57
Quatrième partie
M odélisation de l'évolution de la
marge nette
10 Définition et principes
10.1 Une approche économique et comptable
Deux approches sont envisageables dans la
«valorisation» économique des dépôts que la
banque détient aujourd'hui.
La première d'entre elles, particulièrement
utilisée aux États-Unis où le concept de juste valeur
prédomine, est la valeur actuelle nette (VAN) des
dépôts vus d'aujourd'hui, ou NPV (Net Present Value).
Conforme à la vision financière classique du
marked-to-market, elle consiste à actualiser la somme des cash
flows futurs affectant les dépôts pour en donner la valeur
économique actuelle. Le plus gros défaut de cette approche est sa
sensibilité aux fluctuations des taux d'intérêt : des
mouvements de la courbe des taux modifient profondément la valeur de la
banque. C'est pourquoi cette approche, plutôt adaptée à la
valorisation de titres amenés à être revendus à
très court terme, est parfois considérée comme
artificielle ou virtuelle pour valoriser un agrégat de
dépôts.
En gestion ALM, et particulièrement en France, les
banques de détail raisonnent plutôt en couru. On parle
d'approche IRM (Interest Rate Margin) ou MNI ( pour Marge Nette
d'Intérêts). Cela consiste à se focaliser sur
l'évolution, au cours du temps, des flux générés
par les dépôts, en les considérant au fil de l'eau, sans
actualisation. Dans cette vision, c'est le concept de marge nette
dégagée à chaque date qui prend toute son importance.
D'une manière générale, la marge nette
d'intérêts dégagée par l'établissement
à la date t, que nous noterons IRM(t), peut être
définie comme le flux net d'intérêts perçu par la
banque à cette même date. Ainsi, IRM(t) =I (t) - I
(t) où I (t) désigne le flux
d'intérêts perçu par la banque à la date t
au titre de ses placements effectués avant cette date, alors que
I (t) s'identifie au flux d'intérêts reversé aux
clients en t en rémunération de leurs
dépôts.
Dans le cadre de cette étude, nous aurons I (t)=0
pour tout t puisque les CCP ne sont pas
rémunérés. Ainsi
IRM(t) = I (t)
10.2 Les stratégies de placement et le «compte
d'intérêts»
Soit un horizon h en mois, pris supérieur ou
égal à 60. À chaque date 0 < t
< h - 1, la banque investit tout ou partie des
dépôts clientèles sur les marchés. Plusieurs
dimensions sont présentes dans ce processus de décision : le
choix de la quantité d'encours à investir, le choix du ou des
supports de placement et l'allocation à chacun d'entre eux.
Nous supposerons dorénavant que la banque a le choix,
à chaque date, entre deux supports d'investissement, offrant des taux
d'intérêts différents :
- le premier support correspond à des prêts
interbancaires d'échéance un mois (court terme);
- le second support correspond à des investissements
de plus long terme d'échéance 5 ans.
Les deux supports sont fondés sur des combinaisons de
zéros-coupons de différentes échéances. Un
zéro-coupon d'échéance T est un instrument
financier qui rapporte 1 euro en T. On dit
58
alors qu'il a pour maturité T
-t'7. Le prix en t d'un tel instrument
financier est noté ZC(t, T). Le temps est
décompté en mois dans ces notations. Nous adoptons les
hypothèses de travail suivantes dans le cadre de notre étude :
- le support court-terme dans lesquel on peut investir en
tE{0, 1,.. . , h - 1} est le zéro-
coupon d'échéance t + 1, donc de
maturité 1 mois. Le prix à débourser en t
pour un tel produit est ZC(t, t + 1);
- le support long-terme dans lequel on peut investir en
tE{0, 1,.. . , h - 1} est l'obligation
d'échéance 5 ans, de nominal 1 euro et
reversant des coupons mensuels fixes de xt euros avec remboursement du
nominal à échéance. Les flux reversés par ce
produit financier acheté en t sont illustrés sur le
schéma ci-dessous;
Cet instrument financier est en fait une combinaison de
zéros-coupons de différentes échéances. Par absence
d'opportunités d'arbitrage (AOA)'8, le prix d'achat en
tE{0, 1,.. . , h - 1} de cette obligation
s'écrit :
Bond(t, t + 60) = 1 =
|
6 0
X
i=1
|
xtZC(t, t + i) + ZC(t, t + 60)
|
|
Son prix de revente, en une date tv E{t
+ 1, t + 2,. .. , t + 59}, s'écrit :
Bond(tv,t + 60) =
|
t+60X
i=tv+1
|
xtZC(tv, i) + ZC(tv, t + 60)
|
|
Remarquons que le montant du coupon est fixé en t
à la date d'achat par l'équation
xt =
1 -ZC(t,t+60)
>60 ; i=1 ZC(t, t + i) -
à chaque date tE{1, 2,.. . , h}, la banque
perçoit un flux I(t) au titre de ses placements passés,
qui peut être divisé entre remboursement de capital K(t)
et tombée de flux d'intérêts
I+(t), avec donc I(t) = K(t) +
I+(t). Le montant K(t) est
réintégré à la masse des CCP et réinvesti
sur les marchés. En revanche, I+(t) est
reversé sur le «compte d'intérêts» destiné
aux actionnaires de l'établissement. En conséquence, les
17L'échéance d'un produit financier est
la date à laquelle il «expire» donc ici la date où l'on
reçoit l'unique détachement de coupon de 1 euro alors que sa
maturité est la distance à l'échéance
18Il n'est pas possible de gagner de l'argent
à coup sûr à partir d'un investissement nul
59
tombées d'intérêts ne viennent pas alimenter
l'encours de CCP et ne peuvent pas être réinvesties à des
dates ultérieures;
- les marchés sont parfaits : on peut acheter
et vendre toute proportion de titres, il n'y a pas de coûts de
transaction, les marchés sont infiniment liquides19 et nous
ignorons
le risque de contrepartie20 (ainsi, les
investissements considérés sont sans risque).
|