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Modélisation et couverture des comptes courants postaux

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par Guillaume et marie OMINETTI et TODD
Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique 3 de Malakoff - Master 2009
  

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8 Un modèle à «superstrates»

Au vu de cette première analyse, il ressort que les valeurs typiques que nous avons adoptées pour l présentent toutes deux des avantages et des inconvénients.

Ainsi, dans le cas l = 60, on constate par comparaison avec la courbe d'évolution de l'encours des CCP sur les quinze dernières années, que cette valeur de paramètre fournit des courbes trop peu volatiles, comme si notre pouvoir explicatif sur l'encours était trop élevé. En revanche, dans le cas de déséquilibres démographiques, il permet de rendre compte d'un effet mémoire sur le moyen-long terme qui paraît satisfaisant.

A contrario, le paramètre l = 2 semble donner des résultats plus conformes à la réalité sous l'angle de la forme générale d'évolution, dans la mesure où il permet des «sauts» plus marqués qui sont nettement visibles sur la courbe historique. Cependant, nous avons vu que cette valeur de paramètre entraîne des réajustements démographiques que l'on a envie de qualifier de «trop» rapides : ainsi, tout déséquilibre démographique interne à la banque se résorbe en moyenne approximativement en un an, ce qui semble a priori peu plausible. En outre, le cas l = 2 correspond à un changement de strate tous les deux mois en moyenne. Une telle valeur de paramètre peut donc paraître artificielle, dans la mesure où la ventilation en strates est censée capturer la situation financière générale du client, que l'on ne s'attend évidemment pas à voir changer aussi fréquemment.

Le but de cette section est de proposer une forme d'amélioration de ce que nous avons considéré jusqu'ici, qui puisse concilier, dans la mesure du possible, les faits stylisés évoqués ci-dessus, tout en offrant une représentation plus crédible de la réalité.

Notre point de départ est le suivant : il est légitime de penser que l'encours d'un client (peu importe sa situation financière) puisse connaître de fortes fluctuations d'un mois sur l'autre, suite à des dépenses inhabituelles ou encore à des virements vers des supports d'épargne par exemple. Nous envisageons donc ici une amélioration dans la calibration du modèle en ventilant chaque strate en deux sous-strates. Ces dernières regroupent respectivement les clients de la strate considérée dont le compte est dans un état «haut» (fortement alimenté) et ceux dont le compte est dans un état «bas» (peu alimenté). Les clients ont alors une propension marquée à rester dans leur strate, mais une forte mobilité au sein de celle-ci entre les différentes sous-strates qui la composent. Cela correspond bien à l'idée selon laquelle la surface financière du client est une donnée relativement stable, tandis que l'état de son compte peut, quant à lui, être beaucoup plus volatile! De cette manière, on conserve un pouvoir explicatif sur l'encours du client sur le moyen-long terme (donné par la strate à laquelle il appartient) tout en introduisant des fluctuations «locales» mensuelles données par les mouvements internes à chaque strate entre les deux états. Une telle approche prend tout son sens si l'on pense à des périodes annuelles précises, comme les fêtes de fin d'année, où l'on peut observer des débits importants sur la majorité des comptes courants.

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Nous allons à présent expliciter cette démarche. Considérons une banque de détail comprenant E = s = 8 strates. L'idée est de les voir groupées par paire (en tant qu'état «haut» et état «bas») au sein de quatre «superstrates» qui représentent la surface financière. La superstrate 1 correspond aux clients les plus aisés et regroupe les strates i = 1 et i = 2 qui sont respectivement ses états «haut» et «bas». La superstrate 4 correspond, quant à elle, aux clients les plus modestes et se compose des strates i = 7 («haut») et i = 8 («bas»). L'état complémentaire de la strate i au sein d'une «superstrate» sera appelé strate binôme. Les âges des clients sont toujours compris entre c=18 ans (et 0 mois) et w=80 ans (et 0 mois). Chacune des 5960 cellules est supposée contenir initialement n = 5 clients : on a réparti les clients de chacune des 2980 cellules précédentes uniformément entre les deux cellules-filles correspondant aux états «haut» et «bas».

Les cellules de clientèle regroupant les clients les plus âgés sont toujours caractérisées par un taux de sortie de 1 :

Vi E E, Vk E E, ë(i,ù) k = 0 et o(i,ù) = 1

Soit désormais j =6 w. Nous considérons que le taux de maintien dans chacune des (quatre)

l - 1

«superstrates» est de l , où l ~2 caractérise la stabilité de la surface financière des clients.

Nous pourrons prendre typiquement l=60, correspondant à une sortie au terme de cinq ans (en moyenne) de la superstrate. Les sorties par décès sont par ailleurs toujours calibrées sur

celui de passage dans l'une des (s - 2) autres strates est pris uniforme égal à 1

les taux de mortalité publiés par l'INED. Le taux de sortie volontaire est pris égal à 1 2l et

2l(s - 2).

En particulier, nous supposons que les clients changeant de «superstrate» ont autant de chances de se retrouver dans les états «haut» et «bas» de la «superstrate» d'arrivée. En revanche, si le taux de maintien dans chaque «superstrate» est élevé, nous souhaitons autoriser des mouvements fréquents entre les deux strates qui la composent : pour spécifier ce mouvement potentiel, nous introduisons un nouveau paramètre uE[0, 1], qui mesure la propension à rester dans le même état («haut» ou «bas»). Plus précisément, le taux de transition vers

l'autre strate de la «superstrate» à laquelle le client appartient est (1 - u)l - 1

l et celui de

l - 1

maintien dans sa strate actuelle est ul . En faisant varier le paramètre u, on contrôle la

dynamique de transition d'un état à un autre au sein d'une «superstrate». Pour u = 0.5, les deux états sont équiprobables; pour u faible, on assure une forme d'attirance vers la strate binôme et pour u élevé, on assure une plus grande stabilité du client au sein de son état actuel. Ainsi, un u proche de zéro correspond à une situation dans laquelle la présence du client dans un état («haut» ou «bas») au sein de sa «superstrate» entraîne une plus forte probabilité de le retrouver dans l'état binôme à la date suivante. Intuitivement, si l'on adopte un tel u, on postule implicitement que, si le client est dans son état «bas» à une date t, alors il y a de fortes chances pour qu'il alimente son compte et qu'il passe dans l'état «haut» en t+1. Réciproquement, s'il est dans l'état «haut» en t, il est probable qu'il fasse un virement de ce compte vers un livret d'épargne et donc qu'il passe dans l'état «bas» en t + 1. À l'inverse, pour u proche de un, on postule simplement qu'il est plus probable que chaque client reste dans son état.

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Sous l'hypothèse d'indépendance entre la mortalité et les strates vers lesquelles les personnes seraient amenées à évoluer à la date suivante sans mortalité, nous avons donc pour

(i, j) E E x (FL - {ù}), et en notant i0 la strate binôme de i,

?

?????????

?????????

ë(i,j) k= 1 - ?j si k E (E - {i, i0}) 2l(s - 2)

ë(i,j) i=u(l - 1) (1 - ?j) si k = i

l

ë(i,j)

i0=(1 - u)(l - 1) (1 - ?j) si k = i0

o(i,j) =?j + 1 - ?j

2l

l

Enfin, les entrées sont dans un premier temps calibrées de manière à équilibrer les sorties. En effet, nous voulons d'abord assurer une constance démographique moyenne dans la sous-population des clients de la banque.

V (i, j, t) E Ex(FL - {á})xN*, é(i,j) t Poisson (no(i,j-1)) Poisson (n 1?j-1 +

~~

1 - ?j-1

2l

 

L'encours moyen par client correspondant à la cellule la plus modeste de la banque est normalisé, pris égal à 1. Il s'agit des jeunes de 18 ans dans l'état «bas» de la «superstrate» 4, autrement dit des jeunes de 18 ans de la strate i = 8. Nous ferons ensuite l'hypothèse que l'état «haut» correspond à un encours moyen deux fois plus élevé que l'état «bas», et que l'état «bas» est repris de l'encours moyen que nous avions supposé lorsque s était égal à 4. Voici donc la matrice Do. Nous avons fait figurer en vert les strates correspondant à des états «hauts» et en bleu celles correspondant aux états «bas».

Superstrate

Strate

j = á = 216

j = 217

...

j = 228

j = 229

...

j = 959

j = ù = 960

1

i = 1

8

8

...

16

16

...

496

504

 

4

4

...

8

8

...

248

252

2

i = 3

6

6

...

10

10

...

250

254

 

3

3

...

5

5

...

125

127

3

i = 5

4

4

...

6

6

...

126

128

 

2

2

...

3

3

...

63

64

4

i = 7

2

2

...

3

3

...

63

64

 

1

1

...

1,5

1,5

...

31,5

32

 

On obtient alors des formes générales d'évolution similaires à celles que nous avons déjà analysées, avec des variations locales d'encours assez nettes. La différence est que ces variations sont ici principalement dues aux mouvements des clients au sein de leur «superstrate» respective entre les états «hauts» et «bas».

Pour discerner ces cas, nous avons simulé des trajectoires de l'encours global de la banque pour différentes valeurs de u. Afin de saisir l'influence de ce paramètre seul, nous avons par ailleurs adopté une inflation constante ð=0.002. Nous avons pris uE{0.5, 0.1} correspondant à différents cas décrits dans le paragraphe précédent et nous avons simulé des trajectoires de l'encours sur 10 ans.

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FIG. 13 - Une trajectoire pour u=0.5 (courbe verte) et u=0.1 (courbe rouge) de la dynamique de l'encours total avec un encours moyen par cellule déterministe

Nous avons alors calculé, dans le cas u = 0.5, la volatilité renormalisée moyenne de l'encours obtenue sur 1000 trajectoires. La volatilité correspondante s'est ainsi avérée être seulement 3% inférieure à celle obtenue dans le cas des strates «simples» (s=4) pour l =2! Nous sommes donc effectivement parvenus à obtenir des sursauts locaux de l'encours, similaires à ceux dans le modèle simple à 4 strates pour l = 2, et ce en dépit de la valeur l = 60! Ainsi, nous conservons ici un pouvoir explicatif fort sur chaque client, qui a une forte probabilité de rester au sein de sa «superstrate». Toutefois, grâce à la modélisation simple du caractère aléatoire de l'encours personnel de chacun d'entre eux d'un mois sur l'autre, nous créons une volatilité locale qui diminue notre pouvoir prévisionnel sur l'encours global. Par ailleurs, les deux trajectoires simulées ci-dessus permettent d'entrevoir les différences de dynamique imposées par le changement de valeur de u.

Pour u=0.1, on discerne ainsi des formes d'alternances fréquentes entre croissance locale et décroissance locale de l'encours d'un mois sur l'autre. Cet effet «balançoire» est dû à l'attirance pour la strate binôme: une situation de déséquilibre en t (plus de personnes dans l'état «haut» que dans l'état «bas») est suivie avec une très forte probabilité d'un déséquilibre inverse en t + 1. C'est cet effet que nous discernons dans les crêtes de la courbe d'évolution de l'encours. Nous avons entouré une telle évolution caractéristique en «dents de scie» (voir Figure 13 ci-dessus).

Toutefois, la formidable stabilité démographique que nous imposons ici (uniformité initiale et constance en moyenne dans le temps) ne permet pas de distinction encore très nette des types d'évolution de l'encours futur. Nous allons donc à présent réintroduire l'aspect démographique.

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Les paramètres adoptés sont l =60 et u=0.5, correspondant à un changement de «super-strate» tous les 5 ans en moyenne et une équiprobabilité entre les deux états «haut» et «bas». Les entrées sont à nouveau calibrées conformément aux projections futures de la pyramide des âges. Nous prenons désormais n=10.

Nous avons fait figurer sur les graphes ci-après les évolutions respectives de l'encours avec une situation initiale stable de la base de clientèle puis avec les deux types de déséquilibre (vers le bas et vers le haut). Sur chaque graphe, nous avons également fait figurer en noir la courbe d'évolution de l'encours si celui-ci suit exactement le niveau d'inflation (qui croît de 2.4% par an) : cela fournit ainsi une base de comparaison pour les croissances des trajectoires simulées. En outre, toutes les trajectoires ont été renormalisées de manière à partir d'une origine commune, le but étant de discerner les formes d'évolution à partir d'un même point de départ actuel.

FIG. 14 - Une trajectoire avec une situation initiale stable (courbe verte) et un déséquilibre démographique vers le haut (courbe rouge) de la dynamique de l'encours total avec une inflation constante dans le modèle à «superstrates»

On retrouve le fait qu'un déséquilibre vers le haut entraîne une sous-performance par rapport à l'inflation. Dans une première phase, l'encours décroît faiblement en raison de la perte des clients âgés qui détiennent le plus d'encours. La tendance s'inverse cependant progressivement en quelques années. Cela est dû à l'inflation d'une part, mais aussi à l'augmentation du nombre de jeunes clients, au vieillissement de la base de clientèle d'un âge intermédiaire en t = 0 ainsi qu'à l'arrivée de la génération du baby-boom, qui fournit un nombre croissant d'entrées de clients d'un âge avancé. Lorsque la banque possède initialement une base de clients stable, c'est-à-dire calquée sur la pyramide des âges, elle surperforme l'inflation comme nous l'avons déjà constaté dans les modèles à strates. Cela est essentiellement lié au vieillissement de ses clients appartenant à la génération du baby-boom.

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FIG. 15 - Une trajectoire avec une situation initiale stable (courbe verte) et un déséquilibre démographique vers le bas (courbe bleue) de la dynamique de l'encours total avec une inflation constante dans le modèle à «superstrates»

Dans le cas d'un déséquilibre démographique initial vers le bas caractéristique des banques en ligne, la surperformance par rapport à l'inflation est très nette. Elle provient essentiellement de la croissance du nombre de clients et au vieillissement de la clientèle existante. On obtient dans les deux cas un rééquilibrage progressif en plusieurs années, sans pour autant «tuer» toute volatilité locale comme cela était le cas avec l = 60 dans le modèle à strates simples.

Enfin, ce raffinement à «superstrates» permet également d'intégrer l'influence de déséquilibres de la démographie initiale de la base de clientèle entre les états «haut» et «bas», afin de mieux anticiper l'évolution de l'encours sur le court terme. Imaginons, à titre d'exemple, que l'on sache que u a une valeur faible. Autrement dit, l'attirance pour la strate binôme est forte : un compte bien alimenté a de fortes chances d'avoir beaucoup diminué au mois suivant (par virement vers les comptes d'épargne par exemple). Dès lors, si la distribution de clients présente un déséquilibre envers un état, on obtient une forme de rémanence locale de ce déséquilibre sur le court terme, avec un effet oscillant qui s'amortit sur plusieurs mois. Inversement, si u est fort, on s'attend à conserver ce biais vers les strates «hautes» sur les mois à venir.

Pour illustrer notre propos, nous avons simulé une trajectoire d'encours sur un an avec l= 60 et u=0.1. Nous avons créé un déséquilibre initial en partant de la situation démographique stable puis en transférant, pour chaque âge j et chaque «superstrate», un client de l'état «bas» vers l'état «haut». Sachant que n = 10, cela représente 10% de l'effectif de chaque cellule jusqu'à 65 ans.

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FIG. 16 - Une trajectoire avec déséquilibre démographique initial vers les strates «hautes»

On observe très clairement la rémanence annoncée, avec un effet balançoire qui s'amortit dans ce cas-ci sur une durée typique d'une année. Au-delà, le déséquilibre s'est effacé suite aux mouvements et arrivées de nouveaux clients. Cela permet d'une certaine manière de créer un mouvement de «masse» à court terme. Tout se passe ainsi comme si l'on créait artificiellement une corrélation entre les mouvements de clients dans le modèle à strates simples. On obtient dès lors une liberté de modélisation supplémentaire dont on ne disposait pas avant.

En conséquence, ce modèle peut être utile pour affiner la prévision à court terme de l'encours si l'on dispose de la distribution actuelle de la base des clients et si l'on a calibré (sur la base d'observations historiques) la valeur de u.

Finalement, ce modèle à «superstrates», qui nous donne la possibilité de «pianoter» sur les états «haut» et «bas», sur les probabilités de transition de l'un vers l'autre et sur les taux de transition de «superstrate» nous permet de générer, dans le cadre de valeurs de paramètres «réalistes»16, des trajectoires de l'encours qui respectent certains faits stylisés que nous posons a priori :

- un fort pouvoir prévisionnel sur l'état patrimonial de chaque client (c'est-à-dire la «superstrate» à laquelle il appartient)

- une volatilité locale (sur pas de temps mensuel) de l'encours

- une rémanence sur le moyen-long terme d'un déséquilibre démographique initial qui s'amortit en plusieurs années

D'un point de vue purement théorique, ce modèle, que nous avons appelé à «superstrates», est toutefois strictement identique aux cas analysés précédemment. Notre but ici était simplement de construire une structure pour notre banque virtuelle qui soit plus réaliste du point de vue des valeurs de paramètres et de prouver que l'on retrouvait toujours les faits stylisés soulevés.

16Dans le sens où les taux de transition et de sortie adoptés paraissent plausibles si l'on interprète les «superstrates» comme le reflet de la surface financière et les strates comme l'état du compte

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld