11 Le modèle
11.1 La courbe des taux
Comme les stratégies de placement
considérées correspondent à des prêts de
maturités différentes, il nous faut modéliser
l'évolution des taux de marché correspondant à ces
différentes maturités. L'objet de cette section est de
modéliser la courbe des taux.
Plusieurs modèles classiques s'offrent à nous.
Le modèle de Vasièek, qui a déjà été
rencontré dans la section dédiée au taux d'inflation, est
largement employé en raison de sa simplicité. Nous adoptons un
modèle probabiliste de marché (i~, W, (Ft')t'ER+ ,
P), où P désigne la probabilité historique que nous
avions déjà rencontrée, lors du modèle de dynamique
interne à la banque. Nous supposons l'absence d'opportunités
d'arbitrage sur ce marché, garantissant l'existence d'une
probabilité risque-neutre Q équivalente à la
probabilité historique. Nous avons décidé de retenir le
modèle de Hull et White qui constitue une extension du modèle de
Vasièek sous lequel la diffusion du taux court (taux spot), sous la
probabilité risque-neutre Q, se met sous la forme
drt' = (bt' -
art') dt' + ód Wt' , t'
E R+
où Wt' désigne un
mouvement brownien standard (sous Q). On parle de modèle de taux
à k facteurs si la dimension de ce brownien est k.
Dans cette étude, nous nous restreindrons à un modèle
à un facteur. En tant que solution d'une équation
différentielle stochastique, le taux spot est markovien sous cette
dynamique. Il est intéressant de noter que, dans le cas
général, la probabilité que le taux court soit
négatif sous Q est strictement positive.
Les paramètres a et óER +
sont constants et correspondent respectivement à la force de rappel du
processus et à sa volatilité. Le paramètre
bt' est déterministe et il est choisi de
manière à «fitter» la courbe des taux actuellement
observée sur les marchés. Plus précisément, il est
calibré implicitement de façon à ce que les taux forwards
instantanés issus du modèle correspondent à ceux issus du
marché. Nous allons expliciter cette démarche21.
Dans le cadre de l'écriture du modèle de Hull
et White, le temps est décompté en
années. C'est la raison pour laquelle nous le notons
t', la désignation t étant
réservée aux durées mensuelles.
Il nous faut modéliser les déformations de la
courbe des taux en écrivant les équations suivies par les
zéros-coupons. Soit le zéro-coupon d'échéance
T' qui rapporte 1 euro en T',
dont le prix en t' est noté B(t',
T'). Toujours sous l'hypothèse d'AOA, tous les actifs du
marché ont pour rendement rt' sous Q. Nous pouvons alors
écrire
dB(t', T') = B(t',
T') (rt'dt' + a(t', T')d
Wt') , t' E R+
19Il y a toujours une contrepartie à l'achat
et à la vente pour toute quantité de titres
20Connu aussi sous le nom de risque de
crédit, c'est le risque que la contrepartie (ici l'émetteur du
zéro-coupon ou de l'obligation) fasse défaut et ne puisse
être en mesure de nous verser le(s) flux initialement convenu(s)
21Plusieurs formules seront indicées par un
numéro. La démonstration précise d'obtention de la formule
correspondante figure en annexe B
Le taux zéro-coupon actuariel
R(t', T') écrit en base
annuelle22 prévalant en t' pour un
zéro-coupon d'échéance T' est la
variable aléatoire définie par
B(t',T') =
1
(1 + R(t', T'))T '-t'
La courbe T' ?R(0,
T') définit la courbe zéro-coupon
actuelle.
Il y a une infinité d'actifs sur ce marché (autant
que d'échéances). En posant Ft'
=ó(Wu,
0=u=t'), le marché peut donc
être supposé complet.
En effectuant le changement de variable Yt' =
rt'e
|
at'
|
, on intègre l'équation
précédente
|
|
selon
rt' = r0e-
|
at' +t' e a(t --3)bsds
+ Q J t e--te
--s)dWs
JJfo o
|
|
60
On a même plus généralement
rT' = rt'e
|
a(T'-t') + J T e
a(T'-3)bsds + Q J T' e
a(T' 3)dWs (1)
t' t'
|
|
compte tenu du caractère markovien.
Pour reconstruire la courbe des taux sous ce modèle, il
nous faut déterminer le prix des zéros-coupons de
différentes échéances. Par AOA et complétude du
marché, nous avons
B(t',T') =
EQ [e-ft'
rudu|Ft'] (*)
Comme nous connaissons la dynamique du taux spot sous la
mesure Q, il nous est possible d'expliciter le prix des
zéros-coupons en fonction des différents paramètres du
modèle.
Notons I(t', T')
l'intégrale du taux court sur l'intervalle [t',
T'], soit I(t',T')= f T '
t' rudu.
Par application du théorème de Fubini
stochastique, nous obtenons que, conditionnellement à Ft',
I(t', T') suit une loi gaussienne dont les
deux premiers moments sont donnés par
{
|
m(t',T') = EQ
[I(t',T')|Ft'] =
1T'
- e-a(T'-t')) - fT
e-a(T'-s)bsds
+ J T bsds IaL ' t,
V (t', T') = VQ
[I(t', T')|Ft'] =
â2[T' - t' +
âe-a(T'--t') -
12ae-2a(T'-t') - â] (2)
|
|
De la relation (*), nous obtenons
B(t',T')=e-m(t',T')+12V(t',T').
Remarquons que jusqu'à présent, nous ne
connaissons pas bt'. Nous allons le déterminer de façon
à ce que les prix zéro-coupon du modèle correspondent
à ceux observés aujourd'hui sur les marchés.
Considérons le taux spot (ou instantané)
forward à la date T' vu de la date
t' défini par
?ln(B(t',
T'))
f(t',T') =
?T'
22C'est une convention
Il s'agit du taux prévalant à la date
T' pour une durée infinitésimale,
anticipé depuis la date t'. Cette variable
aléatoire Ft'-mesurable est donc une fonction
déterministe de la courbe des taux T' ?
B(t', T') de la date
t'. Il est équivalent de connaître les taux
spot forward et les prix zéros-coupons, car ils sont liés par
B(t', T') = e-
RT0
t' f(t',s)ds
En particulier, compte tenu de la forme obtenue pour
B(t',T'), les taux forward
instantanés initiaux s'écrivent
f(0,T') = -
Dln(B(0, T')) = Dm(0, T') - 1
DV (0, T')
DT' DT' 2 DT'
soit
fT02 ( l
f(0,T') =
r0e-aT0 +
e-a(T0-s)bsds -
2a2 1 1 - 2e-FIT' + e 2âT'/
Par dérivation par rapport à
T', on obtient alors la calibration suivante pour
bT0
bT0 = af(0,T') +
DfDT,' + 2a (1 - e-2aT) (3)
En utilisant cette relation, l'expression donnant le taux court
se réécrit alors
rT 0 =rte
|
T0
a(T'-t') + y(T')
-
y(t')e-a(T'-t')
+ df
e-a(T'-s)dWs
(4)
t'
|
|
2
où y(t')=f(0,
t') + 2a2 (1 - e-at0) . À
titre illustratif, nous faisons figurer ici la courbe des
taux zéros-coupons actuariels ainsi que la courbe des
taux forwards instantanés actuelles. Elles se désuisent
aisément l'une de l'autre, comme nous l'avons expliqué. Leur
connaissance est indispensable à la calibration du modèle de Hull
et White.
FIG. 17 - La courbe des taux actuelle
61
En utilisant l'expression trouvée pour
bT' ci-dessus, l'espérance conditionnelle
m(t0, T0) de
I(t0, T0) peut se
réécrire
m(t0, T0) =
P(t0, T0) (rt' ?
ã(t0)) + ln(
B(0,t0)
B(0, T 0)) + 12(V
(0, T0) - V (0, t0))
(5)
1 - e-
en notant
P(t0,T0) =
|
â(T'-t')
|
. On en déduit finalement l'expression des prix
zéro-
|
|
|
|
|
|
62
B(t0,T0) =
B(ô' ) exp
{(f(0, t0) - rt')
P(t0,T0) - 4a
(1 - e-2at') P(t0
T0)2} (6)
Dans la mesure où
B(t0,T0) s'écrit
eA(t',T')rt'+C(t',T'), avec A et C
fonctions déterministes, on dit que le modèle de Hull et
White est un modèle affine de taux23.
Le modèle de Hull et White présente
l'énorme avantage d'être compatible avec la courbe des
taux actuelle (ce qui n'est pas le cas du modèle de Vasicek).
Il offre par ailleurs des expressions relativement simples pour les niveaux de
taux et les prix des zéro-coupons, ce qui en fait un modèle
«facile» d'utilisation.
Si l'on souhaite diffuser des taux courts et taux longs
à partir de ce modèle, il faut se donner les jeux de
paramètres suivants :
- les paramètres intrinsèques du modèle
a et ó
- le paramètre observé bt'. On utilise
la courbe des taux actuelle (les prix zéro coupons B(0,
T0) pour l'ensemble des T nécessaires) pour calculer les
taux forwards instantanés et implicitement calibrer la fonction pour
l'ensemble des maturités.
Une simulation de taux d'intérêts correspond
alors à la génération de l'ensemble de trajec-toires
{t0?B(t0,T0)}T'?{1,2,...,h+59}.
Voici par exemple trois trajectoires simulées du taux spot
sur les cinq prochaines années.
FIG. 18 - Des trajectoires du taux spot rt' sous Hull
et White avec a=0.1 et ó =0.01
23L'exposant dans l'exponentielle est une fonction
affine du taux spot rt'
63
Nous avons construit ce modèle en «base»
annuelle comme cela est de coutume, mais nous pouvons en déduire
très facilement les grandeurs en «base» mensuelle que nous
avons définies précédemment. Remarquons en effet que les
variables «mensuelles» et «annuelles» définies sont
très simplement reliées par
,
12
12 )
ZC(t, t + n) = B(t t
+ n
avec tE{0, 1,...,h - 1} et
nE{1, 2, ... , 60} entiers qui représentent
le temps en mois.
Le taux de rémunération offert en t sur
[t, t + 1] pour l'investissement mensuel de maturité 1 mois est
le taux EURIBOR24 un mois noté L(t). Il
s'agit d'un taux linéaire post-compté exprimé en
base annuelle. En conséquence, par absence d'opportunité
d'arbitrage, nous avons immédiatement25
1
ZC(t, t + 1) = 1
1+ 12L(t)
où L(t) s'exprime à partir du
modèle de Hull et White selon
~
L(t) = 12 (t t-1 pour
t E {0,1,...,h - 1} 12, 12 +
12)
Nous supposerons dans cette étude que le niveau des
taux est indépendant de tous les mouvements de clients. En reprenant les
notations déjà introduites, nous affirmons donc que }les
variables aléatoires {rt,}t,ER+,
{é(i,j),t}((i,j),t)EÓxÎxN*
et {7r(i,j),t,l
((i,j),t,l)EÓxÎxN*xN* sont toutes
mutuellement indépendantes.
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