PARTIE II:
LES REPERCUSSIONS DE LA PRESENCE DES ENERGIES
RENOUVELABLES PROMUES PAR LA PUISSANCE PUBLIQUE SUR LE MARCHE
L'essor des énergies renouvelables s'est faite par le
biais d'une émergence encadrée par la puissance publique
(chapitre 1). De ce fait, cela conduit à s'interroger également
sur le nouveau modèle de service public, car en contribuant à
l'émergence des énergies renouvelables dans le secteur de
l'électricité, elle a en même temps démontré
que ces nécessités devenaient inhérentes au service public
de l'énergie. Cette promotion des énergies renouvelables va
provoquer un mouvement de libéralisation qui va également influer
sur la notion de servie public. Elle paraissent désormais
intégrées dans la conception de service public de
l'énergie (chapitre 2).
Chapitre 1:
L'émergence encadrée par la puissance
publique des énergies renouvelables
Cette émergence va se faire notamment par le biais de
la politique de rachat de l'énergie (I), mais également par
d'autres moyens tel que les programmes d'ouverture du marché et par les
clefs juridiques mise à la disposition des collectivités
territoriales (II). Ces exemples de mise en oeuvre de la politique publique en
faveur de la promotion des énergies renouvelables ne propose pas une
liste exhaustive car les moyens sont
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multiples. Mais elle a l'avantage de présenter les
principaux moyens utilisés dans divers domaines. Ceci démontre le
caractère éclectique des instruments mis en place et la
manière dont la politique publique apporte son soutien, après
avoir vu les raisons qui l'ont poussé à l'intervention.
I-La politique de rachat de l'énergie, facteur
de réussite
Ce rachat de l'énergie est un exemple typique de la
politique publique en faveur des énergies renouvelables. Elle s'illustre
comme un moyen de rééquilibrer le marché (A), et lorsque
le gouvernement va se désengager, cela va démontrer la
nécessaire intervention de la puissance publique pour une libre et
égale concurrence (B).
A-Le rachat de l'énergie des producteurs
d'énergies renouvelables, un moyen de rééquilibrer le
marché
Progressivement, il semble que la réglementation
favorable à l'énergie renouvelable se soit
développée.
Le gouvernement a réagit dès 2000 en mettant en
place une politique de rachat de l'électricité. L'article 10 de
la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au
développement du service public de l'électricité, a en
effet mis en place une obligation de rachat de l'électricité par
EDF ou les Distributeurs Non Nationalisés. Cette obligation touche
« des installations qui valorisent des déchets ménagers
ou assimilés, des installations qui visent l'alimentation d'un
réseau de chaleur, des installations de production
d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables ou
l'énergie mécanique du vent, des installations qui mettent en
oeuvre des techniques performantes en termes d'efficacité
énergétique, des installations qui utilisent l'énergie
marine, l'énergie solaire thermique ou l'énergie
géothermique ou hydrothermique, des moulins à vent ou à
eaux réhabilités pour la production d'électricité,
ou encore, dans les départements d'outremer, des installations
électriques qui produisent de l'électricité à
partir de la
biomasse »72. Ainsi donc est apparu
cette possibilité de rachat qui a contribué à
l'époque à l'essor des énergies renouvelables. Par ce
biais, les énergies propres disposaient d'une valorisation, en
permettant leur développement. En effet, en obligeant leur rachat, la
politique publique encourageait à préférer ces
énergies.
Ce rachat de l'énergie a été rendu possible
notamment par la directive 2001/77/CE73 qui indique que «
la nécessité d'une aide publique en faveur des sources
d'énergie renouvelables est admise dans l'encadrement communautaire des
aides d'État pour la protection de l'environnement ». Le
Conseil d'État avait été saisi en ce sens en
200374 où il avait estimé que « la charge
financière de l'obligation d'achat dont bénéficient les
installations utilisant l'énergie mécanique du vent
[étant] (...) répartie entre un certain nombre d'entreprises,
sans que des ressources publiques contribuent, directement ou indirectement, au
financement de l'aide ». Pour cela, il s'était appuyé
entre-autres sur la décision « PreussenElektra » rendue par la
Cour de Justice des Communautés
72 Cité par l'article L314-1 du Code de
l'Énergie
73 Directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001 relative à la
promotion de l'électricité produite à partir de sources
d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de
l'électricité
74 CE décision n°237466 du 21 mai 2003
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Européennes75 qui indique que seules les
ressources provenant directement ou indirectement des ressources de l'Etat sont
constitutives d'aides d'État. Claudie Boiteau soulève à
propos de cet arrêt de 2003 que le Conseil d'État a conclu que
« l'avantage accordé ne provenait pas de ressources
d'État tout en ignorant toutefois que le principal contributeur au fonds
était alors une entreprise publique détenue par l'Etat
»76. C'est-à-dire EDF. C'était donc possible
de le discuter.
Mais depuis la situation a évolué et les
surcoûts imposés à Électricité de France et
aux Distributeurs Non Nationalisés dans le rachat de l'énergie
font depuis la loi du 3 janvier 200377 « l'objet d'une
compensation intégrale non plus par un fonds du service public de la
production d'électricité alimenté par des contributions
dues par les producteurs, fournisseurs et distributeurs mentionnés dans
la loi mais par des contributions dues par les consommateurs finals
d'électricité installés sur le territoire national, dont
le
montant est calculé, dans la limite d'un plafond, au
prorata de la quantité d'électricité consommée et
arrêté par le ministre chargé de l'énergie sur
proposition de la Commission de régulation de
l'énergie78 ». Le financement ne vient en effet
plus de producteurs fournisseurs et distributeurs mais directement des
consommateurs au moyen de la Contribution au Service Public de
l'électricité »(CSPE). Le juge a donc été
saisi et cela a donné lieu à un arrêt rendu par le Conseil
d'État « Association vent de colère ». La haute
juridiction a reconnu que cela pouvait être constitutif d'une
intervention de l'Etat, elle a donc dû sursoir à statuer afin de
poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des
Communautés Européennes: « Ce mécanisme doit-il
désormais être regardé comme une intervention de l'Etat ou
au moyen de ressources d'État au sens et pour l'application des
stipulations de l'article 87 du traité instituant la Communauté
Européennes »79. L'article 87 est celui qui
interdit les aides d'État. La question reste donc pour le moment en
suspens.
Afin de promouvoir les énergies renouvelables,
l'État s'est donc engagé dans une politique d'obligation de
rachat des énergies renouvelables. Il a donc voulu son essor en allant
jusqu'aux confins de l'aide illégale d'État. Cela montre l'impact
des aides sur la concurrence et le fait que cela puisse concurrencer EDF, mais
pose le problème de l'origine publique des fonds.
Cette aide aux énergies renouvelables qui va s'amenuiser
par la suite, s'explique par la volonté de répondre aux nouvelles
préoccupations environnementales et aux objectifs fixés.
Néanmoins, il s'agit d'aider une forme d'énergie au
détriment d'une autre, et c'est ce qui peut être constitutif d'une
aide illégale mais cela va avoir des effets. En effet, comme il a
été abordé plus tôt, la libéralisation a
été insuffisante du fait notamment de la position d'EDF qui avait
des moyens techniques lui permettant d'être en position dominante, mais
aussi du fait du choix du gouvernement qui n'a pas vraiment aidé cette
libéralisation. Le seul moyen qu'il y ait une vraie concurrence
était donc de rééquilibrer les déséquilibres
en apportant plus de soutien aux autres producteurs qui étaient
défavorisés, notamment ceux des énergies renouvelables.
Pour pallier au moyens techniques, le rachat de l'énergie était
une bonne alternative. Avant cela, les producteurs de nouvelles énergies
étaient souvent exclus parce qu'il étaient moins
intéressant financièrement. En obligeant le rachat de
l'énergie, cela leur permettait de réduire cette
75 CJCE 13 mars 2001 « Preussen Elektra »
76 Claudie Boiteau « le prix controversé du rachat de
l'énergie éolienne où l'énergie renouvelable
à quel prix? » AJDA 2009 p2105
77 Loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 relative au marché
du gaz et de l'électricité et au service public de l'energie
78 CE «Association vent de colère» 15 mai
2012
79 Idem
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inégalité. En se donnant comme objectif la
protection de l'environnement, le gouvernement a donc permis dans le même
temps de consolider un concurrent sérieux à EDF, et donc au
nucléaire puisque c'est sa principale activité. Il y avait
difficilement d'autres alternatives puisque comme il l'a été
abordé, concurrencer le nucléaire par le nucléaire
était quasiment impossible.
Cet effet des énergies renouvelables sur le marché
peut également s'apprécier en négatif en observant les
effets néfastes sur le marché de la baisse du soutien aux
énergies renouvelables par le gouvernement.
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