L'ETAT
Le principe en matière de titrisation repose sur
l'évaluation des risques. Une bonne évaluation de la
qualité des titres émis passe par l'analyse du rôle
technique des agences de notation financière (1) et ce mode
d'évaluation des risques de solvabilités des titres émis
par l'Etat connaît une sorte d'adaptation au Cameroun(2).
1. LA NOTATION FINANCIERE
A priori, les titres de créances négociables
émis par l'Etat et/ou avec sa garantie ne posent pas le problème
d'évaluation de la prise de risque de « défaut
de papier en circulation »242. En effet,
l'expansion des émissions des titres aux institutions privées a
mis en exergue la possibilité d'une défaillance de
l'émetteur. Pour ce faire, et eu égard à l'ampleur du
risque potentiellement encouru, il convenait de trouver une solution idoine
à l'étude de « crédits conventionnels
».243 Cette garantie n'était donc plus
attribuée à l'émetteur lui-même mais plutôt au
papier émis. Ce rôle est dévolu aux agences de notation
financière qui sont chargées de l'étude approfondie du
« risque ». Pour BABISSAKANA
et ABISSAMA
242FERRANDIER (R) et KOEN (V), Marché de
capitaux et techniques financières, op.cit. P.140. REYGROBELLET
(A), La notation de valeur mobilière, thèse Paris II,
1995.
243 FERRANDIER (R) et KOEN (V), Marché de capitaux
et techniques financières, op.cit. P.140.
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ONANA, « la notation
financière ou le crédit rating est une évaluation globale,
rigoureuse et indépendante des performances qui conduit à une
appréciation du risque de défaillance d'un emprunteur ou
émetteur »244. Le rôle des
agences de notation financière concerne également les valeurs
mobilières inhérentes à la titrisation sous réserve
des dispositions prévues par l'article 12(3) de la loi concernée.
Ces agences sont intervenues dès les premières opérations
de titrisation afin de noter les émissions réalisées par
les véhicules de titrisation.245 Leur intervention
était d'autant plus justifiée que la nouveauté et la
relative complexité des financements structurés ne permettaient
pas aux investisseurs de se faire une idée claire et précise des
risques auxquels ils s'exposaient en achetant des obligations
titrisées246.
La notation financière est faite par les agences
privées indépendantes247 dont les plus importantes et
réputées sont : Standard £ Poors (S&P), Moody's
Investors Service (Moody's) et Fitch Investors Service (FitchRatings). Ces
agences offrent leurs services aussi bien aux Etats qu'aux institutions
internationales, aux multinationales ou aux grandes entreprises. Cette notation
financière est importante dans le contexte africain en
général et sous régional248 en particulier au
regard du faible degré de transparence des Etats et des Entreprises.
Cependant sur quelle base se fonde-t-on pour évaluer la
solvabilité des titres émis ?
2. EVALUATION DES RISQUES DE SOLVABILITE DES TITRES
EMIS AU
CAMEROUN
Cette évaluation repose sur un mécanisme
crédible au cameroun. Il s'agit du Fonds de Garantie ou de
Réserve, qui est un « mécanisme crédible
et sécuritaire de paiement des
244 BABISSAKANA et ABISSAMA ONANA, Les débats
économiques du Cameroun et d'Afrique, op.cit., P. 282.
245 LAUTIER (D) et SIMON (Y), Ingénierie
financière, fiscale et juridique, op.cit. P. 22.
246 Cependant, les agences de notation ont été
critiquées pendant la crise des « suprimes » de 2007
pour n'avoir pas évalué et prévu le risque de
liquidité auquel furent confrontés les investisseurs.
247 BONNEAU (T) et DRUMMOND (F), Droit des marchés
financiers, 2e ed., Economica, Paris 2002, P. 282.
248 Zone CEMAC (Cameroun, Tchad, RCA, Gabon, Congo
Brazzaville, Guinée Equatoriale et par extension Sao Tomé et
Principe)
Selon BABISSAKANA et ABISSAMA Les débats
économiques du Cameroun et d'Afrique, « peu de pays
africains sont actuellement conscients du rôle central que jouent la
notation et les agences privées de rating pour l'accès aux
marchés de capitaux nationaux et internationaux ». Seulement
sept (7) pays africains sont actuellement notés à savoir la
Tunisie, le Maroc, l'Egypte, le Botswana, le Sénégal et l'Ile
Maurice, P 283.
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coupons des 2OT (banques) et des amortissements du
capital (compte séquestre et trust funds)
»249. En effet, l'émetteur des titres ne
constitue plus une garantie suffisante de solvabilité des titres qu'il
émet, mais c'est plutôt la note attribuée à ces
derniers par les agences de notation. Le marché de la titrisation est un
marché qui dépend en très grande partie de la
capacité des agences de notation à donner une note
financière à l'opération et à la confiance que les
acteurs financiers accordent aux conclusions de celles-ci. Les informations
qu'elles apportent sont essentielles aux souscripteurs de titres qui n'ont ni
le temps de s'investir dans l'examen d'un portefeuille d'actifs, ni les
instruments qui leur permettent de faire des simulations de performances de
portefeuille250. Le code monétaire financier français
en fait une obligation,251 tel n'est pas le cas au Cameroun ou du
moins en ce qui concerne le marché financier camerounais252.
Si cela est vrai pour d'autres, au Cameroun, une sorte de dérogation
à ce postulat est observé. En effet, selon un adage,
« l'Etat est son propre assureur ».
L'appréciation de ces agences correspond à
plusieurs niveaux de risques matérialisés par des lettres qui
symbolisent les notes. Par exemple et pour l'agence Standard and Poor's, le
triple A ou AAA est la note la plus
élevée, tandis que D est la note la plus faible.
249 CAA,Marché de EPN, op.cit., P. 33.
250 LAUTIER (D) et SIMON (Y), Ingénierie
financière, fiscale et juridique, Dalloz, Paris 2009, 1408 p.
251 Art. L214-44 du code monétaire et financier
français, op.cit.
252 Loi n°99 /015 du 22 décembre 1999 portant
création et organisation d'un marché financier, op.cit.
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ECHELLE DE NOTES CHEZ MOODY'S ET STANDARD AND
POOR'S.
CATEGORIE
|
STANDARD AND POOR'S
|
MOODY'S
|
INVESTMENT GRADE
|
AAA
|
Aaa
|
AA
|
Aa
|
A
|
A
|
BBB
|
Baa
|
SPECULATIVE GRADE
|
BB
|
Ba
|
B
|
B
|
CCC
|
Caa
|
CC
|
Ca
|
D
|
C
|
Une explication est nécessaire à ce niveau pour
la compréhension de cette notation. Lorsqu'un contingent de titres
reçoit la note AAA, cela signifie que les perspectives
d'activités et d'équilibre financier sont excellentes et que
l'émetteur est apte à assurer sans réserve le service et
l'amortissement de la dette. Dans le double A ou
AA, les appréciations sont les mêmes mais à un
degré moindre. Dans la note A, l'émetteur des
titre bénéficie d'une sorte d'aptitude à assurer de
façon normale le service et le remboursement de la dette, mais demeure
sensible à l'environnement ou aux évolutions techniques, qui
peuvent introduire une légère incertitude pour l'équilibre
financier à long terme, sans pour autant mettre en cause la bonne fin
des créances. Pour ce qui est de la note triple B
ou BBB, l'émetteur possède des
capacités suffisantes pour assurer le service et le remboursement de la
dette, mais dont l'activité s'exerce sur un marché étroit
ou instable entraînant des risques réels d'évolution
négative en cas de situation économique défavorable. Les
notes BB, B, CCC,
CC, indiquent que le service et le remboursement des
créances présentent une incertitude croissante. La note
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C indique un défaut de paiement
prévisible à court terme, tandis que la note D
signifie que les créances sont en défaut de paiement.
Robert FERRANDIER et Vincent KOEN notent que
« la note est accordée par l'agence pour la
durée de l'émission mais soumise à une surveillance
continue qui peut, le cas échéant, conduire à une
révision »253.
Dans ce contexte, les titres émis par le Cameroun ne
sont pas soumis à une notation. Cependant, un mécanisme a
été utilisé pour garantir le paiement intégral des
titres émis. Il s'agit du fond de garantie ou de réserve
prévu par les articles 17 et 18 du décret n°94/611/PM du 30
décembre 1994 et dont l'arrêté n°00416/MINFI/CAB/CAA
de la même date en fixe les modalités de gestion. Ce dispositif se
présente comme un mécanisme crédible et sécuritaire
pour assurer à bonne date le paiement des coupons des 2OT émises
au profit des établissements de crédit et l'amortissement du
capital. Bien plus encore, rien n'interdit aux investisseurs254 de
recourir aux conseils de ces agences. Ainsi, à la demande de certains
investisseurs, la CAA reçoit certaines agences de notation
financières aux fins d'évaluer les risques sur les titres que
l'Etat camerounais émet.
Les titres émis en contrepartie des créances sur
l'Etat ou garanties par lui, représentent donc un droit de
créance pour une durée déterminée. Comme tel, ils
peuvent être incorporés dans le circuit économique.
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