratique
administrative comme une « opération consistant
à différer officiellement les paiements au titre du service de la
dette et en l'établissement pour les obligations
différées, d'un nouvel échéancier prévoyant
un délai de remboursement plus long. Il donne bien à un
allégement de la dette sous la forme d'un recul des
échéances et, dans le cas d'un rééchelonnement
concessionnel d'une réduction des obligations du service de la dette
»92.
La solution du rééchelonnement a
été la première réponse apportée au
traitement de la dette publique intérieure. Mise en oeuvre dès
l'exercice 1988/89, elle a d'abord concerné la dette commerciale
vis-à-vis des fournisseurs et des prestataires de service de
l'Administration,
Décret n°99/2010 du 22 septembre 1999 portant
admission de certaines entreprises du secteur public et parapublic à la
procédure de privatisation.
Loi n° 99/016 du 22 septembre 1999 portant statut
général des établissements publics et des entreprises du
secteur public et parapublic.
90 Mathurin TCHAKOUNTE NJODA et Charles Alain BITA, « La
reforme du secteur bancaire camerounais », Revue africaine de
l'Intégration Vol. 3. No. 2, Octobre 2009, PP. 1- 64.
91 LALUMIERE (P), Finances publiques, op.cit., P.
524.
92 CAA , dette publique et publiquement garantie du
Cameroun porte feuille au 31 décembre 2010 et analyse de la
viabilité P. 87.
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et principalement, des entreprises du secteur du
bâtiment et des travaux publics avec lesquelles des conventions du
moratoire93 ont été signées.
A cet effet, cent huit (108) entreprises ont signés des
conventions dites de « régularisation et de
règlement définitif de la dette commerciale ».
Ces conventions prévoyaient un mécanisme de cession
de créances94 à destination exclusive des banques et
des établissements financiers, sous réserve de l'accord
exprès et préalable du MINFI.
Ce mécanisme a également été
utilisé pour le traitement de la dette bancaire notamment la dette issue
des opérations de liquidation et de restructuration du secteur bancaire,
de l'apurement des arriérés accumulés et des encours non
échus relatifs aux bons d'équipement95 émis par
la Société Nationale d'Investissement (SNI), de
l'apurement de la dette bancaire de certaines entreprises publiques
exerçant dans les filières des produits de base (café,
cacao et coton). Il s'agit entre autres de la SODECOTON, de
l'ONCPB96 et de la SEMRY. Enfin,
le rééchelonnement a été appliqué aux
emprunts d'Etat auprès des organismes financiers afin d'assurer le
financement d'opérations liées à l'exécution
budgétaire notamment en matière d'investissements publics d'une
part.
D'autre part, face à la contraction accrue de la
liquidité de l'économie, le Gouvernement a autorisé la
compensation comme mécanisme juridique et financier de règlement
de la dette publique intérieure
Sur le plan juridique, la compensation est un mode
d'extinction des obligations réciproques qui dans le cas d'espèce
met en présence l'Etat et ses créanciers, redevables fiscaux. Du
point de vue strictement financier, il s'agit d'un mode de paiement par lequel
les créances et les dettes se règlent au moyen de virements
réciproques97.
Afin d'optimiser leur rendement, il avait été
proposé de les étendre au gisement des créances de la
Société de Recouvrement du Cameroun (S.R.C) par
le biais du mécanisme
93 Rapport non publié du secrétariat
d'Etat du MINFI sur la stratégie de traitement de la dette
intérieure du Cameroun, op.cit, P. 4.
94 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, op.cit, P. 201.
95 Cf. Décret n°63-DF-246 sur la souscription des
compagnies d'assurance aux bons d'équipement.
96 BIDIAS (B), Finances publiques du Cameroun, op.cit,
PP. 499 et s.
97 BERNARD (Y) et COLLI (JC), Vocabulaire économique
et financier, éd. Du seuil, 1976, P. 106.
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Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
triangulaire98. Les opérations
compensatoires effectuées par le Trésor consistent toujours
à couvrir une dépense autorisée par une recette
dûment identifiée. Ainsi donc, l'instruction ministérielle
décrit les opérations comptables dans le but de retracer
l'intégralité des opérations réciproques de chaque
partenaire tout en précisant le sort réservé au reste
à recouvrer ou à payer demeurant en solde dans les livres du
Trésor. Ce mécanisme a été appliqué à
la dette commerciale de l'Etat à l'égard de ses fournisseurs, aux
échéances de la dette « moratoriée »
pour l'essentiel aux entreprises du bâtiment et des travaux
publics.
L'analyse des mécanismes classiques de gestion de la
DPI amène à constater que leur mise en oeuvre constitue une
réponse positive mais partielle au problème de la crise de la
dette. Car sa gestion pose un problème dont la diversité
catégorielle ne peut s'accommoder d'une approche unique ou exclusive.
Bien que l'élargissement du mécanisme de compensation offre des
perspectives prometteuses de réduction substantielle de l'encours de la
dette intérieure, il s'avère que l'essentiel de la recherche des
solutions alternatives plus créatives par le biais des mécanismes
novateurs ou modernes, a été rendu nécessaire.
Ces mécanismes dits novateurs aboutissent à la
mise en oeuvre par l'Etat de différentes modalités de conversion
de cette dette qui se fondent essentiellement sur la titrisation. Mais avant de
se pencher sur ce mécanisme qui est le socle de cette étude, il
faut d'abord analyser les deux autres mécanismes dits novateurs.
Le premier mécanisme dit novateur de gestion de la DPI
est « la conversion de la dette en contrepartie de la
protection de l'environnement » ou «
Debt-for-nature swap ». Ce mécanisme de conversion de
la dette a été institué au Cameroun dans le but de
remédier à la dégradation de l'environnement tout en
allégeant le poids de la dette dans un contexte de restructuration de
l'économie et des finances publiques camerounaises. Pour ce faire
l'intervention et l'aide des organisations non gouvernementales99 de
protection de l'environnement telles que le Fond Mondial pour la Nature
(WWF) ou de la Conservation Internationale « Nature
Conservancy », ont été nécessaires. La
protection de l'environnement est une préoccupation d'ordre
constitutionnel.100 Les modalités de mise en oeuvre de ce
98 Rapport non publié du secrétariat
d'Etat du MINFI sur la stratégie de traitement de la dette
intérieure du Cameroun, op.cit, PP. 11-13.
99 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, op.cit, P. 492.
100 Préambule de la loi constitutionnelle N°96/06 du
18 janvier 1996, op.cit.
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Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
mécanisme sont simples. L'organisation chargée
de la protection de l'environnement aide le Trésor public à
convertir la dette en obligations.101 Le créancier de l'Etat
reçoit les obligations en contrepartie de sa créance sur
l'Administration102 qu'il peut revendre au groupement de la
protection de la nature.
Dans le même ordre d'idées, le Cameroun dispose
à sa portée outre le "débt-for-nature
swap", du mécanisme d'échange de créances
contre des actifs103. Le mécanisme d'échange de
créances contre des actifs a pour objectif de dynamiser les
activités économiques par un accroissement des opérations
d'investissement tangible en faveur des créanciers. Il a surtout
été appliqué dans le cadre de restauration et de
privatisation des entreprises publiques104 et du secteur
bancaire.
Ce mécanisme, plus économique que juridique,
vise à dynamiser les activités économiques par un
accroissement des opérations d'investissements dans le secteur
productif. Il permet, dans un contexte de recherche des moyens internes de
financements, de faire participer les opérateurs économiques
nationaux et étrangers aux opérations de relances des
activités marchandes. A cet effet, les dettes commerciales et
« moratoriées » peuvent être
converties en actifs remis sous forme de titres de participation dans des
sociétés d'économie mixte105 et en contrepartie
de la dette, l'Etat cède une partie du capital lui appartenant dans
cette société (en restructuration ou à privatiser). Les
actifs réels de l'Etat (terrain et immeubles) peuvent être
cédés en échange des créances détenues par
ses fournisseurs et prestataires de services.
La troisième stratégie de traitement de la DPI
du Cameroun est la titrisation qui consiste à transformer des
engagements non négociables d'un débiteur en valeurs
mobilières et cessibles remises en échange au créancier.
C'est un mécanisme qui rend liquide une
101 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, op.cit, P. 492.
102 Idem. P.19.
103 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, op.cit, P. 19.
104 Décret n°99/2010 du 22 septembre 1999 portant
admission de certaines entreprises du secteur public et parapublic à la
procédure de privatisation, op.cit.
105 Cf. Loi n° 99/016 du 22 septembre 1999 portant statut
général des établissements publics et des entreprises du
secteur public et parapublic. op.cit.
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Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
créance non transformable ou
"gelée"106 dont la mise en oeuvre
est fondée sur certains principes107.
Ce mécanisme a vu le jour aux Etats-Unis dans les
années 1970. La titrisation a d'abord été appliquée
aux prêts immobiliers avant d'être élargi à d'autres
produits108. En 1988, la règlementation française est
réaménagée pour permettre la titrisation en utilisant les
mécanismes du Fonds Commun de Créances109.
La présentation globale et sommaire de ces
différents mécanismes, de gestion de la DPI est une exigence
méthodologique car elle permettra de mieux faire ressortir au cours de
l'analyse, les spécificités de la titrisation par rapport aux
autres mécanismes.
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